Publié le 23 Mar 2024 - 18:40
AGRESSION CONTRE LES ACTEURS DE LA PRESSE, LORS DES MANIFESTATIONS

Les journalistes cherchent la panacée

 

La Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS) a organisé une conférence sur le thème "Le rôle des médias dans la protection des femmes journalistes et la protection des journalistes : Que disent les lois". Il a beaucoup été question de la brutalité des forces de l’ordre et des moyens de défense des acteurs de la presse.

 

La Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS) a organisé, à la maison de la presse Babacar Touré, un débat sur des thématiques majeures qui intéressent la sécurité des journalistes sur le terrain, il y a quelques jours.

Au cours des échanges sur le thème : "Rôle des médias dans la protection des femmes journalistes et la protection des journalistes : Que disent les lois", la spécialiste des droits des médias, Nogaye Ndour, a indiqué qu’un journaliste doit avoir sa carte de presse en bandoulière. "Quand on est un professionnel sérieux, on doit avoir sa carte de presse. Concrètement, il s’identifie par sa carte de presse. Elle assoit juridiquement, jusqu’à la preuve du contraire, les qualités de professionnel de l’information. Par exemple, explique-t-elle, si vous êtes devant un agent de la police, si vous ne lui montrez pas votre carte de presse, vous ne légitimez pas votre présence et le droit de collecter l’information à des fins d'intérêt général pour satisfaire le droit du public à l’information".

Au cours de la rencontre, certains journalistes ont révélé que, lors de certains événements, ils ont peur de se présenter comme soldats de l'information (c'est-à-dire, ils ne portent pas de gilet et ne présentent pas la carte de presse) et donc font leur travail en cachette. Madame Ndour de rétorquer : "Quand on cache sa carte de presse, quand on collecte de façon déloyale l'information, parce qu'on a peur, on n’est plus journaliste. Car le journaliste est sommé de faire son métier dans le respect de ses obligations. C'est quand vous respectez vos obligations que vous serez protégés."

Toutefois, la modératrice de la rencontre, la journaliste de formation Oumy Regina Sambou a émis un autre son de cloche. "Aujourd’hui, ce qu'on constate sur le terrain, c’est que personne n’aime les journalistes. Sur des terrains parfois hostiles, moi, je suis d'avis que porter le gilet, c'est s'exposer. Ce qui est plus important (c’est qu’) un journaliste doit rester vivant et en bonne santé. Peu importe l'importance de l'information, peu importe tout ce qu'on peut vous promettre, ce qui est plus important, c'est votre intégrité physique et mentale", a-t-elle déclaré. 

Lois protégeant les journalistes 

Revenant sur les lois, la spécialiste en droit des médias a rappelé qu'il y a beaucoup de textes qui protègent les journalistes et des dispositions mettant en place des droits tendant à asseoir, à consolider et à réaffirmer la nécessité de leur protection. "Vous avez dans le nouveau Code de la presse deux dispositions qui me paraissent d’une pertinence incommensurablement, qui pourraient rendre non seulement efficiente la protection, mais renforcer également l’efficacité. On a les délits d’entrave à la liberté de la presse et de la communication. Nul n’a le droit d’entraver l'exercice libre de la liberté de la presse, nous dit l’article 195", souligne-t-elle.

Selon la juriste, il faut que les professionnels de l’information s'approprient le délit d’entrave à la liberté d’expression pour l’effectivité du droit du public à l’information. Globalement, "pour la protection des journalistes, soutient Mme Ndour, il faut regretter aujourd’hui une insuffisance, malgré tout le bien des textes existants, l’absence au Sénégal d’une loi qui organise les modalités d’accès à l’information’’.

En effet, renchérit-elle, ‘’c'est une chose qui ne se comprend pas d’ailleurs, parce que nous avons la loi type de l’Union africaine et paradoxalement le Sénégal, c’est le pays qui a servi de modèle pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest". 

En cas d'agression, les journalistes invités à chercher à identifier les auteurs 

S'exprimant dans le même sens, l'experte en droits humains (Raddho), Oumy Cantome Sarr, a relevé : "Chaque fois, on nous dit d’avoir confiance en la justice, mais il faudrait qu’elle puisse aussi bouger et qu’elle ne soit pas sélective. Car, dit-elle, on ne peut pas traiter certains cas et laisser d’autres."

Ainsi, en cas d'agression sur le terrain, Mme Sarr invite les journalistes "à toujours chercher à identifier l'auteur ou les auteurs et garder toujours espoir que justice sera faite. Parce que, dit-elle, c’est le fait de dire que ça ne sert à rien qui cultive l'impunité dans ce pays. Un jour, poursuit-elle, tous les dossiers pourront être remis sur le tapis".

D'ailleurs, elle a demandé à Absa Hane, qui avait porté plainte, de ne pas abandonner et de demander à son avocat de pousser pour que le dossier puisse sortir du greffe et aller à l'instruction.

Dans le même sens, elle a suggéré "de faire revenir le fameux dossier de la constitution de partie civile des organisations de la société civile et des syndicats, pour faire face à certains dossiers qui ne bougent pas. Peut-être que l'individualité ne peut pas les faire bouger, mais si c'est un groupe, ça peut faire avancer les choses".

Recommandations

Pour remédier aux agressions faites aux journalistes dans le cadre de leur travail, par la voix de Romane Pijulet, Reporters sans frontières (RSF) a dressé une série de recommandations à l'endroit des autorités étatiques et aux entreprises de presse.

En effet, RSF recommande la poursuite des auteurs d'exactions à l’encontre des journalistes, notamment les femmes. De même, il exige des forces de l’ordre une non-violence et un traitement juste, lors des manifestations, à l’égard des femmes. Il encourage également les rédactions à recruter plus de femmes et à leur laisser accès à plus de postes à responsabilité au sein des entreprises de presse.

Dans le même sens, l’organisation recommande de fournir des formations pratiques en matière de sécurité aux professionnels des médias, en particulier aux femmes, pour les préparer aux risques sur le terrain et d’élaborer un code de conduite pour la sécurité des journalistes. 

FATIMA ZAHRA DIALLO 

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