Publié le 30 Dec 2013 - 23:54
SOCIÉTÉ

 Consensus sénégalais ! 

 

Comme il fallait s’y attendre, l’Église catholique a réagi hier, pour les déplorer, aux propos de Sidy Lamine Niasse qui dans l’émission « Sortie » diffusée sur «Walf TV», vendredi dernier s’en est pris directement au cardinal Théodore Adrien Sarr. Selon le service de communication de l’archidiocèse de Dakar, les propos du patron de groupe de presse sont «discourtois, diffamatoires et indignes d’un responsable de média». C’est gênant. Cela crée un malaise qui affronte la pudeur liée à cette bonne vieille entente entre les confessions au Sénégal. Le caractère républicain de l’Etat n’est pas négociable ; celui laïc de la société sénégalaise l’est également.

Lors de cette fameuse émission, « buzzée » un vendredi, jour important pour les musulmans, Sidy Lamine Niasse avait demandé au chef de l’Église de «trouver du travail aux jeunes», avant de faire des allusions à une supposée collusion du prélat avec le régime de Macky Sall en réaction au message de Noël du cardinal Sarr. Ces déclarations ont gêné dans beaucoup de milieux car Sidy Lamine Niasse, étant lui-même membre d’une famille maraboutique respectueuse et respectée, a rompu un pacte tacite qui veut que la courtoisie soit la règle entre milieux religieux au Sénégal.

Pourquoi vouloir rompre ces consensus forts qui ont fait la réputation du Sénégal ? Ce catéchisme de l’attaque contre tous fait peur, certes, mais il doit être combattu. Et c’est le silence gêné des grandes familles religieuses musulmanes qui doit faire tendre l’oreille. Dans une démocratie d’opinion comme le Sénégal l’expérimente depuis des décennies, le pluralisme affronte toujours les fondamentaux de la République dans une parfaite intelligence des rôles de chacun : l’Etat et ses Institutions, les acteurs politiques, les pouvoirs et groupes, et, naturellement, les leaders d’opinion comme le patron du groupe Walfadjri.

Des conjonctures personnelles doivent-elles justifier la visite de ces sortes de roulettes russes sociales ? Car c’est bien de cela dont il s’agit. Voudrait-on transformer ce pays en pétaudière qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Il faut certes assurer la pérennité de la liberté d’expression, défendre le pluralisme et faire bouger les certitudes ; mais alors que dans nos proximités africaines, au sud du Sahara comme au Maghreb, les peuples vivent de lourds conflits liés à des appartenances, des identités et à des genres, ce Sénégal, on le ressassera, a toujours réussi à organiser un harmonieux dialogue des religions, des cultures et des origines.

En brocardant le message du chef d’une communauté, on n’est pas loin de rompre des équilibres, certes fragiles, mais qui tiennent. Certains en raison de leur opinion politique pourraient se satisfaire des opinions avancées par le patron de presse contre des responsables politiques – et encore !-, mais s’en prendre à une communauté œcuménique dans un pays comme le Sénégal est proprement dangereux.

Dans cette affaire, il y a un aspect politique et un autre, humain. Le premier devrait naturellement être traité de manière…politique, alors que le second, selon une tradition de l’Eglise, le sera par compassion.

Lamine Sène

 

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