Publié le 20 Feb 2015 - 15:39
KALIDOU CISSOKHO, ANCIEN GARDIEN DE BUT DES LIONS

 ‘’Aliou Cissé ne doit pas brûler les étapes’’

 

Ancien gardien de l’équipe nationale du Sénégal, Kalidou Cissokho a été de l’épopée de 2002 avec les Lions. Dans cet entretien accordé à EnQuête, l’ancien gardien du FK Bakou, en Azerbaïdjan, pense qu’il faut mettre le successeur d’Alain Giresse dans d’excellentes conditions de travail. Pour lui, Aliou Cissé doit poursuivre sa mission avec l’équipe Olympique et ne doit pas brûler les étapes. Il est également revenu sur la situation regrettable de son club formateur, la Jeanne d’Arc de Dakar.

 

Vous avez suivi la Coupe d’Afrique des nations et l’élimination précoce du Sénégal. Est-ce que vous étiez surpris ?

Je peux dire que l’élimination des Lions m’a quelque peu surpris. J’ai pratiqué le football. Je suis un professionnel et je connais bien le milieu. Cette élimination m’a surpris vu la qualité du groupe qu’on avait. On pouvait tout gagner avec ce groupe. D’autre part, je ne suis pas surpris parce que beaucoup disaient qu’on allait gagner la Can, alors qu’on n’était pas la seule équipe sur place. Toutes les équipes présentes s’étaient préparées en conséquence. Si on avait fait un retour en arrière, on aurait dû se méfier. Il nous est arrivé à plusieurs reprises de croire qu’on allait remporter la Can et au final, rien. Le football n’a pas de logique.

Vous avez vécu cela et à chaque fois on changeait les hommes pour reconstruire une autre équipe. Selon vous, quelle doit être l’attitude de nos dirigeants ?

Le Sénégalais a toujours tendance à oublier le passé. Je vais commencer par la fédération. On dit qu’Augustin Senghor doit démissionner, que la direction technique doit démissionner, que les joueurs doivent démissionner. Alors que quand on se qualifiait, ce sont ces mêmes personnes qui étaient là. Mais quand on perd, on indexe ces personnes. A votre avis, si Augustin démissionne, qui peut bien le remplacer ? Je ne vois personne, de même que Mayacine Mar pour la direction technique.

Mais pour le cas de Mayacine Mar, qui est là depuis quelques années à la tête de la direction technique nationale et rien ne bouge, ne pensez-vous pas qu’il devrait partir ?

Je connais bien Mayacine Mar. Il a eu à m’entraîner en club et en équipe nationale. Je le connais très bien et il a beaucoup de connaissances. Il fait partie des personnes qui ont fait évoluer le football sénégalais sur plusieurs générations, avec Joseph Koto, Lamine Dieng, entre autres. Actuellement, le football sénégalais est dominé par les centres de formation comme Diambars et Génération foot. Pour moi, personne ne doit démissionner.

Pour le groupe actuel, pensez-vous que certains joueurs doivent partir ? Ou faudrait-il plutôt le renforcer. Et dans quel secteur ?

Pour moi, le premier secteur qu’on doit renforcer est celui des gardiens de but. A part cela, tout le reste est bon. On a un bon groupe qui peut toujours prendre la Coupe d’Afrique. Ils peuvent aussi nous qualifier pour le prochain mondial. Mais tout cela dépendra des Sénégalais. Ils doivent se solidariser avec l’équipe. Mais si on insiste sur le fait qu’on doit renvoyer les membres de la fédération, c’est comme si on recommençait toujours. Laissons-les continuer, je pense qu’ils sont sur la bonne voie.

Comment jugez-vous le travail de Giresse ?

Le Sénégalais oublie toujours le passé. Surtout  ce que la personne a fait de bien. Quand il se fâche, il casse tout. Giresse a fait du bon boulot. Mais on ne lui a pas donné l’occasion de prouver. Certes, il a fait des erreurs, surtout lors du match contre l’Afrique du Sud. C’est ce qui a éliminé l’équipe. C’était le match à gagner pour pouvoir espérer se qualifier. Si on avait gagné ce match, on aurait battu l’Algérie, parce que la motivation allait pousser les joueurs à se tuer. Il faut faire confiance aux joueurs. Dans ce cas, ils se donnent à fond. Mais quand on les fait douter, ils n’explosent pas. J’avais l’impression que certains joueurs de l’équipe commençaient à douter. Pour qu’une équipe soit bonne, chaque joueur doit connaître sa place. Mais malgré tout, c’est un bon coach.

Aujourd’hui qu’il est parti, les gens parlent d’un entraîneur local à la tête de l’équipe, qu’en pensez-vous ?

Je n’ai pas de choix là-dessus. Ce qui m’intéresse, ce sont les conditions dans lesquelles sera le coach. S’il est sénégalais, recevra-t-il les mêmes honneurs qu’un étranger ? S’il c’est un étranger, est-ce qu’il trouvera les conditions idoines pour faire un bon travail ? C’est là que se situe le débat. Sinon, le reste n’est pas important. Si on a une équipe de qualité et un entraîneur intelligent, on peut beaucoup gagner avec cette équipe. Tout le monde veut entraîner l’équipe nationale parce qu’ils connaissent la qualité du groupe. Je crois aussi que l’équipe doit avoir l’habitude de se préparer au Sénégal. C’est bien beau d’aller au Maroc. Mais parfois, il faut faire au moins une semaine au pays, être en contact avec les supporters. Ils ont besoin de ce contact, de cette chaleur.

Des candidats se sont signalés pour entraîner l’équipe. D’autres noms ont été cités, notamment la génération 2002, avec Alioune Cissé. Quel est votre avis sur la question ?

On m’avait posé cette question, avant que Giresse ne soit choisi. Tout le monde pense qu’Aliou Cissé doit prendre l’équipe. Je le connais et c’est mon ami. Mais si c’était moi, je n’aurais pas accepté d’entraîner cette équipe. Je pense qu’il doit continuer à travailler avec l’équipe olympique. Je sais qu’actuellement, s’il demande les rênes de l’équipe, on les lui donnera. Seulement, j’entends tout le monde parler, mais lui, le concerné ne s’est pas encore exprimé sur la question. Donc, on ne sait même pas s’il veut réellement entraîner l’équipe nationale, il n’a qu’à dire aux gens ce qu’il veut réellement.

Mais est-ce qu’il a le profil, selon vous ?

Des fois, on peut juger une personne par rapport à sa carrière de footballeur, le genre de joueur qu’il était. Je l’ai vu avec les Lions olympiques et je dois dire qu’il se débrouille très bien. Il a fait de bons résultats et il peut beaucoup apporter au Sénégal. Il ne doit pas brûler les étapes et doit franchir les escaliers un à un. Souvent au Sénégal, on vous parachute sans que vous ne soyez prêt, c’était le cas pour Amara Traoré.

Vous êtes revenu au Sénégal après quelques années d’absence. Que comptez-vous faire maintenant ?

Mon club (BK Bakou en Azerbaïdjan) rencontre quelques difficultés, mais je ne suis pas rentré définitivement. Parce que je suis toujours sous contrat. Et j’ai souvent des nouvelles du club. Tout dépend du contrat qu’on a avec le club. Malgré les difficultés, je ne les abandonnerai pas, eux non plus.  Je profite de ma présence ici pour réaliser quelques projets. Mais aussi subir des examens pour être entraîneur de gardien. Et j’ai réussi. J’ai entraîné un gardien qui vient de signer à Athlétique. Les quatre autres sont en France.

Est-ce que le poste de sélectionneur de gardien du Sénégal vous intéresse ?

Oui cela m’intéresse. Si on me contacte pour me donner ce poste, je pourrai même résilier mon contrat pour venir aider mon pays. Je suis un professionnel et je sais que je peux beaucoup apporter au Sénégal.

Seriez-vous prêt à occuper ce même poste au niveau de certains clubs, comme Diambars, Aspire, etc. ?

Oui ça m’intéresse. Mais personnellement, je collabore avec un Portugais. On travaille sur un projet depuis un an en Azerbaïdjan. Il s’agit d’un centre de formation implanté au Portugal destiné uniquement aux joueurs africains. On voudrait également travailler sur d’autres projets au Sénégal.

Où en êtes-vous dans votre reconversion ?

