Publié le 21 Mar 2024 - 20:22
EMPLOI DES JEUNES

En veux-tu, en voilà

 

Cible transversale des politiques publiques, la jeunesse est un sujet d’intérêt des programmes des candidats à la Présidentielle 2024. Vivier électoral convoité, du moins dans la tranche d’au-delà des 18 ans, elle suscite une surenchère de promesses, en particulier sur l’emploi des jeunes.

 

‘’Depuis 2012, l’Administration publique et notre vaillant secteur privé ont su créer, en net, c’est-à-dire créations moins destructions d’emplois, plus de 491 000 emplois, hors secteur agricole et hors secteur informel’’, déclarait le président Macky Sall, dans son message à la Nation, à l’occasion du Nouvel An 2024. Candidat à sa succession, Amadou Ba, son ancien ministre de l’Économie et des Finances, axe une partie de son programme sur la consolidation des acquis du Plan Sénégal émergent (PSE) et veut construire avec les jeunes une ‘’politique orientée vers leur épanouissement personnel et professionnel, et leur contribution au développement économique du Sénégal’’.

Surfant sur l’actualité brûlante, le candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) envisage d'élaborer des stratégies cohérentes et inclusives de prise en charge durable des questions et problèmes de migration, dont ‘’l’accroissement des moyens matériels, financiers et humains des structures chargées de la gestion de la migration ; la formation des acteurs impliqués dans la problématique migratoire ; le renforcement du dispositif de lutte contre la migration irrégulière ; la promotion de la participation active de la société civile et des instituts académiques et de recherche dans le processus de gestion de la migration et l’élaboration d’un programme d’accompagnement aux changements de croyances sur la migration’’, énumère-t-il.

L’ex-Premier ministre veut une ‘’gestion de la migration améliorée en offrant plus d'opportunités aux jeunes sur place et une meilleure prise en charge et un terme aux drames humains liés à la migration’’.

Amadou Ba va même plus loin. Il se considère comme le ”président de l’emploi” des jeunes, promettant d’en créer un million durant son premier mandat, s’il accède, le 24 mars, à la magistrature suprême.

Le fléau de l’émigration, surtout irrégulière, qui a fait des milliers de morts au cours des dernières années, préoccupe aussi le candidat de Rewmi, Idrissa Seck. Dans ses huit propositions, le leader de la coalition Idy2024 entend mettre en place un programme de formation massive, pratique et décentralisée des jeunes en adéquation avec les besoins et opportunités locales (agriculture, élevage, pêche, tourisme, transport) et de développer la formation technique en milieu rural, en vue de la professionnalisation des organisations communautaires de base (OCB) essentiellement composées de jeunes comme les ASC (associations sportives et culturelles).  

Dans ce sens, il compte aussi augmenter les fonds d’accompagnement et développer la culture de l'entrepreneuriat des jeunes, entre autres.

Après avoir fait un diagnostic exhaustif sur les défis liés aux jeunes (absence de politique de jeunesse cohérente, afflux massif des jeunes vers l'émigration et un taux de chômage très élevé chez les jeunes diplômés), le candidat Khalifa Sall propose de placer cette frange au cœur des politiques publiques pour libérer leur potentiel.

À cet effet, l'ancien maire de Dakar promet de développer l'employabilité des jeunes et de promouvoir la création d'emplois par le soutien massif à l'entrepreneuriat. Sans oublier de relancer le Service civique national (SCN) en le déployant dans les quartiers et les lycées, d’encourager la participation des jeunes dans des projets communautaires et sociaux pour favoriser un sentiment d'appartenance et de responsabilité en instituant un quota de 30 % de jeunes dans les assemblées électives et semi-électives pour promouvoir la participation active des jeunes dans la vie politique.

Pour sa part, la coalition Diomaye2024, portée par le parti dissous Pastef, propose une "rupture générationnelle" et promet de créer des milliers d'emplois par an, de réformer l'éducation avec l'inclusion des "daraas’’. Elle souhaite également encourager l'entrepreneuriat et l'insertion des jeunes dans l'agriculture.

