Publié le 14 Sep 2015 - 20:39
TOUJOURS ‘‘OUBLIES’’ A DAKAR

Les pèlerins empêchent le décollage des commissaires

 

Des candidats au Hadj sont toujours dans le flou. Les visas pour rejoindre La Mecque sont toujours indisponibles pour près de 200 d’entre eux, alors que le pèlerinage commence dans moins d’une semaine. Exaspérés, ils ont ‘’séquestré’’ certains membres de la commission qui devaient prendre leur vol dimanche.

 

Les nuits sont longues, depuis mardi pour certains et jeudi pour d’autres. Mais celle du samedi à dimanche a été mouvementée au hangar du l’aéroport international Léopold Sedar Senghor (AILSS). De guerre lasse, les 200 pèlerins restants, à cause d’un problème de visa, ont durci leur ligne de conduite. Très remontés contre les errements de la commission, les candidats au voyage se sont opposés à l’embarquement des derniers membres de la commission pour La Mecque. ‘‘Nous avons empêché le fils du commissaire au pèlerinage, Alpha, l’adjoint au commissaire Bamar, le directeur administratif et financier et Djibril Ba de décoller. Nous les avons forcés à s’asseoir ici avec nous. C’est hors de question qu’ils nous mettent dans cette situation et prennent les airs, comme si de rien n’était’’, lance l’animateur d’émission religieuse, Oustaz Ndiaga Seck.

A ses côtés, un homme de près de 60 ans jubile sur la dérobade du colonel Ba ; lequel a finalement pu prendre l’avion, en profitant du désordre. ‘‘Il s’est fait faire les formalités par quelqu’un d’autre’’, déclare-t-il. ‘‘Ils n’ont pas respecté leurs engagements, ils n’ont qu’à rester avec nous et subir les mêmes désagréments’’, poursuit ce résident de Dakar qui dit rester avec eux par solidarité. Sur le téléphone portable de Ndiaga, les images de cette nuit tumultueuse se déroulent sous les commentaires tantôt revanchards tantôt fatalistes de la vingtaine de personnes à l’entrée du grand chapiteau blanc où campent les pèlerins.

Un petit soulèvement survenu dimanche, aux environs de 3 heures du matin, devant des gendarmes qui ont préféré joué l’apaisement. Cependant, les assurances du commissaire adjoint leur promettant que la situation allait se décanter aujourd’hui (lundi) n’y est rien  fait. ‘‘Que la commission arrête ses bondieuseries. Si nous avons débloqué cet argent et avons décidé de nous rendre à La Mecque, c’est parce que nous croyons en Dieu’’, peste un pèlerin.

Le khalife des mourides offre le repas

Ainsi, après la furie des passagers du vol 4 vendredi, dont le gros a quitté Dakar samedi, c’était au tour des passagers du vol 5 de subir les conséquences de la non-délivrance des visas par le consulat saoudien à Dakar, alors que les conditions sont dantesques au hangar. Pas de restauration, pas de toilettes, pas d’eau. Certains commencent à rogner sur leurs pécules. Avec un plat de riz à 1 500 F Cfa, un sandwich à 1000 F, un sachet d’eau à 100 F, ainsi que le thé ; ce sont les vendeuses établies à côté qui font la bonne affaire. Les mines affichent l’abattement et la fatigue. Même si certaines mâchoires sont occupées à broyer des graines d’arachides dont les coques sont dispersées sur le tapis rouge.

Toutefois, la colère de ces pèlerins est tempérée par le fait que le khalife général des mourides, saisi de la question, a donné des consignes pour que leur restauration soit assurée par son petit-fils. ‘‘Il fallait leur en toucher un mot depuis longtemps. Dès que les chefs religieux s’impliquent, la situation se décante forcément’’, souligne Ndiaga Seck. ‘‘Regardez cette femme, elle a été évacuée à l’hôpital ce matin par les gendarmes’’, déclare S. D, en désignant une dame âgée, de petite taille. Cette dernière, stoïque, malgré notre insistance, porte une mine défaite qui témoigne de son affliction. Selon Ouztaz Seck, le stress provoqué par cette situation est intenable pour beaucoup. La mère d’Aby Ka, meilleure élève du Sénégal, qui a eu le billet promis par le Président Sall, fait également partie de ce lot de malchanceux. Elle n’a pas souhaité s’exprimer non plus. ‘‘C’est plus que de l’amateurisme. De telles fautes sont presque délictuelles. Il va falloir que l’Etat sévisse’’, avance l’homme à côté de Ndiaga Seck.

 Intrigues

En plus de la colère, ces candidats au Hadj sont taraudés par de nombreuses questions sur certaines pratiques qui les intriguent. Alors que le dernier vol, le n°6, a déjà quitté hier, ces fidèles des vols n°4 et 5, pour la plupart, se demandent pourquoi un nombre pléthorique de missionnaires, plus de cent cinquante, selon eux, a déjà quitté alors que des pèlerins sont en attente. ‘‘Qui vont-ils encadrer là-bas ? Les pèlerins devaient être bien avant eux là-bas non ?’’, se demande Ndiaga Seck. Certains pensent même que cette cacophonie est le résultat du traitement prioritaire des titres de voyage des missionnaires au détriment des pèlerins. D’autres se disent intrigués par le fait que certaines personnes ayant pris le dernier vol étaient des non-Sénégalais et se demandent à quoi rime cette discrimination. ‘‘Tous ceux qui sont là sont de braves gens qui ont versé leurs 2 millions 650 mille F Cfa, depuis le ramadan. Va-t-on les sacrifier parce qu’ils n’ont pas les connaissances qu’il faut ?’’ se demande S. D.

Des questions auxquelles aucune réponse satisfaisante n’est pour l’instant donnée. Les téléphones du chargé des Affaires religieuses et de l’adjoint au commissaire étaient sur boîte vocale. 

OUSMANE LAYE DIOP

Section: