Publié le 8 Feb 2021 - 20:00
AFFAIRE OUSMANE SONKO

Quelques vérités et des zones d’ombre

 

Entre Sonko, la propriétaire du salon de massage et l’accusatrice, chacun prêche pour sa paroisse. Cités comme un quatrième larron dans cette guerre de Trois, les tenants du régime préfèrent pour le moment s’emmurer dans un silence.

 

C’est une affaire rocambolesque aux allures d’un scénario hollywoodien. Avec pour acteurs principaux : Ousmane Sonko, présenté comme la ‘’terreur’’ du régime, Adji Sarr, la masseuse présentée comme une ‘’espionne’’ et Ndèye Khady Ndiaye celle qui est poursuivie pour ‘’proxénétisme et diffusion d’images obscènes’’, d’après son avocat. Y-a-t-il un metteur en scène qui tire les ficelles ? Les partisans de Sonko n’ont aucun doute : c’est bien les tenants du régime. Une accusation trop simpliste face à la gravité des faits, estime le camp adverse qui brandit une affaire privée. Ce qui est évident, c’est que, d’un côté comme de l’autre, on ne se fera aucun cadeau. En attendant les résultats de l’enquête, les Sénégalais se posaient une multitude de questions. Le leader de Pastef a-t-il été au salon de massage ? A-t-il eu des rapports sexuels avec la masseuse ? Y’a-t-il eu viol et menaces de morts ? etc.

Sur la première question, en tout cas, toutes les parties s’accordent à dire la même chose. Ousmane Sonko a bel et bien été dans ledit salon. Que faisait-il dans ledit salon ? Aussi bien pour Sonko que pour la propriétaire, c’était juste pour des massages thérapeutiques. Hier, face à la presse, le leader des patriotes a dit : ‘’Je suis sujet à des douleurs cervicales, depuis mon enfance, et j’ai commencé des séances de massages dans le Cabinet du Dr Shiklawi, depuis 2007. J'ai poursuivi en acupuncture sans résultat. Ensuite, avec un Kiné d'une équipe d'athlétisme qui a fini par voyager hors du pays. Puis, j'ai arrêté’’. Suite à une crise de l'année dernière, informe-t-il, il a repris ses séances, avec un excellent cabinet, mais ses maigres moyens ne lui ont pas permis de poursuivre ces séances coûteuses. Car, argue-t-il, il n'a pas de quoi se permettre des séances de massage à 200.000 francs.

Sur les conseils d'un ami, il a commencé à fréquenter Sweet beauté qui est un institut familial agréé. ‘’C'est par la suite que je m'y suis rendu après avoir vérifié qu'ils ont tous les agréments nécessaires et après avoir vérifié la conformité avec ma religion, car il ne disposait pas de masseur. Je tiens à préciser que cet institut n'est pas clandestin et détient toutes les autorisations requises pour exercer’’, informe le troisième à la dernière présidentielle.

Sur la deuxième question, Ousmane Sonko a-t-il eu des rapports sexuels avec la dame ? Les réponses divergent, selon les parties. Pendant que Adji Sarr soutient des viols répétitifs ? La propriétaire et Ousmane Sonko nient en bloc. Mais, dans sa sortie, hier, sur Dakar Matin, Maitre Bassirou Baldé, avocat de la propriétaire, a tenu à faire la précision suivante : ‘’De ce qu’elle m’a rapporté, et qui a été consigné lors de la déclaration même de la plaignante (Adji Sarr), c’est que d’après cette dernière, la propriétaire ne pouvait pas savoir ce qui se passe. Sinon, elle l’aurait licenciée. Si même la plaignante a dit ça, pourquoi la poursuivre (sa cliente), la violenter ? Ce qui s’est passé hier (avant-hier) est extrêmement grave et inhumain’’.

Sur cette question de son sperme qui aurait été cueilli par la masseuse et emmené au laboratoire, le leader de Pastef est resté muet. Sans doute les jours qui viennent vont être édifiants.

Par contre, il s’est bien prononcé sur la question de viols répétitifs et menaces de mort. Il y est même revenu plusieurs fois dans sa déclaration. D’un revers de main, il balaie l’accusation et donne ses preuves. ‘’J'ai toujours exigé la présence de deux masseuses au minimum, en accord avec mes principes, du moment qu'il n'avait pas de masseur. Comment le premier opposant du parti au pouvoir peut-il violer répétitivement sous la menace de deux armes, une employée, sur son lieu de travail, avec des caméras de surveillance visibles, et où sont présents une famille et des collègues ?’’. Sonko d’ajouter : ‘’Nous avions été alertés qu'ils tramaient quelque chose contre nous dans ce lieu de soins. Mais, que tout le monde se le tienne pour dit, je continuerai à faire mes massages, car il y va de ma santé’’.

