Publié le 2 Oct 2016 - 12:46
STYLE ET MODE

Rebelle et barbu

 

Si généralement chez nos hommes politiques, la barbe ne fait pas partie du look, les choses commencent à changer. De plus en plus, les contestataires se mettent à la mode ‘’Che’’, ‘’Castro’’ ou ‘’Ben Ladin’’.

 

Ousmane Sonko, Fadel Barro, Birahim Seck, Seydi Ababacar Ndiaye, Mamadou Lamine Dianté, tous ces noms sont bien connus des Sénégalais. Tous sont des ‘’rebelles’’. Mais pas que cela. Tous aussi portent une barbe. Certains, comme Sonko, ont été découverts par le grand public avec leurs petites barbichettes. D’autres comme Birahim Seck ont laissé pousser une certaine pilosité faciale au fur et à mesure. Ce qui les a complètement changés. Chercheraient-ils à faire peur avec ce look ? Que nenni ! selon Fadel Barro. Joint par EnQuête, le Y en a marriste précise : ‘’Moi, j’ai toujours été comme ça. Etant journaliste, il m’arrivait de laisser ma barbe pousser pendant un temps avant de la raser. Donc, ce n’est pas nouveau’’. Par conséquent, cela n’a rien à voir avec son engagement citoyen.

Quoi qu’il en soit, laisser pousser sa moustache est considéré comme un signe de contestation chez certains. En effet, dans les années 1960, la barbe a habillé des révolutionnaires ainsi que le mouvement hippie. C’est ainsi qu’est née après ‘’la barbe révolutionnaire’’ comme celle de Fidel Castro. L’ancien Président cubain avait décidé de laisser pousser sa barbe dans le maquis jusqu’à la victoire contre Batista.

Aussi, Che Guevara, Lénine, etc arboraient ce look. Ce qui fait dire à certains qu’il est un signe gauchiste. Un avis que partage l’enseignant à Sciences Po Paris, maître de conférences en institutions politiques et créateur d’un cours sur les ‘’habits du pouvoir’’, Samir Hammal. ‘’Encore aujourd’hui, la scène politique française le prouve, la barbe et la moustache se portent davantage à gauche qu’à droite : de Robert Hue, façon Ernesto Guevara, à Noël Mamère et Alain Lipiete, façon écolo, en passant par José Bové façon gauloise’’, écrivait-il dans une contribution sur ‘’le pouvoir du poil en politique’’. C’était quand l’ancien Président français Nicolas Sarkozy avait décidé de ne plus se raser.

Au Sénégal, souvent les gauchistes ont le poil à l’image d’Amath Dansokho ou encore de Maguette Thiam. Seulement avant, les sympathisants de la Gauche avaient des barbes longues et hirsutes. Un peu plus pimpantes que  celle qu’avait, avant l’alternance, Mamadou Diop Castro. Il est l’un des premiers contestataires sénégalais à adopter ce look. Depuis l’avènement de Wade, il a changé complètement. Par ailleurs, ce style est aussi considéré par certains comme signe de sagesse. Ça l’est dans nos sociétés africaines. Quand un jeune laisse son poil pousser, on le lui reproche. Seules les personnes âgées peuvent le faire, pense-t-on souvent. Il en est de même chez les premiers philosophes. Aristote portait une barbe, ce qui en fait un symbole de sagesse.

Signe de contestation

Cependant, avant d’être un signe de contestation, ce look était un signe de domination. Il a longtemps été considéré comme un signe de virilité, de pouvoir et d’autorité. En outre, cette domination était aussi sociale. ‘’Chez les Assyriens et les Perses de Mésopotamie par exemple, la barbe royale portée par les nobles est à boucle et touffue’’. Bien entretenue et touffue comme celle de Birahim Seck ou encore de Dianté. Selon Hammal, poursuivant toujours son analyse, ‘’dans l'Égypte antique, la barbe est un attribut du pouvoir des pharaons qui recourent à des postiches en carton : la "doua-our".

Même la reine Hatchepsout, pharaonne de la XVIIIe dynastie, portait, lors des cérémonies, cette longue barbiche au menton attachée derrière les oreilles pour marquer sa puissance et son affiliation divine à la différence des prêtres qui se rasaient la barbe, la tête et le corps. Chez les Grecs, la barbe est aussi un symbole de dignité. Les dieux de l'Olympe comme Zeus ou Poséidon, les héros comme Hercule, ou encore les souverains, tous arborent la barbe alors que les esclaves et les hommes déchus sont au contraire rasés pour stigmatiser leur indignité’’, écrivait-il alors.  

Sous nos tropiques, on ne s’en tient pas à laisser le collier prendre forme. Certains comme Dianté l’embellissent, lui donnent du style en teignant une partie au henné laissant l’autre noire. Ce qui n’est pas certainement pas pour lui une manière de se donner de l’allure. Issu d’une famille musulmane très pratiquante, le syndicaliste est sûrement influencé par des traditions islamistes. En effet, dans certaines sociétés arabes, le poil est teint au henné dans une couleur rouge ou orange en hommage au Prophète Mouhamad (Psl).

Aussi, chez les Wahabistes, la tradition consiste à se laisser pousser la barbe. Cela étant considéré comme un symbole de foi et de respect du Prophète. Comme Dianté, Sonko laisserait pousser sa barbichette pour les mêmes raisons. Il est ‘’ibadou’’, dit-on. Entre les normes islamiques et la modernité caractérisée par son port vestimentaire qui assortirait mal avec une longue barbe hirsute comme celle  actuelle des islamistes, il adopte ce style plus ‘’classe’’.  Parce que chez les musulmans, la pilosité faciale serait un ‘’signe de beauté’’. 

BIGUE BOB