Publié le 1 Dec 2022 - 18:12
RAPPORTS ANNUELS 2020-2021

Entre satisfécit et irrégularité

 

L’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) a renoué, hier, avec la traditionnelle cérémonie de présentation de ses rapports annuels en présentiel. En 2020, sur 122 autorités contractantes initialement ciblées, 120 ont été auditées. Pour l’année 2021, sur un total de 121 AC initialement programmées, 117 sont passées au crible. La grande innovation, c’est le prix décerné à l’ADM et à l’Ageroute pour leurs comportements exemplaires en matière de respect des dispositions du Code des marchés publics.

 

Cent vingt autorités contractantes auditées, 7 593 marchés pour une valeur estimée à 1 482 milliards F CFA. Voilà quelques chiffres clés du rapport de l’ARMP pour l’année 2020. Pour le rapport de 2021, les six cabinets d’audit retenus par l’autorité de régulation ont inspecté 117 autorités contractantes, pour 7 629 marchés, 1 923 milliards F CFA. Sur les 7 593 marchés de 2020, 3 455 ont été examinés en 2020 pour une valeur totale estimée à 1 370 milliards F CFA, soit un taux de couverture globale de 46 % en nombre et de 92 % en valeur. En 2021, sur les 7 629 marchés, 3 361 ont fait l’objet d’examen pour une valeur totale estimée à 1 803 milliards F CFA, soit un taux de couverture globale de 44 % en nombre et de 94 % en valeur.

En ce qui concerne la répartition des marchés selon leur mode de passation, le président du Conseil de régulation de l’ARMP a relevé les enseignements ci-après pour l’année 2021. ‘’Sur 7 629 marchés passés par les autorités contractantes contrôlées, 84 l’ont été par entente directe, dont 2 par offres spontanées négociées ; 01 par délégation de service public. ‘’Il s’agit de celle relative aux services d'opération et d'entretien des tronçons autoroutiers AIBD -  Mbour, AIBD – Thiès - Touba et du pont à péage de Foundiougne signée par l’Ageroute pour un montant de 99 milliards F CFA et pour une durée de 10 ans’’, a souligné le président Mamadou Dia.

Dans l’ensemble, il faut noter qu’aussi bien en 2020 qu’en 2021, l’écrasante majorité des marchés ont été passés selon la procédure de DRP, soit plus de 5 000 marchés. Mais en termes de valeur financière, les appels d’offres sont loin devant, a tenu à préciser le directeur général de l’ARMP, Saër Niang. Pour l’année 2020, les DRP à compétition restreinte et simple sont estimés à 5 474 pour une valeur de 43 milliards, tandis que les appels d’offres ouverts sont au nombre de 767 pour une valeur globale 464 milliards. Pour 2021, les DRP restreintes et simples sont au nombre de 5 581 pour une valeur de 50 milliards, alors que les appels d’offres ouverts sont estimés à 743 marchés pour une valeur de 537 milliards F CFA.

Pour les appels d’offres restreints, ils sont au nombre de 42 pour une valeur de 50 milliards pour 2020 ; 45 marchés pour 73 milliards F CFA en 2021. Quant aux DRP à compétition ouverte, elles sont estimées à 421 en 2020 pour 12 milliards ; 336 pour 10 milliards en 2021.

En sus des DRP et des appels d’offres, il y a les ententes directes évaluées à 188 pour 705 milliards en 2020 ; 82 marchés pour 748 milliards en 2021. Les offres spontanées négociées, en revanche,  sont très peu, mais pour des montants généralement assez élevés. Pour l’année 2020, il y a eu un seul marché passé selon ce mode, pour une valeur de 60 milliards. Pour 2021, c’est deux offres spontanées négociées pour une valeur totale de 175 milliards.

 Par ailleurs, les rapports font ressortir que les avenants sont au nombre de 456 (2020) et 495 (2021) pour des valeurs respectives de 117 et 196 milliards F CFA. Les demandes de proposition sont estimées à 225 pour une valeur de 30 milliards en 2020, contre 314 pour une valeur de 34 milliards en 2021.

Des manquements graves chez certaines autorités contractantes

Comme à l’accoutumée, les auditeurs ont noté pas mal de cas de non-conformité aussi bien dans le rapport de 2020 que dans celui de 2021. Pour l’essentiel, ce sont des rapports qui reviennent d’année en année. En voici quelques exemples notés dans la synthèse présentée par le président du Conseil de régulation : non-corrélation des modes de passation aux seuils fixés par la réglementation ; non-respect du délai réglementaire entre l’ouverture des offres et l’attribution ; défaut de publication des avis d’attribution provisoire et définitive ; manquements liés aux rapports d’évaluation technique…

Au-delà de ces dysfonctionnements, il y en a d’autres qui semblent nettement plus graves et qui entament même le principe de la transparence dans la passation des marchés publics. Chez 20 autorités contractantes en effet, il a été relevé : un usage du même numéro de RC, de ninea, une incohérence dans les dates d’établissement de documents, une invitation des mêmes fournisseurs, une attribution des marchés à un même fournisseur, une absence de mention de numéro et de date sur les factures, un fractionnement de marchés, des offres antérieures aux lettres d’invitation ; une absence d’indication des clauses de pénalité de retard et/ou de date d’effet sur les contrats…

Dans la même veine, il a été déploré une absence d’indication des clauses de pénalités de retard et/ou de date d’effet sur les contrats. Pis, les retards dans l’exécution des marchés ne sont pas sanctionnés par l’application de pénalités de retard conformément aux dispositions de la loi.