Vivier électoral

Afin de tirer le meilleur parti de ce vivier électoral, le candidat du Pur, Aliou Mamadou Dia, joue sur une corde historique. ‘’Vous n'êtes pas une jeunesse malsaine, mais plutôt digne, responsable et consciente. C'est avec les jeunes du Sénégal que je veux bâtir le Sénégal.  Vous êtes une jeunesse engagée et vous méritez le respect de tous. L'avenir de notre cher Sénégal repose sur vos épaules’’, déclare-t-il devant une foule acquise à sa cause à Thiès, lors de son meeting du samedi 16 mars 2024.

 Un rappel, à bien des égards, qui indexe et ironise le discours de l’ancien président Abdou Diouf qui avait qualifié les jeunes de la cité du rail de ‘’jeunesse malsaine’’ en 1988 à la célèbre place de France devenue la Promenade des Thiessois.

Trente-six ans après, ce coup de sang face à une jeunesse désespérée et l’exprimant à coups de pierres, demeure dans l’esprit des candidats au scrutin de dimanche prochain.

Doutes

A l’intersection du Cœur de ville de Kaolack, une photo du candidat de la mouvance présidentielle, arborant un sourire confiant et un regard déterminé. Habillé en chemise blanche et d'une manière décontractée, mais élégante, il se tient au centre de l'image, symbolisant son rôle de leader. En bas est écrit : ‘’Amadou Ba, le candidat de la jeunesse.’’ Une aberration pour Cheikh Mané, habitant le quartier Ndorong, qui pense que l'ex-Premier ministre est en déphasage avec la jeunesse.

Des jeunes, interpellés à Kaolack ou à Kaffrine sur les propositions des candidats, disent n’en avoir aucune idée. Matar Ndiaye, conducteur de moto-Jakarta depuis cinq ans, se dit déçu de la politique à l’endroit des jeunes. Pour lui, le chômage des jeunes est l'un des principaux défis du Sénégal. Il avance aussi que ‘’le système éducatif doit être réformé pour mieux répondre aux besoins du marché du travail’’.

Dans les rues animées de Keur Massar, au rond-point Sedima, certains jeunes attendent impatiemment les véhicules de transport pour rentrer chez eux, après une journée de labeur. Ibrahima Fall en fait partie. Il dit qu’il n'en a cure des propositions des prétendants. ‘’Franchement, je n'ai pas lu les programmes. Toutefois, je pense que dans un pays où la jeunesse constitue une part importante de la population, l'accès au marché du travail reste un défi majeur. Les candidats doivent essayer de renverser la courbe du chômage’’, suggère-t-il sous un air narquois.

Dans cette optique, Anta Babacar Ngom promet d’apporter des solutions structurelles. En visite à Saint-Louis hier, la tête de file de l’Alternative pour la relève citoyenne (ARC) a exprimé une volonté de rupture avec les méthodes actuelles de gouvernance. Leader optimiste, elle envisage l’établissement de complexes agro-industriels pour générer un million d’emplois, ciblant en particulier la jeunesse du pays. Convaincue par la richesse non exploitée de Saint-Louis, elle promet l’exploitation de 400 000 ha de terres cultivables, une fois élue à la présidence.

Pour le jeune entrepreneur Khalil Ndiaye, les jeunes ne peuvent pas tout attendre de l’État et des acteurs politiques, il faut plus de créativité. ‘’Nous avons créé notre propre structure agroalimentaire depuis 2019’’.

Face à la pénurie d'emplois formels, de nombreux jeunes sénégalais se tournent vers l'entrepreneuriat pour créer leurs propres opportunités. Des incubateurs et des programmes de soutien aux jeunes entrepreneurs se développent à travers le pays, offrant un encadrement et des ressources nécessaires pour transformer les idées en entreprises prospères.

AMADOU CAMARA GUEYE

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