J’ai arrêté ma carrière de footballeur il y a quatre ans. Je suis devenu préparateur, entraîneur de gardien de but de mon club. J’y travaille beaucoup et j’y ai gagné beaucoup de connaissances et d’expériences. Je devais même me rendre à Lens pour travailler avec les gardiens de l’équipe première. Finalement, cela n’a pas pu se faire puisque je devais venir ici pour régler des affaires.

Vous êtes ancien international sénégalais. Vous avez également joué à la Jeanne d’Arc. Vous avez été à l’étranger. Quelle appréciation faites-vous du football sénégalais en général ?

J’ai suivi un match du championnat d’élite le week-end dernier. Le football sénégalais est en train d’avancer. Les gens essaient de s’y mettre. J’ai vu plein de choses. Quand je jouais à la Jeanne d’Arc, on était des professionnels déjà. Avec tout ce qu’Omar Seck faisait, on dépassait les autres clubs. Mais actuellement, la J.A est le club le pus démuni. Le football avance. Seulement, les choses doivent être posées sur un cadre où tout le monde doit continuer à mettre la main. Il faut que les clubs se conduisent comme des professionnels. Les joueurs aussi doivent se comporter ainsi. Sinon ils n’évolueront pas. Les footballeurs doivent revoir leur hygiène de vie. Ils ont une grande responsabilité. S’ils adoptent une attitude professionnelle, les choses marcheront forcément. La Ligue est en train d’essayer. Car le professionnalisme demande d’énormes moyens. Je sais qu’elle n’a pas ces moyens-là. On doit aussi les appuyer. C’est ce qui fera avancer les choses.

Vous avez été formé à la Jeanne d’Arc. Comment analysez-vous les difficultés que traverse ce club actuellement ?

Les gens n’ont pas encore accepté de s’asseoir et de discuter sur les problèmes de la Jeanne d’Arc. La JA n’appartient à personne. Ce n’est ni un club d’entreprise ni de quartier. C’est un patrimoine national. C’est la même chose pour Jaraaf, Gorée, Rail, etc. Des fois, les gens me taquinent en me disant que la JA a été battue (3-0). On m’explique que si le club ne gagne pas, il sera relégué en national 2. Je pose la question alors de savoir à quoi correspond ce niveau du champion. Les gens me répondent que c’est le dernier palier avant les navétanes. Je me dis que la Jeanne d’Arc doit vraiment faire des efforts.

Les anciens de la JA doivent convoquer tout le monde. Ce sont eux qui réglaient les problèmes. Ils doivent le faire et les gens répondront. Il paraît qu’il y a deux tendances au sein du club. Ce n’est pas possible au football. Non ! Les deux groupes doivent faire face à face. Si on doit aller en justice, on le fera. Personnellement, je m’y engagerai. Je le prépare petit à petit. Il y a des gens qui ne font pas partie de la JA. Ils y sont nés et y ont grandi, mais ne portent pas le club dans leur cœur. Parce qu’ils sont à cheval entre les deux groupes. Je reçois  les informations. Il faut éloigner du club ces genres d’individus si on veut remettre la JA à sa place. C’est un club exemplaire. Il ne doit pas disparaître. De notre temps, des anciens me disaient : si vous avancez, l’équipe nationale marchera. La situation actuelle de la Jeanne d’Arc me fait très mal. Le linge sale doit être lavé en famille.

Ne pensez-vous pas que cette situation de la Jeanne d’Arc est due à un manque de dirigeants de grande envergure ?

La Jeanne d’Arc ne manque pas de dirigeants. Tout le monde est d’avis que  Feu Omar Seck a fait du bon travail. Il a beaucoup donné à la Jeanne d’Arc. Mais avant lui, Souris (Malick Sy) était là. J’irai le voir personnellement. Il fait partie de ceux qui peuvent sauver la JA. Mais il est en train de laisser faire. Et il ne doit pas le faire. Il doit pouvoir convoquer les JAman un week-end. Je suis sûr que les gens répondront à son appel. Avec tout le respect dont il jouit à la JA, il pourra remettre le club sur les rails. Les gens doivent arrêter de parler. Ils ne font que gérer des intérêts personnels. Ils ne croient même pas en Dieu.   

PAPE MASSAER NIANG

 

 

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