TAS dénonce ‘’la fable de la dérogation’’

Hier, Thierno Alassane Sall est revenu sur le dossier du marché d’électrification rurale liant AEE Power EPC et l’Agence sénégalaise de l’électrification rurale (Aser). Parlant de la garantie, des primes et d’une éventuelle dérogation, il a relevé des irrégularités et des zones d’ombre.
‘’À quelle fin toutes ces contorsions pour sauver un marché entaché de si nombreux vices ? Pour quelles raisons le gouvernement actuel s'emploie-t-il à faire aboutir un marché aujourd'hui dans l'impasse ?’’, s’interroge le député, indiquant que le marché est à l'arrêt du fait de la suspension de son financement par la banque espagnole.
Il a d’emblée rappelé que le Comité de règlement des différends (CRD) de l’Autorité de régulation de la commande publique (Arcop) a été saisi par l’entreprise AEE Power Sénégal pour dénoncer l’irrégularité des garanties émises par la compagnie d’assurance Sonac au profit de l’entreprise espagnole AEE Power EPC.
Dans sa saisine, relate TAS, l’entreprise sénégalaise informe que les primes n’étaient pas payées au moment de l’émission des différentes garanties de soumission, de bonne exécution et d’avance de démarrage du marché. ‘’Un manquement grave qui contreviendrait aux dispositions pertinentes de l’article 13 du Code Cima et serait sanctionné par la nullité de toutes les garanties exigées dans le marché’’, a-t-il regretté.
Selon le député, dans le cadre de l’instruction du dossier de dénonciation, le DG de la Sonac a été saisi à plusieurs reprises (lettres du 12 juillet 2024, du 23 juillet 2024 et du 7 août 2024 pour ne citer que celles-là), chaque fois en mettant en copie le ministère des Finances et du Budget, le ministère des Énergies, du Pétrole et des Mines (MEPM) et le DNA. Ces correspondances avaient pour objet d’informer le DG de la Sonac du contenu de la dénonciation reçue d’AEE POWER Sénégal.
Il faut dire que Thierno Alassane Sall relève une dénonciation qui remet en cause la légalité des titres de garantie. Celles-ci ont été émises pour couvrir les risques du marché d’électrification rurale lancé par l’Aser. Le député renseigne qu'il a été indiqué au DG de la Sonac que le plaignant affirme que les primes afférentes aux garanties n'ont pas été libérées au moment de l'émission des attestations, ‘’en violation’’ de la loi (article 13 du Code Cima).
‘’Dans sa réponse aux différentes correspondances de l’Arcop demandant la preuve du règlement des primes, Sonac, installée dans un embarras profond et très gênant, a passé son temps à esquiver complètement la question soulevée. Dans chacune de ses réponses, elle a tenté de manière flagrante d’esquiver la question, en parlant de ses relations commerciales avec l’entreprise espagnole ou mentionnant ses engagements et sa responsabilité. À aucun moment, dans ses réponses, la Sonac n’a évoqué l’existence d’une dérogation à l’article 13 qu’elle aurait utilisée’’, a précisé le leader de la République des valeurs.
Les primes et le retard de 92 jours
TAS renseigne qu’au moment de ces échanges (juillet-août 2024), la Sonac avait déjà perçu les primes, avec 92 jours de retard sur la date légale. ‘’Pourquoi le MFB et le DNA n’ont-ils pas jugé utile d’évoquer, dès la première lettre du 17 juillet, l’existence d’une dérogation ?’’, demande-t-il avec amertume. Il suspecte une façon d’échapper aux exigences du marché. ‘’La Sonac n’avait jamais daigné répondre à la question du régulateur, encore moins tenté d’apporter des informations sur l’existence de dispositions dérogatoires susceptibles de justifier l’établissement des garanties sans contrepartie au moment de leur émission’’, fulmine le député. Qui parle de ‘’dilatoire’’ et de ‘’rétention d’information de l’assureur’’.
‘’Il est étrange que les chantres du souverainisme usent depuis plus d’un an de toutes sortes de subterfuges pour offrir sur un plateau d’or l’un des plus juteux marchés de l’année à une entreprise espagnole au détriment d’une entreprise sénégalaise. Paradoxalement, ce sont leurs interventions illogiques qui bloquent l’exécution du marché, le financement espagnol étant suspendu à un protocole d'accord signé de toutes les parties concernées’’, peste TAS.
Parlant des exigences du Code Cima en matière de garanties, surtout dans les marchés publics, le député indique qu’aucune disposition du Code Cima ne prévoit un délai de 180 jours pour honorer les primes d’assurance, même en cas de risque d’intérêt public, d’urgence nationale ou de marché public à enjeu stratégique. D’ailleurs, TAS pense que les primes ont été probablement payées avec l’argent du Sénégal.
En effet, AEE Power EPC a perçu l'avance de démarrage le 11 juin 2024. Le paiement des primes afférentes aux garanties est intervenu quelques jours plus tard, le 14 juin 2024. ‘’Il n'est pas interdit de penser que l'argent de l'avance de démarrage a servi au paiement des primes. Ce qui serait constitutif d’un détournement de deniers publics, puisque l’avance de démarrage n’a pas pour vocation de faire payer une prime devant permettre d’obtenir une caution nécessaire à l’obtention du marché’’, dit-il.
Il note que le marché en question a été initié par un entrepreneur sénégalais, le concepteur du projet, par le biais d’une offre spontanée. Et, souligne TAS, c’est dans ce cadre qu’il a entrepris des démarches auprès de la banque espagnole Stander pour obtenir le financement nécessaire. ‘’En l’occurrence, dit-il, la garantie souveraine a été obtenue par l’entremise d’AEE Power Sénégal, de sorte que toute exclusion de cette dernière rend la garantie caduque et le marché tombe de lui-même’’.
BABACAR SY SEYE