Publié le 16 Apr 2012 - 15:58
SÉNÉGAL

Les leçons non sues du 22 mars 2009

 

« Autant l'union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite »
Esope

 

Plus d'un an après les élections locales du 22 mars 2009 le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) ne semble pas avoir tiré tous les enseignements d'un scrutin ayant consacré, une forte poussée électorale de l'opposition réunie dans Benno Siggil Sénégal (BSS) et un net recul de la majorité particulièrement dans les grands centres urbains : Dakar, Guédiewaye, Pikine, Rufisque, Mbour, Thiès, Fatick, Saint Louis, Louga, Diourbel, Kaolack, Podor, Kaffrine etc. Si la coalition s'est mieux comportée dans les villes du sud et de l'Est ainsi que dans le monde rural, par rapport aux résultats des locales de 2002 la dégringolade est évidente.

 

Dans le cadre de toute stratégie après le déroulement d'une activité, il faut procéder à une évaluation, analyser les échecs et les réussites, identifier les causes et prévoir les conséquences. Cette démarche rationnelle coule de source dans toute organisation qui se respecte fût elle politique. Faute d'évaluation sérieuse, les responsables du PDS en ont profité pour régler des comptes, on livra à l'opinion des boucs émissaires à qui on devait faire porter le chapeau toujours trop large de la déroute, ces derniers se sont défendus en invoquant le sabotage et la mauvaise foi de ceux là mêmes qui les accusaient d'avoir procédé à de mauvaises investitures.

 

Pour être plus explicite, si nus prenons le cas de la ville de Dakar, la défaite de la Coalition Sopi fut analysée de mille manières et imputée simultanément à Pape Diop qui n'aurait pas assez mouillé le maillot et qui aurait procédé à de mauvaises investitures, à Karim Wade coupable d'avoir créé la confusion dans la tête des militants et des électeurs sur l'identité future du maire si la Coalition Sopi remportait le scrutin, aux impopulaires maires des communes d'arrondissement reconduits sur les listes alors que leur bilan ne plaidait pas en leur faveur, aux pénuries et aux hausses de prix des produits et services de consommation courante, à la communication défaillante du gouvernement et du PDS, aux votes sanctions et à l'abstention de nos propres militants, à la presse nationale accusée de parti pris pour l'opposition. Dans la plupart des cas l'explication fournie avait pour but de dédouaner ou de charger un responsable. Cela n'est pas étonnant car comme le disait John F Kennedy, « la victoire a cent pères mais la défaite est orpheline ».

 

Malheureusement ce manque d'évaluation objective menée sans arrière pensée par le PDS (en dehors de journées de réflexion organisées par la CNCL, l'UJTL et le MEEL) nous détourne de l'essentiel : tirer les principales leçons pour l'avenir proche a partir des erreurs commises. Cela est d'autant plus nécessaire que comme l'enseigne Confucius « les murs les plus puissants s'effondrent par des fissures ». Par ailleurs nous demeurons convaincus que le baromètre politique le plus fiable dans une démocratie est l'élection et non l'unité de bruit médiatique, la capacité de lobbying ou le nombre de « Ndiaga Ndiaye » mobilisés. Après que les passions se soient estompées, le 22 mars nous inspire quelques leçons qui n'épuisent pas la réflexion :

 

• Pour le PDS l'ère des élections faciles et triomphales est révolue, les élections de mi mandat sont rarement des promenades de santé pour le parti gouvernemental qui est jugée sur sa politique et non sur ses promesses électorales.

 

• Il ne faut jamais sous estimer l'adversaire en reposant sa stratégie sur ses faiblesses réelles ou supposées. Il nous faut compter d'abord sur nos propres forces

 

• Pour ce qui est de nos propres forces il est dangereux de les surestimer, on se rappelle que l'alliance entre Rewmi et le PDS pour créer des listes communes dans certaines collectivités locales, avait été torpillée au mépris des instructions du Secrétaire Général.

 

• On n'engage pas une élection dans la division, on a vu certains candidats de la même liste mener des campagnes séparées avec pour effet de dérouter l'électeur.

 

• Pour gagner une élection il faut un minimum d'organisation et de discipline, ce qui manque cruellement au PDS.

 

• Le poids électoral n'est pas la traduction systématique sur le terrain du nombre de ministres, de PCA ou de directeurs généraux que compte une collectivité locale. Sinon le PDS n'aurait pas perdu Saint Louis.

 

Comme on l'a dit plus haut l'effet principal des élections du 22 mars 2009 est d'avoir remis en selle et requinqué l'opposition qui retrouve un nouveau souffle. En contrôlant les collectivités locales les plus importantes, l'opposition acquiert une légitimité et des moyens et renforce son attractivité. L'autre effet est psychologique, la réputation d'invincibilité de la coalition Sopi depuis 2000 a été ternie, ce qui renforce l'opposition dans son espoir de faire chuter la majorité en 2012. L'effet positif est que le scrutin renforce la crédibilité du fichier électoral qui a permis à l'opposition d'arracher les grandes villes au nez et à la barbe de la majorité, en dépit des contestations qui ont suivi l'élection présidentielle

 

A quelque chose malheur est bon. Face à la menace réelle, la majorité n'a pas manqué de développer des stratégies de reconquête et de « containment » qui sont actuellement en gestation : remaniement du gouvernement et promotion de nouvelles figures politiques, opérations de renouvellements des instances du PDS, mise sur pied de l'Alliance Sopi pour Toujours, réaménagement du dispositif de la communication gouvernementale et présidentielle, grandes retrouvailles de la famille libérale.

 

Par contre les fausses bonnes idées ne manquent pas, c'est le cas de la malheureuse proposition de supprimer le second tour de l'élection présidentielle agitée par l'Ecole du Wadisme, et « recyclée » par l'économiste Moubarak Lô. On peut ajouter dans ce bêtisier le projet saugrenu d'interdire aux journalistes de retransmettre en direct avant 22 heures les résultats des procès verbaux affichés sur les portes des bureaux de vote.

 

Pour ce qui est des retrouvailles entre le PDS et les ex membres de Rewmi, les choses tardent à se concrétiser malgré les bonnes dispositions affichées par le Secrétaire Général du PDS et Idrissa Seck. Si comme le dit Pape Samba Mboup, des malotrus ou gougnafiers seraient la source des lenteurs constatés dans le processus, ce serait inconscient et dangereux, car les calculs politiciens de caniveau doivent céder la place à un seul et unique souci : nous unir pour réélire Me Wade en 2012. En effet en dehors du poids électoral de l'ex Rewmi qui n'est pas négligeable, le maire de Thiès peut être d'un apport déterminant dans la réélection de Wade en 2012 de par son expérience des campagnes électorales depuis 1988, ses qualités de communicateur hors pair, sa parfaite connaissance du PDS et du landernau politique, et son charisme personnel. Tous ces atouts politiques font de lui un directeur de campagne idéal pour le candidat Me Abdoulaye Wade en 2012.

 

Mohamed Ayib Daffé, 21 Avril 2010

Chargé de communication du Mouvement

des Elèves et Etudiants libéraux (MEEL)

militant du PDS à Yoff

 

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