Publié le 28 Apr 2012 - 10:25

Après Béthio...

 

Ainsi donc, Cheikh Béthio Thioune qui terrorisait, il n'y a guère longtemps, toute la République, est tombé. Et d'une belle chute, comme Abdoulaye Wade face à Macky Sall un certain 25 mars 2012 alors que tout le monde pensait que le Pape du Sopi, à l'image du «Dirigeant bien aimé» de la Corée Nord, était éternel. Comme encore le «roi» Yékini face au jeune et fougueux Balla Gaye 2, dimanche dernier.

 

«L'athlète» qui vient de tomber à Thiès n'est pas n'importe qui. Cheikh Béthio Thioune est présent dans l'imaginaire de beaucoup de jeunes de ce pays. Signe illustratif de sa popularité, un carrefour porte son nom à Guédiawaye depuis plus de 20 ans maintenant, alors qu'il aligne les femmes comme un enfant des billes... Il est vrai que l'homme a été renforcé par Wade qui lui a fait subir une séance d'haltérophilie à coups de plusieurs centaines de millions de francs qui lui étaient régulièrement versés. Au point d'ailleurs que sa demeure de Mermoz était une des villas les plus courues de Dakar. Chez le Cheikh de Mermoz, il y avait tout ce qu'un jeune pouvait désirer. De la viande à gogo, de la musique, en plus de la ferme promesse d'aller après des «cànt» bien assaisonnés... au paradis. Qui promet mieux sur la place. Béthio a poussé la galanterie jusqu'à menacer, en direct à la Télévision nationale, avec la complicité de Babacar Diagne dont on se demande d'ailleurs ce qu'il fait encore au Triangle Sud, les électeurs sénégalais alors même que la Constitution garantit le libre choix des citoyens, de leur Président, qui transcende bien les personnes de Senghor, Diouf, Wade et Macky. Il ne faut pas avoir peur de le dire, c'est une très bonne chose que Cheikh Béthio Thioune soit neutralisé. Qu'il tombe de cette façon. Et que la force retourne à la loi, qu'elle avait désertée sous Wade. Si celui qu'on a appelé Gorgui de 2000 à 2012 était encore Président, le double homicide bien crapuleux à cause duquel il est poursuivi serait, à coup sûr, passé inaperçu. La nouvelle est partout bien accueillie, y compris à Touba, où l'on voit d'un très mauvais œil la montée en puissance de cet homme qui s'est toujours réclamé de Serigne Saliou Mbacké, sans incarner l'éthique du travail et de la discipline qui a caractérisé le prédécesseur de Serigne Cheikh Maty Lèye. Serigne Saliou Mbacké, même khalife, était resté très proche de la terre qu'il a cultivée jusqu'à la mort.

 

Mais il faudra bien qu'on ferme après la page des nuits torrides du Cheikh. Car passées ces épisodes qui divertissent au sens propre du terme le pays tout entier, on devra ensuite ouvrir d'autres pages d'audits pour évaluer l'ampleur des dégâts causés à l'économie de ce pays très pauvre, où l'on disserte comme si on était dans un Etat développé. Questions impertinentes... Comment doper la croissance, après Wade ? Avec quels axes de priorité ? Sur quels leviers jouer ? Avec quelle équipe ? Va-t-on donner les clefs de notre économie à des forces étrangères ou miser sur l'entrepreneuriat local ? Quelle place vont occuper nos intérêts bien locaux face à ceux d'un Bolloré par exemple ? Autant de questions qui n'ont sans doute pas trouvé de réponses pour l'instant. C'est clair, Macky Sall est en attente de beaucoup de choses, dont les résultats du second tour de la Présidentielle française mettant aux prises Nicolas Sarkozy à François Hollande, sous l'arbitrage de Marine Le Pen et de Mélanchon. Il attend aussi le verdict des Législatives sénégalaises prévues en début d'hivernage, avec à coup sûr une nouvelle configuration de l'Assemblée nationale ? D'ici là, l'encens Béthio se sera bien volatilisé. Et comme le brouillard qui se volatilise avec l'aurore, un nouveau jour pointera alors son nez, à l'orée d'un nouveau jour naissant.

 

MAMADOU WANE

 

Section: