Publié le 24 Mar 2012 - 07:17
EDITO

Vive donc le Sénégal !

 

''Un baobab qui tombe, chasse dans le mouvement de sa chute, les oiseaux qui profitent de son ombre''

 

Douze ans après, nous sommes devant un suspense de la même densité dramatique. Revoilà donc Wade, non pas dans la posture de celui qui s'en va à la conquête du pouvoir mais plutôt dans celle d'un Diouf en 2000. En face de lui, un de ses ''fils'', issus de ses flancs, qui veut l'expédier à la retraite. Ainsi va l'histoire qu'elle est impitoyable avec ses enfants, surtout lorsqu'ils se prennent pour Icare et s'approchent trop près du soleil, en oubliant la terre ferme des réalités vécues.

 

En vérité, le président Abdoulaye Wade, un homme qui a traversé presque tout le siècle, est un des derniers Mohicans de sa race. Un homme qui était là lors de la première guerre mondiale, qui a vécu la seconde guerre, celle du Vietnam, qui s'est impliqué dans le violent processus de la décolonisation en Algérie, et qui a croisé, pendant 27 ans, le fer avec Senghor, puis un Diouf soutenu d'un bras de fer par l'Etat français, notamment par Chirac.

 

Quel que soit ce qui se passera au lendemain du 25 mars, on écrira donc l'histoire du Sénégal avec Wade. On retiendra l'image d'un homme endurant, combatif, qui a voulu marquer avec du béton et du goudron son passage à la magistrature suprême, mais aussi d'un homme qui aura oublié qu'il administrait non pas des sujets mais des citoyens. Si Me Wade tombe au soir du 25 mars, hypothèse fort probable, il le devra en grande partie à l'autisme dont il a fait montre dans les dernières années de son magistère ; écoutant plus ses courtisans que les citoyens qui l'ont porté au pouvoir. Il a fini par se métamorphoser en vieux roi africain, plutôt sensible aux éloges qu'au travail bien mené. Vieux roi qui n'a en vérité jamais éclairé la lanterne des Sénégalais sur ses véritables intentions relativement à la question de sa succession. Qui a voulu initier des Chantiers beaucoup plus pour sa gloire personnelle que pour l'intérêt du peuple. Pour tenace qu'il soit, pour visionnaire qu'il apparaît, il aura manqué de générosité vis-à-vis du peuple souverain qu'il a davantage cherché à manipuler, informer au sens basique du terme, pour lui donner, tel un Démiurge, l'image qu'il veut. C'est pourquoi nous pensons qu'il se sera à la fois trompé d'époque et de peuple. Il aura oublié que ceux qui n'avaient que huit ans en 2000, avaient maintenant l'âge de voter. Il aura oublié beaucoup d'autres choses, comme le fait que les Sénégalais ne regardent pas l'Est avant de glisser leur bulletin de vote dans l'urne. Que la conscience citoyenne, qui n'est pas un vain mot au Sénégal, avait atteint son point de maturation. Que le Président Wade l'ait oublié est sans doute une des plus grandes chances de Macky Sall, certes moins épais politiquement que son ex-mentor, mais d'une endurance et d'une patience qui en imposent. Il n'y a pas d'autre alternative pour le Président, puisque c'est lui qui a les cartes en mains, que de faire mieux que Diouf en 2000.

 

Nous ne sommes certainement pas issus de la cuisse de Jupiter, mais nous avons jusque-là évité les pièges de l'anarchie. Que le Mali, pays démocratique il y a une semaine régresse, au point de retourner 20 ans derrière, est la preuve que la formule sénégalaise est précieuse. Et c'est ce Sénégal-là qu'il faut justement protéger. Quel que soit le candidat qui va passer, il faut que nous Sénégalais continuons à nous regarder dans le miroir en restant fiers de nous-mêmes. Parce que nous aurons tout perdu, le jour où la fierté nous sera passée entre les doigts.

 

Vive donc le Sénégal !

 

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