Publié le 22 Apr 2021 - 11:45

Pour un nouveau paradigme, comme rampe de relance de l’économie

 

L’impact de la pandémie de la covid-19 sur l’économie, a ouvert les yeux des gouvernants et des acteurs du développement. En effet, la contraction de l’économie, et les cohortes de chômeurs consécutives à la crise sanitaire, et les troubles sociaux qui en ont découlé, montrent que rien ne sera plus comme avant, en tout cas rien ne doit plus être comme avant. La covid-19 a fini de mettre  l’économie à genou durant plus d’un an.

Malgré la capacité de résilience au plan national, qui du reste a été renforcée par les pouvoirs publics avec le PRES (Plan de Résilience Economique et Social), les conséquences de la crise multiforme se font sentir, jusque dans les foyers les plus reculés. Alors, il s’agira de s’appuyer sur cette résilience pour relancer l’économie, qui il faut le dire, est mal en point. Cependant, pour ce faire, nous devons rompre avec les expériences passées, qui n’ont pas produit de résultats probants.

Des voies et moyens réalistes et pragmatiques existent, pour relancer l’économie, au regard des enseignements tirés de la crise sanitaire et de son impact sur l’économie.

La modernisation des activités de l’économie informelle

Relancer l’économie suppose, à priori, le redressement des entreprises en difficulté. Ce sont les entreprises qui créent et de la valeur, et des emplois. Notre économie reposant pour l’essentiel sur l’informel, il s’agira donc de relever le défi de sa modernisation. Ce faisant, beaucoup d’emplois seront créés ; des emplois visibles, identifiables et connus des services fiscaux. Cela permettra, corrélativement, d’élargir l’assiette fiscale.

Les financements prévus pour l’emploi des jeunes, ne doivent plus transiter via des structures dédiées existantes et dont on sait qu’elles n’ont pas atteint les résultats escomptés, principalement la résorption du chômage des jeunes. Les pouvoirs publics doivent organiser et accompagner les acteurs de l’économie informelle, à se constituer en GIE ou en coopératives. Les initiatives solitaires ne peuvent pas prospérer longtemps, il faut mettre en place des regroupements, c’est l’union qui fait la force.

Encadrer et financer des groupements est plus simple, que de financer des individualités. Il faut mettre fin à la prolifération des ateliers installés de façon anarchique dans les rues. Des acteurs comme les mécaniciens, les tôliers, les peintres d’automobile peuvent être regroupés dans des entités pour former des garages modernes et performants. Cet exemple peut être multiplié dans les grandes villes. Les menuisiers, les ébénistes peuvent être regroupés dans des ateliers modernes, spacieux, d’où ils pourront saisir plus facilement, les opportunités afférentes à la commande publique. Ces exemples peuvent être appliqués aux autres corps de métiers, comme les tailleurs, les cordonniers et les bijoutiers ; pour ces derniers, l’Etat doit mettre en place un comptoir de vente d’or brut, provenant de Kédougou, à des prix compétitifs.

Dans le secteur de la pêche, parallèlement à la politique de modernisation des pirogues, les pêcheurs peuvent s’organiser en GIE ou en coopératives au niveau de Soumbédioune, de Kayar, de Bargny, de Rufisque, de Guet Ndar, etc. Chaque entité pourrait bénéficier d’un ou de deux chalutiers modernes. La modernisation de ce secteur permettra de réduire les chavirements de pirogues et leurs corollaires de pertes en vies humaines. Cela permettra aux nationaux qui s’activent dans ce secteur, de pouvoir concurrencer les chalutiers étrangers qui viennent pêcher dans nos eaux, en haute mer. Les acteurs de la pêche, organisés au sein d’entités viables, pourront être encadrés par les sortants de l’école nationale de formation maritime. Ces exemples supra, peuvent être dupliqués dans beaucoup d’autres secteurs. In fine, il s’agira pour l’Etat de mettre en place des financements pour l’accompagnement d’une part, et de créer des structures de formation spécifique, d’autre part.

Contrats-emplois avec les entreprises

L’Etat peut certes recruter, mais ce n’est pas sa vocation de créer des emplois. C’est le secteur privé qui a pour vocation, la création d’emplois. Le rôle de l’Etat est de promouvoir un environnement des affaires propice à la création de richesses et d’emplois, par les PME/PMI. Au demeurant, l’Etat peut signer des contrats-emplois avec les acteurs du secteur privé, notamment avec le patronat. Les pouvoirs publics peuvent mettre à la disposition des chefs d’entreprises, des financements en contrepartie de l’embauche et de la formation au bénéfice de cohortes de jeunes, pour parfaire leur employabilité, si possible les recruter par la suite.