Quand le Fonsis et certaines collectivités locales défient l’ARMP

La grande innovation, cette année, c’est la récompense décernée par l’Autorité de régulation des marchés publics à certaines autorités contractantes pour leurs comportements exemplaires en matière de passation des marchés publics. Il s’agit de l’Agence de développement municipal (ADM) et de l’Ageroute.

Pendant que ces dernières s’illustrer en matière de procédures, d’autres ont brillé par un manque de respect notoire envers le gendarme des marchés publics. Il en est ainsi du maire de la commune de Pékesse qui a refusé tout bonnement de transmettre son compte administratif aux auditeurs pour le rapport 2020, de même que le Fonsis qui s’estime, selon le rapport, non soumis aux dispositions du Code des marchés publics.

Dans le cas de la commune de Koungheul, il y a eu une ‘’impossibilité d’exécuter la mission due au fait que l’actuel maire a informé n’avoir trouvé aucun dossier de marché, à sa prise de fonction’’.


MARCHES DE LA COVID

La foire des irrégularités

Les auditeurs ont, par ailleurs, passé au peigne fin les dépenses effectuées dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Pas mal d’irrégularités ont été signalées. Là aussi, certaines AC se sont singularisées par des comportements consistant à défier l’autorité. Trois n’ont pas communiqué la liste des dépenses effectuées dans le cadre de la gestion de la Covid-19 ; deux n’ont pas transmis les documents d’exécution et/ou les contrats.

Parmi les manquements relevés chez les autorités inspectées, il y a l’antériorité du certificat administratif par rapport à la réception des produits ; des dépenses faites à des prix élevés comparés à ceux du marché pour 4 AC ; l’absence de preuves de paiements chez deux AC ; l’absence de preuves justificatives de la capacité technique et juridique du fournisseur chez 12 AC ; date du bon de livraison antérieure à celle du bon de commande pour une AC.

Dans la même veine, il a été relevé l’attribution récurrente de marchés à un même fournisseur pour 2 AC ; l’inexistence du PV de réception pour une AC ; un bon de livraison portant sur une quantité inférieure à celle facturée ; l’exécution de dépenses non éligibles au regard de leur objet et de la période pour 7 autorités contractantes, une facture pro forma et une facture non datée pour chez une AC.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

SAER NIANG, DG ARMP

67 % des marchés remportées par des entreprises sénégalaises, seules ou avec des partenaires

Selon le directeur général de l’ARMP, les entreprises sénégalaises (seules ou en groupements) remportent 67 % des marchés publics. Chez les étrangers, les entreprises chinoises viennent en première position, loin devant les turques qui coiffent au poteau les françaises.

Chaque année, à peu près 30 000 marchés sont passés au Sénégal par les différentes autorités contractantes. D’après le directeur général de l’ARMP, Saër Niang, ces marchés consomment un budget estimé entre 2 500 et 2 600 milliards.

‘’Sur ce budget de la commande publique, on peut retenir que 67 % sont financés à partir du budget national. Et sur ce budget national, il est retenu que seules les entreprises nationales ou communautaires peuvent soumissionner, sauf si l’envergure du marché est telle que les entreprises sénégalaises ou communautaires n’ont pas l’expertise de le réaliser ou bien si l’envergure est telle que la concurrence risque de poser un problème. Dans ces deux cas, il faut aller vers l’ouverture du marché sur l’international’’.

Compte tenu de ces mesures préférentielles, il résulte des déclarations de Saër Niang qu’une bonne partie des marchés publics sont gagnés par des entreprises sénégalaises, soit seules, soit avec d’autres partenaires étrangers. ‘’On peut retenir que 67 % des marchés ont été remportés par les entreprises sénégalaises, soit seules ou en groupements. En ce qui concerne les entreprises étrangères qui gagnent des marchés au Sénégal, il faut noter que les entreprises chinoises viennent largement en tête, avec en moyenne 18 % des marchés durant les deux dernières années. Elles sont suivies par les turques et les françaises qui sont autour de 4 %. Enfin, il y a les entreprises allemandes, marocaines et émiraties qui sont autour de 3 %.

Les Chinois seuls en tête, les Français coiffés au poteau par les Turcs

Selon M. Niang, les marchés de travaux représentent environ 85 % du budget de la commande publique ; les appels d'offres près de 82 à 85 % des marchés. En ce qui concerne les ententes directes, il précise : ‘’Jusqu’ici, le Sénégal calculait les ententes directes par la valeur. Durant les années 2018-2019, on était autour de 6 à 7 %. Maintenant, sur recommandation de l’UEMOA, on les calcule par le nombre. Sur cette base, le Sénégal est autour de 4 à 5 % en 2020 et en 2021.’’

Globalement, indique le directeur général de l’ARMP, la transparence est respectée dans les marchés publics, puisque pour l’essentiel, les marchés sont passés par appel d’offres. Dans la même veine, il a noté un recul net des contentieux en matière de passation des marchés publics. ‘’Dans les années précédentes, on était autour de 400 recours reçus par l’ARMP. Ce chiffre a baissé de moitié. On est maintenant entre 150 et 175 en 2020 et en 2021. Cela peut s’expliquer par le fait que les AC maitrisent de mieux en mieux les procédures en matière de passation des marchés’’, s’est félicité M. Niang. 

 
LAMINE DIOUF

 

Section: