Publié le 14 Aug 2013 - 19:20
EGYPTE

 De nombreux morts dans l’évacuation des places occupées par les pro-Morsi

 

Ce mercredi 14 août, au Caire en Egypte, la police est intervenue pour évacuer les partisans du président déchu Mohamed Morsi qui occupaient deux places de la capitale depuis près d’un mois. La plus petite, la place Nahda, est désormais « sous contrôle », affirme le ministère de l’Intérieur, qui déplore par ailleurs six morts dans les rangs des forces de sécurité. D'heure en heure, le bilan humain s'alourdit :  au moins 124 morts ont été recensés jusqu'ici, - près de 2 200 selon les manifestants pro-Morsi. Dans la province du Fayoum, au sud du Caire, on signale au moins 17 morts. La présidence égyptienne a annoncé dans l'après-midi l'instauration de l'état d'urgence dans tout le pays pour un mois.

Les bilans diffèrent. Mais l’évacuation des places occupées par les pro-Morsi au Caire a fait de très nombreuses victimes. Selon les constatations d'un journaliste de l'Agence France-Presse, dans trois morgues improvisées, 124 morts seraient pour l’heure à déplorer - dont certaines personnes tuées par balle. Mais les pro-Morsi, eux, avancent des chiffres bien plus élevés : 2200 morts et près de 10 000 blessés.

Ses partisans occupaient jusque-là deux emplacements : la place Nahda et la place Rabaa al-Adawiya. La première, la plus petite, a été reprise, à en croire les informations fournies par le ministère de l’Intérieur. Quant au plus grand sit-in de Rabaa al-Adawiya, la police est toujours aux abords des lieux. Elle a avancé, mais les manifestants sont encore là. Le podium fonctionnait d'ailleurs encore, enseveli sous la fumée. En effet, les policiers se sont installés sur les toits des immeubles et tirent des gaz lacrymogènes.

 

Bulldozers blindés

 

La police, au début, a utilisé des bulldozers blindés pour détruire les lignes défensives qui avaient été construites en béton ou en sacs de sable, pour permettre aux blindés des forces de l'ordre d’entrer dans les sit-in.

Au stade actuel, la situation est très confuse. Il y a beaucoup de fumée, que ce soit de la fumée de gaz lacrymogène ou des pneus en flammes. La police a déclaré qu’en fait, elle laissait la porte ouverte aux manifestants afin qu'ils sortent des deux sit-in, et que seules seraient arrêtées les personnes recherchées par la police, c’est-à-dire les hauts responsables de la confrérie des Frères musulmans.

Toujours est-il que Le Caire est paralysé, plus aucun train ne circule entre la capitale et la province, par peur de voir les affrontements de ce matin faire tache d’huile dans la région.

Eglises coptes attaquées

 

Alors que les affrontements avec la police font rage au Caire, des partisans de l’ancien président Morsi ont attaqué la communauté copte en province. Six églises ont été prises pour cible, et pour certaines incendiées, en Moyenne-Egypte, à Al-Minya et Assiout, qui sont des provinces où il y a beaucoup de chrétiens, mais aussi dans la ville de Suez, sur le canal. Deux écoles chrétiennes ont également été attaquées.

Représentant 5 % à 10 % de la population égyptienne, les coptes ont participé au renversement de l’ancien chef d’Etat islamiste.

 

Appels au calme

 

Quelques heures après le début de la dispersion des militants pro-Morsi au Caire, les appels au calme se sont multipliés, tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur. Pour Ahmed Ezzat, porte-parole de l'Organisation égyptienne pour la liberté d'expression, les autorités doivent faire preuve de mesure. « Nous demandons à la police et aux forces armées d'utiliser la force sans avoir recours à la violence inutile, et de seulement intervenir afin de protéger la vie des gens, de se protéger elles-mêmes et surtout de garantir le droit aux rassemblements et aux manifestations pacifiques, explique-t-il au micro de RFI. Il y a des femmes et des enfants qui participent à ces manifestations. La police doit donc absolument faire la différence entre ceux qui sont armés et qui ont un comportement violent et les manifestants pacifiques. »

Le Premier ministre turc islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a appelé la communauté internationale avec en tête le Conseil de sécurité de l'ONU et la Ligue arabe d'« immédiatement passer à l'acte pour faire cesser ce massacre ». Il a ajouté que l’attitude conciliante de la communauté internationale à l'égard du « coup d'Etat » en Egypte « n'a fait qu'encourager l'actuel gouvernement en vue de son intervention ».

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a condamné « dans les termes les plus forts » la violence de l'intervention des forces de sécurité égyptiennes, regrettant « que les autorités égyptiennes aient choisi la force pour répondre aux manifestations en cours ».

Le chef de la diplomatie britannique William Hague, se dit « profondément inquiet  de l'escalade de la violence en Egypte » et a également condamné l'usage de la force. Il appelle « les forces de sécurité à agir avec retenue ». La France a « mis en garde contre un usage disproportionné de la force » et appelé à « une logique d'apaisement ». Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle a, lui, appelé « toutes les forces politiques » égyptiennes « à empêcher une escalade de la violence ».

De son côté, l’Union européenne juge « extrêmement préoccupantes » les informations circulant sur la mort de manifestants. « Nous réaffirmons que la violence ne mènera à aucune solution et nous exhortons les autorités égyptiennes à procéder avec la plus grande retenue », a déclaré Michael Mann, porte-parole de la Haute représentante pour la politique extérieure de l'UE, Catherine Ashton.

RFI