Publié le 17 Jan 2023 - 16:31
GRÈVE DES TRANSPORTEURS, AUGMENTATION DU PRIX DU TRANSPORT

Les chauffeurs confinent les voyageurs

Pour pousser l'Etat à reculer sur les 22 mesures prises, lors du conseil interministériel, les transporteurs interurbains comptent aller en grève, dès ce mardi à partir de 00 heure. A la gare routière des beaux maraîchers, malgré l’interdiction du gouvernement sur la hausse du prix du transport, les chauffeurs ont fait la sourde oreille. Ils ont augmenté les prix du transport et sont prêts à en découdre avec le gouvernement.

 

En cette fin de matinée, la gare routière des beaux maraîchers est prise d’assaut par les voyageurs. C’est une impression de grand désordre que l’on ressent, sur les lieux. Egalement, les mines ne sont pas joyeuses. En effet, les transporteurs interurbains comptent aller en grève illimitée, à compter de ce mardi à partir de 00 heure. Ce, pour protester contre les mesures prises par le gouvernement pour réguler le secteur du transport.

Un chauffeur d'un véhicule 7 places, de trentaine d'années environ, roulant sur le trajet Dakar-Kaolack soutient qu'ils iront en grève illimitée pour faire reculer l'Etat sur certaines mesures qui n'arrangent ni les transporteurs ni les voyageurs. "Quelle que soit la gravité d'une situation, un État sérieux ne doit en aucun cas prendre des mesures aussi fortes sans consulter les personnes concernées. Nous irons en grève pour que l'Etat nous entende et nous appelle au dialogue", souligne Omar Mbaye, arborant un tee-shirt noir.

Il embraye sur la mesure concernant l'arrêt de la circulation à partir de 23 heures et la mesure supprimant le porte-bagages. "Nous appelons le gouvernement au dialogue et lui demandons de parler aux gendarmes et policiers, car ils profitent de la situation. Ils ont commencé à saisir des bagages, avant même que l'Etat donne son dernier mot. Ce que l'Etat a dit et ce que les hommes de tenue appliquent sur le terrain est diamétralement opposé", dénonce-t-il.

Concernant le porte-bagages, il est d’avis que l'Etat doit comprendre que les bagages sont pour les voyageurs ; qu’on ne peut pas transporter un client sans ses bagages. "Depuis que cette gare routière des beaux maraîchers a été inaugurée en 2014, le ministre de tutelle n'a jamais mis ses pieds ici. Il ne sait pas ce que nous vivons. L'Etat ne peut pas nous combattre, car, c'est nous qui détenons l'économie de ce pays. Si l'Etat veut nous paralyser, il sera aussi paralysé », prévient le chauffeur.

À quelques pas, se tient un autre chauffeur de bus. Lébou Ndoye déclare qu'ils ne font que suivre les recommandations données par leur président Alassane Ndoye. "Comment peut-on dire qu'il y a un accident et, brusquement, on va tout changer, du jour au lendemain. Les autorités oublient qu'on peut mourir dans nos chambres, car la mort c'est la volonté divine. Nous refusons toutes les 22 mesures. On n'acceptera jamais la suppression du porte-bagage, ça existe nulle part. Ainsi, tant que l'Etat ne fait pas marche arrière, nous aussi, on ne le fera pas. Nous voulons qu'il nous appelle au dialogue et allons prendre ensemble des mesures adéquates qui ne lèsent aucune des parties prenantes", soutient-il sans sourciller.

Un des coxeurs des bus, Amza Mbaye, entouré de voyageurs souhaitant acheter des tickets, affirme que l'Etat devait faire une étude préalable, avant la prise inopinée des 22 mesures.  Car, dit-il, le transport sénégalais n'est pas arrivé au stade de suppression du porte-bagage. Il ne doit nullement empêcher les véhicules de rouler la nuit. 

