Publié le 1 Feb 2012 - 15:44
ÉDITO

Ecce homo Wade

Déjà un, deux, quatre...cinq, peut-être six morts. Le décompte macabre défile en Une des journaux, depuis l'annonce vendredi de la première liste des candidats à la présidentielle du 26 février prochain et surtout de la validation de celle d'Abdoulaye Wade. Comme une comptabilité désinvolte, banale, à la mesure de l'incapacité d'indignation généralisée qui affecte les Sénégalais, après l'anesthésie face aux scandales économique, sociale et politique et à la violence ataviques au régime de Wade.

 

 

En réalité, le parcours du pape du Sopi (changement), au moins depuis 1974 date de la création de son parti le PDS, est connexe à une mortalité sans précédent. Les deux faits les plus retentissants sont assurément l'assassinat du magistrat et juge constitutionnel, Me Babacar Sèye, le 15 mai 1993, et l'indicible Joola qui a fait tristement entrer le Sénégal dans les annales des catastrophes maritimes, ce jour du 26 septembre 2002. Plus de 2000 morts dont est comptable une négligence coupable du régime wadien qui a préféré investir 17 milliards dans un avion (Pointe de Sangomar) abandonné plus tard, plutôt que de consacrer 250 pauvre millions F Cfa pour l'achat d'un moteur pour le bateau boiteux.

 

 

Son magistère démarre par le décès de l'étudiant Balla Gaye, tué par balle un 31 janvier 2001, au cours de manifestations estudiantines, soit un an à peine après l'avènement de l'alternance. Depuis lors, ce sera onze ans tambour battant de morts violentes et agressions liées à la gestion du pouvoir libéral et digne d'un règne luciférien.

 

 

Des dizaines de jeunes perdent la vie dans des bateaux d'infortune fuyant un Sénégal pris en otage par un clan accaparant sans foi ni loi les biens publics. Des dizaines d'autres civils et militaires meurent en Casamance à cause d'une gestion affairiste du conflit dans le sud du pays.

 

 

Puis, 2011 marque un tournant dans cette spirale politique sinistre à mesure que les citoyens s'opposent aux forfaitures du régime devenu de terreur. Mort de son presqu'homonyme, Abdoulaye Wade Yingou, en juillet 2010 entre les mains de la police. Meurtre par balle de gendarme de Malick Bâ, à Sangalkam, le 30 mai 2011, lors d'une manifestation d'opposition à la mise sous délégation spéciale de la communauté rurale contrôlée par un opposant.

 

 

Meurtre à Fanaye de deux personnes au cours d'échauffourées entre deux camps autour d'une cession de terre sans concertation préalable avec les habitants de la localité. Meurtre de Ndiaga Diouf, le 22 décembre 2011, à la suite de l'attaque de la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur par des nervis commandité par le PDS, dont Wade est le secrétaire général national. Meurtre par balle de militaire à Ziguinchor, le 16 janvier dernier, de l'étudiant bissau-guinéen, Jean Marie Cabral, lors de protestations d'étudiants de la localité sud du pays.

 

 

Meurtres de l'auxiliaire de police Fodé Ndiaye, 20 ans, le 27 janvier à la suite des manifestations du M-23 à la Place de l'Obélisque et de trois personnes - dont un élève et un étudiant - par balles de gendarmes à Podor, le 30 du même mois, au cours d'un rassemblement politique. Hier, mort d'un jeune trentenaire, Mamadou Diop, étudiant en Master à la Faculté de Lettres, sur lequel serait passé un camion fou de la Police à la Place de l'Obélisque.

 

 

Cette longue liste de macchabées aurait pu être alourdie par les agressions physiques dont ont fait l'objet Talla Sylla, leader du Jëf Jël, le 5 octobre 2003 à coups de marteaux, et du président de la RADDHO, Alioune Tine, le 23 juin 2011, devant l'Assemblée nationale.

 

 

Avant 2000, il y a eu le meurtre, le 13 février 1993, de six policiers lors d'échauffourées entre les flics et des talibés Moustarchidines alors sympathisants de Wade. Et on en oublie...

 

 

En un peu plus d'une décennie, le troisième président du Sénégal est comptable d'un bilan si funeste. Depuis 38 ans, il rythme la vie politique du pays, d'abord en tant qu'opposant dont l'arrivée, par voie démocratique au pouvoir, a été malgré tout saluée par tous. Son règne, démarré sous de bons auspices, a vite tourné à la danse du scalp pour rester au Palais.

 

Et contrairement à ce qu'il déclare, Wade est arrivé au pouvoir lesté de cadavres, il s'y maintient contre vents et marrées couvert de sang. Il n'a guère besoin de marcher sur des cadavres. Ils sont dans son placard. N'est-ce pas un de ses plus fervents thuriféraires et hommes de main actuels, Ousmane Ngom, ministre de l'Intérieur qui soutenait à raison : ''Wade parle en démocrate mais agit en dictateur''. Ecce homo*.

 

*Voici l'homme.

 

Mamadou L. BADJI

 

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