Publié le 21 Feb 2016 - 03:42
L’ÉTAT DE DROIT ET LA SÉPARATION DES POUVOIRS

La posture républicaine du Président Macky Sall

 

« Le mépris des lois c’est le commencement de la décadence »

Jean Pellerin, Gens sans terre

Après plusieurs mois de débats passionnés, l’avis du conseil constitutionnel, rendu par le Président de la République au cours de son adresse à la Nation, clôt enfin la controverse autour de la réduction du mandat présidentiel. En effet, saisissant ce moment solennel, le Président de la République a rendu publique la décision du Conseil constitutionnel qui invalide le projet de réduction du mandat présidentiel applicable à celui en cours.

Aussi, en républicain convaincu, le Président de la République s’est-il engagé à respecter l’avis des cinq sages. D’ailleurs en pourrait-il être autrement? Ce geste du Président de la République est assez rare pour être souligné surtout dans une Afrique marquée par une hypertrophie des pouvoirs de l’exécutif. Ce n'est ni moins ni plus qu'une belle leçon de démocratie qui est ainsi un exemple en Afrique et ailleurs.

 En décidant de respecter la décision de la plus haute juridiction, le Président nous fait la démonstration de la vitalité de l’État de droit au Sénégal.

Cette grande marque d’humilité et de désintéressement pour le pouvoir, tombe à un moment où, sur le continent africain, des Chefs d’État se battent pour se maintenir au pouvoir, si ce n’est pour tripatouiller dans la loi fondamentale de leur pays. Par sa volonté de réduire son mandat de 7 à 5 ans, le Président Macky Sall assène à ses pairs une belle leçon de démocratie et sa posture reflète celle des hommes d’État  dans les grandes démocraties. Rappelons qu’avant lui, le Président Georges Pompidou avait proposé dès 1973 un projet de loi constitutionnelle destinée à réduire son mandat présidentiel à cinq ans, mais il n’a jamais été soumis ni au vote du Congrès, ni au référendum. Après cette initiative, les Présidents Giscard D’Estaing et François Mitterrand ont tous envisagé de réduire le mandat présidentiel, mais s’en sont finalement abstenus.

Un autre exemple dans lequel le pouvoir exécutif n’a pas été suivi par la haute juridiction est celui du Canada. En effet, l’ancien Premier Ministre Stephan Harper avait demandé à la Cour suprême de trancher sur la validité constitutionnelle de sa réforme relative à la réduction de la durée du mandat des sénateurs.

C’est dire que la décision du Conseil constitutionnel invalidant le projet de réduction du mandat présidentiel, n’est pas une nouveauté. C’est le principe normal de fonctionnement d’un État de droit.

A ce titre, nous félicitons et célébrons le Président de la République de hisser le Sénégal au standard des pays de grande démocratie.

Fondamentalement, les problèmes sur lesquels ceux qui dénoncent le respect de la conformité constitutionnelle doivent se prononcer de manière ferme, c’est de nous dire : «ce que le Président de la République aurait fait de l’avis du Conseil constitutionnel. Est-ce qu’il devrait l’appliquer à la lettre, ou est-ce qu’il devrait se donner la liberté de ne pas l’appliquer ?»

Face à cette problématique, la réponse de Jean Lamarck, éminent constitutionnaliste français, est très éclairante. En effet, selon M. Lamarck, dans La théorie de la nécessité et l’article 16, p.613, « en passant outre à un avis défavorable du Conseil constitutionnel, le Président de la République affaiblirait dangereusement son autorité » 

De plus, la confiance dans le système judiciaire est un des fondements de la démocratie et de l’État de droit et il est, de ce fait, impératif d’en assurer l’autonomie par rapport aux autres pouvoirs. Ainsi, en décidant de respecter l’avis du Conseil constitutionnel, le Président de la République montre sa volonté d’ancrer cette autonomie dans la pratique politique.

Rappelons que le droit assujettit le pouvoir exécutif à la légalité et interdit par conséquent tout acte qui soit en dehors de la conformité constitutionnelle. Il s’agit donc de limiter le pouvoir et d’empêcher la prise d’actes qui pourraient être source d’instabilité.

C’est sous cet angle qu’il faut comprendre la non-rétroactivité des lois qui constitue un principe essentiel du droit parce que s’attachant à la sécurité juridique des actes.

Compte tenu de ce qui précède, nous invitons les Sénégalais à refuser le débat malsain relatif au supposé « parjure » que les politiciens et une certaine presse partisane tentent d’imposer à l’actualité politique. Son unique mérite sera de nous détourner du travail pour l’émergence du pays dont les résultats sont déjà perceptibles.

Dans cette histoire de non-respect de la parole donnée, nous partageons la réflexion ci-après d’un des intervenants sur le sujet.

« On ne peut pas crier sur tous les toits, « touche pas à ma Constitution pendant » le règne de Wade et le permettre au Président Macky SALL juste parce qu’il avait pour ambition de réduire son mandat. Personne ne pourra dire qu’il ne l’a pas respecté, il a usé de toutes les voies légale et normale. »

En tous les cas, au nom de quel principe souhaite-t-on violer une disposition constitutionnelle. Aucun principe, fut-il moral ou éthique ne puisse le motiver dans un État de droit.

Par voie de conséquence, au nom des valeurs de la république que nous avons en partage, faisons l’effort d’éviter la personnalisation à outrance du débat et marquons notre adhésion totale à la posture du Président de la République.

Hady TRAORE

Évaluateur de politique publique

Coordonnateur de la DSE APR du Canada

 

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