Publié le 15 Aug 2015 - 00:27
AN 1 DE LA MORT DE BASSIROU FAYE

Qui a tué l’étudiant en maths ?

 

Un an après la mort de l’étudiant Bassirou Faye, l’instruction se poursuit toujours et est en phase d’être bouclée. Mais que de péripéties !

 

14 août 2014- 14 août 2015. Voilà un an que l’étudiant Bassirou Faye a perdu la vie. Inscrit en Licence I Mathématiques-Physique- Informatique (L1 MPI), à la Faculté des Sciences et Techniques, le natif de Diourbel a été atteint par balle lors d’échauffourées entre étudiants et forces de l’ordre. C’était au sein même du campus social de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Pour les étudiants, la coupe était déjà pleine, vu que le cas de leur camarade Balla Gaye, mort dans les mêmes circonstances, le 31 janvier 2001, n’a pas encore été élucidé. Le policier Thiendella Ndiaye, principal suspect, avait fini par bénéficier d’un non-lieu. Ainsi, pour les étudiants, la mort de Bassirou Faye ne doit pas rester impunie.

Face aux demandes de justice, une enquête est ouverte et confiée à la Division des investigations criminelles (DIC). Le premier jalon posé, dans le cadre de l’enquête, a été l’autopsie pour déterminer les circonstances de la mort de l’étudiant. Les conclusions du Professeur Victorino Mendes sont sans appel : ‘’un traumatisme crânien avec fracture et hémorragie interne et externe, survenus à la suite de coups et blessures par arme à feu’’. Etant donné que la mort a été causée par une arme feu, une expertise balistique a été également faite et conduite par des experts venus de la France, de la Belgique et du Canada.

A ce niveau, l’enquête a révélé qu’une arme manquait, suite à la vérification de la dotation destinée à l’Université, le jour du drame. Toujours, d’après les enquêteurs, des balles du calibre 9 mm qui ont tué Bassirou Faye ont été retrouvées chez le policier Tombong Oualy.

Tombong Oualy le vrai faux suspect ?

Très vite, l’adjudant de police, appelé affectueusement Thomas Sankara pour avoir été baptisé le jour de l’assassinat du révolutionnaire Burkinabé, est devenu le suspect n°1. ‘’L’enquête nous a permis d’avoir une personne sur qui pèsent de forts soupçons d’avoir tiré la balle qui a atteint mortellement Bassirou Faye. J’ai ordonné à la Dic de procéder à son arrestation. Il est gardé à vue et l’enquête doit être poursuivie’’, dixit le Procureur de la République, lors d’une conférence tenue le 16 octobre. Et c’est le 20 octobre que Tombong Oualy a été inculpé de meurtre et placé sous mandat de dépôt, conformément au réquisitoire du parquet.

Mais son inculpation a eu l’effet contraire. Les étudiants, tout comme la famille de la victime, sont convaincus que Tombong Oualy n’est pas le bon suspect. D’ailleurs, malgré l’instruction ouverte contre le suspect, le conseil de la famille de la victime, Me Assane Dioma Ndiaye, a fini par porter plainte contre X. La suspicion sur le véritable auteur du coup de feu est née du témoignage et de la description faits par l’étudiant Sette Diagne. Le principal témoin oculaire a fait un portrait-robot qui ne correspond pas à celui de Tombong Oualy. ‘’Le policier qui a tiré était tout le temps en communication et il est grand et de teint clair’’, ne cesse de dire l’étudiant. Il s’y ajoute que le policier a clamé son innocence. Tout comme ses deux collègues, Mouhamed Boukhaled et Saliou Ndao qui l’ont rejoint en prison, plus exactement le 14 janvier 2015.

Désigné par le principal témoin oculaire, Mouhamed Boukhaled a avancé comme alibi qu’il était blessé et évacué vers 10h or, la victime est décédée dans l’après-midi. Néanmoins, Sette Diagne, auditionné par le juge d’instruction, le 24 janvier passé, a persisté à le charger. Mais, pour le Procureur de la République, le meurtrier n’est personne d’autre que Tombong Oualy, celui-là même qu’il a désigné dès les premières heures de l’enquête. Sa position est confortée par son réquisitoire définitif. Dans celui-ci, le parquet demande au doyen des juges de décerner le non-lieu à Boukhaled et à Saliou Ndiaye. Quant à Tombong Oualy, le patron du parquet veut le voir payer pour la mort de Bassirou Faye.

D’ailleurs, Serigne Bassirou Guèye avait annoncé la couleur, lors d’une conférence de presse, en annonçant que le policier sera jugé par un tribunal de droit commun.

Quand le gouvernement fixe la date du procès avant la fin de l’instruction

Le doyen des juges n’a certes pas bouclé son instruction pour qu’on sache lequel des trois policiers sera renvoyé en jugement ou relâché, mais l’on semble faire de Tombong Oualy le suspect idéal. Car, le président de la République a, lors de sa visite à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le 31 juillet dernier, annoncé le procès du policier pour octobre. Le Garde des Sceaux, Me Sikidi Kaba, l’a conforté en marge de l’assemblée générale de l’Union des magistrats sénégalais, en affirmant que le procès aura bel et bien lieu en octobre or, l’instruction n’est pas encore bouclée.

Cette déclaration du Chef de l’Etat a plus qu’outré Me Bamba Cissé, avocat de Tombong Oualy. Me Cissé, qui a toujours fustigé l’arrestation de son client tout en prédisant une erreur judiciaire en cas de jugement et de condamnation, a qualifié d’immixtion les propos du président Sall. Même si par ailleurs, il pense qu’il a été trompé. Toujours est-il que Me Bamba Cissé dit attendre la décision du doyen des juges pour donner son appréciation de l’instruction. ‘’Comme le doyen est en train de boucler, j’attends d’avoir son ordonnance pour me prononcer’’, a soutenu Me Cissé. Son confrère, Me Mahmoune Fall, conseil de Saliou Ndao, se dit confiant tout en se gardant de se prononcer sur l’instruction. ‘’Nous sommes tenus par le secret de l’instruction. Tout ce que je peux dire, c’est que je suis confiant. J’ai fait ce que je devais faire. J’espère que mon client aura un non-lieu, compte tenu de la réalité du dossier’’, a-t-il confié. 

FATOU SY

 

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