Augmentation du prix du transport

Par ailleurs, les chauffeurs des transporteurs interurbains, après avoir menacé d'aller en grève aujourd'hui à minuit, ont également augmenté le prix du transport, malgré l'interdiction du ministre des Transports. "L’État ne peut pas augmenter le coût du carburant et empêcher aux chauffeurs d'augmenter le prix du transport. C'est inadmissible. Il ne nous donne pas à manger ni à boire. S'il veut que le prix reste intouchable, il n'a qu'à subventionner le carburant. L'augmentation du prix ne dépend pas de nous. L'augmentation du prix des denrées de première nécessité nous a beaucoup impactés, mais, on n'a pas augmenté le prix du transport. Mais là, ça nous impacte directement. Quand on travaille, c'est pour avoir du bénéfice. Avec la chausse, nos revenus sont grandement impactés. On a augmenté le prix, il y a de cela deux jours. On est prêt à en découdre avec le gouvernement. On fera face", déclare le coxeur très remonté.

Ainsi, les chauffeurs des véhicules 7 places ont ajouté 1000 sur le prix du transport et 500f pour ceux des bus. Par la même occasion, Lébou Ndoye soutient que l'augmentation du prix fait partir des principales causes de la grève.

"Je suis de tout cœur avec les chauffeurs. Je les côtoie souvent et je sais ce qu'ils vivent. Je suis voyageur certes, mais, il ne faut pas que chacun regarde uniquement son intérêt. Les chauffeurs ont des familles à nourrir, donc, si le prix du carburant augmente, ils doivent aussi augmenter le prix du transport pour s'en sortir. Si on travaille, c'est pour gagner quelque chose. Je pense que l'augmentation est supportable", déclare un voyageur en partance pour Linguère, préférant garder l'anonymat.

Application des 22 mesures sur la sécurité routière 

La recrudescence des accidents de la circulation devient de plus en plus inquiétante. Après le tragique accident qui s'est produit dans le week-end du 7 janvier faisant plus d'une quarantaine de morts et une centaine de blessés, un autre s'est produit hier faisant 21 morts et 26 blessés sur la route de Louga. En l'espace de deux semaines, 64 personnes ont perdu la vie dans les accidents de la circulation. "La situation devient gravissime et des solutions urgentes devront être prises le plus rapidement possible.

D'où l'importance des 22 mesures que le gouvernement a prises, lors du conseil interministériel sur la sécurité. Je pense que la vie des citoyens n'a pas de prix. Le gouvernement doit aller jusqu'au bout pour l'application de ces mesures. Les transporteurs ne sont obnubilés que par leurs propres intérêts.  Où est l'intérêt des citoyens dans tout ça ? Si nous savons que nous payons le plus lourd tribut de ces accidents ? La lutte contre les accidents de la circulation devient une impérative et le gouvernement ne doit pas fléchir pour éradiquer ce phénomène", fulmine monsieur Dramé, un citoyen sénégalais.

Autre son de cloche, celui du journaliste Cheikh Diagne qui déclare que, même si l'application de toutes les 22 mesures ne sera pas une chose facile, les mesures phares comme l’interdiction de circuler de 23h à 05h, l’importation des pneus d’occasion, la révision de l’âge des conducteurs à qui on octroie les permis, le plombage des compteurs pour une vitesse de 90 km, le contrôle technique devront être respectés. Ainsi, dit-il, l’Etat doit être un peu plus regardant envers les forces de l’ordre qui sont souvent corrompus par les transporteurs.

S'exprimant sous le couvert l'anonymat, un étudiant de vingtaine années environ, trouvé dans une 7 place à la gare routière des beaux maraîchers, habillé en maillot Sénégal, indique que, même si les chauffeurs partent en grève illimitée, comme ils l'ont dit, l'Etat ne doit en aucun cas faire marche arrière. "Je suis en phase avec l'Etat. Parce que, pour mettre fin à ces nombreux accidents, il faut que l’Etat soit ferme. L'Etat et les transporteurs doivent ainsi trouver un terrain d'entente pour ne pas pénaliser les voyageurs", dit-il.

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