Par ailleurs, l’Etat peut confier l’implémentation des contrats-plans, aux ISEPs (Instituts Supérieurs d’Enseignement professionnel). Sous la supervision du ministère de la formation professionnelle, les ISEPs se chargeront alors de traiter avec les entreprises, pour prendre en charge la problématique de l’adéquation formation/emploi. C’est justement l’absence de passerelle  entre les centres d’incubation, tels que les ISEPs, qui constitue le chaînon  manquant dans la politique d’insertion des jeunes.

Cette coopération entre l’Etat et le secteur privé, peut être poussée pour y intégrer les apprenants en quête de stages de courte durée, pour les besoins de rapport de stage ou de rédaction de mémoire.

Partenariat public-privé et joint-venture

La pandémie a montré que beaucoup de choses restent à parfaire, dans divers secteurs. Il y a des domaines dans lesquels le pays doit nécessairement être autosuffisant, ou tout au moins disposer de l’essentiel. Sur le plan de l’autosuffisance alimentaire, des efforts sont faits, mais il reste encore du chemin à parcourir. La crise sanitaire, avec la fermeture des frontières, nous a fait prendre conscience, qu’il y a des domaines dans lesquels nous devons être autosuffisants. En ce 21 è  siècle, il est inadmissible de continuer d’importer les besoins en nourriture de base des populations, tel que le riz. Toujours dans ce secteur agricole, il existe des niches insoupçonnées de création de valeurs et d’emplois. Par exemple dans le sous-secteur de l’horticulture, il y a d’énormes potentialités. Les jeunes qui migrent vers l’Europe, particulièrement vers l’Espagne, vont travailler pour la majeure partie dans les champs ou les plantations, comme ouvriers agricoles. Ces jeunes peuvent avoir sur place ce qu’ils vont chercher ailleurs.

L’Etat peut et doit aménager des hectares de terres arables, pour les mettre à la disposition des jeunes. Naturellement, il faudra les organiser en coopérative par exemple, ensuite les faire encadrer par les sortants de l’ENSA (l’Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture) de THIES. L’industrie pharmaceutique n’est pas en reste, ce sous-secteur de la santé peut être inclus dans le périmètre de la souveraineté. La pandémie nous a ouvert les yeux, sur la nécessité de produire localement, en dehors des masques, certains médicaments essentiels de base. C’est la raison pour laquelle, l’Etat peut contracter des partenariats publics-privés, pour la création d’unités industrielles, pour la production de médicaments, etc.

Le secteur privé a évidemment sa partition à jouer, il doit en effet, nouer des accords de joint-ventures avec des investisseurs et des détenteurs de technologies et/ou de compétences, venant des pays développés.

Recrutement dans la fonction publique

Même si le rôle de l’Etat n’est pas la création d’emplois, néanmoins il a un rôle régalien d’embaucher ses propres agents. Récemment, le Président Macky SALL a promis le recrutement des milliers de gendarmes, et des milliers  d’enseignants. Ces décisions qui participent à la relance de l’économie, en mettant à disposition un pouvoir d’achat conséquent, sont à saluer. Cela préfigure l’arrivée dans le marché de consommateurs potentiels. Nous avons un déficit de personnels, dans presque tous les domaines. Chaque fois que le budget le permettra, l’Etat devra penser recruter, surtout au niveau de la santé.

Comme indiqué supra, la relance de l’économie commence par aider les entités en difficulté, ou qui végètent dans la précarisation. Les agents de sécurité de proximité (A.S.P.s) jouent un grand rôle, complémentaire, aux côté de la police. Cependant, il faut reconnaitre qu’ils vivent dans la précarité. Il est temps de revoir leur situation.

Pour relancer l’économie post covid-19, il faut avoir une vision nouvelle par rapport aux options et aux objectifs économiques, un nouveau paradigme, en tenant compte des moyens qui permettent la réussite. Il ne s’agit pas de mettre à disposition des fonds pour financer des projets souvent non viables, et dont le remboursement poserait des difficultés.

                                                                                                      Pr. Serigne Ousmane BEYE

                                                                                                 Secrétaire national chargé des études

                                                                                                  Et de la prospective du Parti Socialiste

                                                                                                                 beyeouse@ucad.sn

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