Publié le 23 Mar 2024 - 17:26
DÉSISTEMENT DE CHEIKH TIDIANE DIÈYE ET HABIB SY

Le Conseil constitutionnel ‘’bloque’’ la sortie des candidats suppléants

 

Après le désistement du candidat Cheikh Tidiane Dièye, c’est au tour d'Habib Sy de se retirer au profit de Bassirou Diomaye Faye. De nouveaux cas d’école qui ont fait réagir plusieurs juristes et acteurs politiques.

 

Après le candidat de la plateforme Sénégal bi nu beug, le Dr Cheikh Tidiane Dièye, c’est au tour du candidat du Parti de l’espoir et de la modernité, Habib Sy, d’annoncer son retrait de la Présidentielle de demain dimanche. L’ancien directeur de cabinet de Wade l’a évoqué jeudi 21 mars, lors du passage de la caravane du candidat de la coalition DiomayePrésident à Linguère. L’ancien maire (2009- 2014) a appelé ses partisans à voter pour la victoire de Bassirou Diomaye Faye, dès le premier tour.

Néanmoins, la haute juridiction a opposé une fin de non-recevoir au retrait de la candidature d'Habib Sy, pour la simple raison que ce dernier devait le faire 72 heures avant le scrutin du 24 mars, en comptant les jours francs.

Par contre, en ce qui concerne le candidat Cheikh Tidiane Dièye, qui était dans les délais, sa requête de désistement n’a pas été prise en compte par les sept sages. Ces derniers ont motivé leur décision et exigé des deux candidats qu’ils poursuivent leur campagne jusqu’à la date.

Par ailleurs, les juges mettent en lumière que la liste définitive des candidats a été publiée le 20 février 2024 et la date limite de retrait était le 25 février 2024.  

Au même moment, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a également souligné que le Conseil constitutionnel oblige les deux candidats à suivre le processus électoral jusqu’à son terme, malgré leur volonté de se retirer.

Selon le mandataire d’Habib Sy, le Conseil constitutionnel a refusé de réceptionner leurs lettres de renonciation. ‘’On parle de rejet, mais la vérité des faits, c’est que notre demande ainsi que celle de Cheikh Tidiane Dièye n’ont même pas été examinées. Donc, on ne peut pas parler de rejet dans ce cas de figure’’, indique M. Diakhaté.

Un constat qui a fait réagir de nombreux juristes constitutionnels comme les dernières divergences de fond et de forme qui ont marqué le pays au cours des dernières semaines de contexte préélectoral.

Il poursuit que c’est à son retour, vers 14 h, en compagnie du mandataire de Cheikh Tidiane Dièye, qu’ils ont été tout bonnement ‘’éconduits’’ par le greffier qui leur a fixé un nouveau rendez-vous pour le 29 mars, bien après la tenue de la Présidentielle de demain dimanche. Habib Sy a déclaré qu'il était "déçu" par la décision du Conseil constitutionnel, mais qu'il respectait son verdict.

Un dangereux précédent pour la démocratie sénégalaise ?

Certains observateurs dans la foulée ont critiqué la décision du Conseil constitutionnel, estimant qu'elle était trop rigide et ne tenait pas compte des circonstances particulières de la situation.  Ndiaga Sylla, qui est expert électoral et très présent sur ces contentieux, a pris position dans cette affaire, soulignant que la Constitution du Sénégal dispose en son article 34, alinéa premier qu’’’en cas d’empêchement définitif ou de retrait d’un des candidats entre l’arrêt de publication de la liste des candidats et le premier tour, l’élection est poursuivie avec les autres candidats en lice. Le Conseil constitutionnel modifie en conséquence la liste des candidats. La date du scrutin est maintenue’’.

D'autres observateurs soutiennent la décision du CC, arguant qu'il était important de respecter les règles et les procédures électorales. Moussa Ndiaye, conseiller juridique dans un cabinet de la place, pense que ce retrait est un gâchis, parce que des milliers d’exemplaires ont été tirés et des temps d’antenne alloués à ces deux candidats. Une perte de temps et d’énergie. C’est inadmissible, peste-t-il.

Les partisans de la mouvance présidentielle, eux, ruent dans les brancards. Ils pensent que c’est un précédent dangereux pour la démocratie sénégalaise et qualifient ces désistements ‘’d’escroquerie politique’’. ‘’Demain, que personne ne s'indigne qu'un président avec ses importants moyens crée dix candidats, qui parleront tous à son nom, fassent campagne pour lui et à la veille du scrutin, tous se rangent. C'est abject ce que Habib et Ch. T. Dièye font. Ils ont ouvert la boîte de pandores’’, avertit Demba Diop, un militant de la mouvance présidentielle.

Dans ce cas de figure, si Cheikh Tidiane Dièye recouvre sa caution, cela ne sera pas le cas pour Habib Sy qui va perdre ses 30 millions F CFA.

Cependant, Ndiaga Sylla prend le contre-pied de cette analyse : ‘’Par conséquent, la décision des candidats doit être respectée, comme ce fut le cas récemment de madame S. Wardini dont la lettre a été traitée avec célérité. Pourtant, la même charte fondamentale prévoit le retrait de candidature entre les deux tours du scrutin et même après le second tour.’’ 

Il poursuit : ‘’Refuser de prendre acte de la décision d'un candidat de se retirer de la compétition, avant le scrutin du 24 mars 2024, ne serait-il pas assimilable à vouloir faire le jeu d'un camp politique ?’’

Pour rappel, Habib Sy a pu se présenter grâce aux parrainages des députés de l’ex-Pastef, au nom duquel Bassirou Diomaye Faye est prétendant à la Présidentielle. Éventuel candidat de secours au cas où Bassirou Diomaye Faye aurait été empêché, aujourd’hui ‘’dans le dernier virage avant la Présidentielle’’, dit Habib Sy, ‘’il était logique’’ qu’il se retire.

Amadou Camara Gueye

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