Les accusations de l’avocat de la propriétaire du salon et la précision de la Gendarmerie

En attendant de plus amples informations, on peut affirmer sans risque de se tromper que le week-end a été bien chaud entre les bureaux de la Section de recherches de la Gendarmerie, l’hôpital Albert Royer et les QG du leader de Pastef Les Patriotes. Tôt le matin, l’avocat de la propriétaire du salon de massage contacte EnQuête pour exprimer ses vives inquiétudes. Très vite, rendez-vous est fixé dans une station sise sur la route de Yoff. D’emblée, Me Mouhamadou Bassirou Baldé précise : ‘’On m’a contacté samedi pour la défense de Ndèye Khady (la propriétaire du salon). Celle-ci devait répondre à une convocation de la Section de recherches. Elle y était vers les coups de 18 heures. Quand je l’ai rencontrée dans les locaux même de la Section de recherches, elle m’a dit en pleurant qu’elle a accouché, le 31 décembre, par césarienne. L’enfant (une fille) est né prématurément, sept mois après la grossesse. Elle pèse juste 800 grammes. J’ai alors vu le commandant pour lui expliquer. Après les auditions, on l’a laissée partir’’.

Mais à sa grande surprise, vers les coups de 23 heures jusqu’à 23 heures 55mn, le Commandant de la section de recherches, avec deux de ses éléments, s’étaient à nouveau déplacés à l’hôpital pour emmener la dame par la force, sur les instructions de Serigne Bassirou Gueye. ‘’Ils ont exercé sur elle une pression inouïe pour qu’elle revienne sur sa déclaration. On lui a même proposé de l’argent. Comme cela n’a pas marché, ils veulent la poursuivre pour proxénétisme et diffusion d’images obscènes. Ce qui ne repose sur rien du tout. Car la dame a tous ses papiers pour exercer le travail qu’elle était déjà en train de faire. C’est-à-dire les papiers d’un salon de beauté, de gommage, de nettoyage de visage, de massage. Il n’y a jamais eu de proxénétisme. Et nous leur avons donné les papiers pour le prouver’’.

Malgré son opposition et les appels au procureur, souligne-t-il, les pandores ont insisté. ‘’Ils l’ont fait sortir à trois reprises. J’ai alors fait des observations pour leur dire que lui et Serigne Bassirou Gueye seront tenus pour responsables de tout ce qui arrivera à l’enfant. Le médecin a clairement dit que l’enfant est en hospitalisation avec sa maman en unité de mère kangourou. Ce qu’ils sont en train de faire est inhumain et je voudrais prendre à témoin tout le peuple sénégalais’’.

Interpellé sur ces accusations graves, des sources proches de Gendarmerie bottent en touche et rétorquent : ‘’Tout a été fait dans la légalité. Effectivement, les éléments se sont déplacés pour l’emmener conformément à la procédure. Ils ont trouvé que son enfant est malade et ils l’ont laissée à l’hôpital. Il n’y a rien d’autre’’.  

L’appel à la résistance

Dans son adresse, aux Sénégalais, Ousmane Sonko a battu en brèche toute l’accusation et sonné la mobilisation de ses partisans.

A ceux qui se demandaient si Ousmane Sonko va répondre à la convocation de la Section de recherches ce lundi, l’intéressé rétorque : ‘’Je suis député et on devra respecter la loi ! S'ils lèvent mon immunité à 10h, à 10h05, j'irais répondre’’. Par ailleurs, informe-t-il, dès aujourd’hui, ses avocats déposeront une plainte et feront une réquisition pour pouvoir révéler tout ce qu’ils savent des acteurs de ce vil complot et de toutes les personnes impliquées.

Cela dit, l’opposant radical a lancé un appel à la mobilisation à tous ses militants et sympathisants. ‘’Ils complotent depuis 2019 ! Mais cela ne passera pas. J'appelle tous les amis, citoyens militants, sympathisants et tout Sénégalais épris de vérité à ne pas accepter que le projet d'un Sénégal nouveau ne soit pas sabordé par Macky Sall et ses acolytes. Est-ce que les Sénégalais sont prêts à rester dans le système qui fait régresser le pays depuis les indépendances ? Macky Sall, cette fois, ça ne passera pas !’’ répète-t-il avec conviction.

Selon lui, l'heure n'est plus aux discussions de salons et commentaires sur les RS (réseaux sociaux) ! ‘’Cette accusation est la énième peau de banane que le pouvoir veut glisser sous le pied de ce projet de Sénégal nouveau, mais cette accusation est la goutte de trop. Nous ne devrons montrer aucun signe de faiblesse ! Soyons prêts à affronter Macky Sall qui ne respecte pas la justice ni les procédures. Nous résisterons à toute forme de contrainte par corps contraire aux lois qui gouvernent ce pays. Et nous appelons tous les patriotes à résister avec nous’’.

MOR AMAR

Section: