Le nouveau ministre de la Justice a-t-il tordu le bras au parquet ?

En marge de la cérémonie de passation de service à l’ITIE, Ismaïla Madior Fall s’est prononcé sur la demande de levée de l’immunité parlementaire du député Khalifa Sall. Selon lui, l’article 61 de la Constitution est clair.
Quarante-huit heures après la demande de levée de l’immunité du député Khalifa Sall, les commentaires vont bon train. Une ‘’déculottée pour le parquet’’, plaident les uns. ‘’Respect de la procédure’’, se défendent les autres. Le ministre de la Justice, en marge de la cérémonie de passation de service à l’ITIE, a apporté sa part de vérité sur cette question. Il précise : ‘’Le plus important, ce n’est pas d’épiloguer sur le fait que le maire Khalifa Sall a ou non l’immunité parlementaire, mais de faire respecter toutes les règles qui lui garantissent la tenue d’un procès équitable.’’
Telle est la position sans équivoque du ministre de la Justice, par ailleurs professeur de Droit constitutionnel à la faculté de Droit de l’Université Cheikh Anta Diop. Ismaïla Madior Fall ne s’arrête pas en si bon chemin. Il dit à qui veut l’entendre qu’il est du ressort du Garde des Sceaux de garantir à tout citoyen accusé le droit à un procès équitable. ‘’C’est pourquoi l’autorisation de juger le maire Khalifa Sall est demandée à l’Assemblée nationale. Parce que la Constitution est claire en son article 61. Si on veut poursuivre un député, il faut demander la levée de son immunité’’, renchérit-il, non sans ajouter que du fait de l’antériorité de l’arrestation du maire de Dakar, le débat autour de son immunité peut être mené.
Nouvellement nommé à la Chancellerie, l’ancien conseiller juridique du chef de l’Etat apporte, ainsi, sa touche personnelle dans l’affaire de la caisse d’avance à la mairie de Dakar. Son prédécesseur, à l’instar du parquet, a toujours défendu une position contraire.
Ceux qui connaissent les rouages de Dame justice savent que le parquet, dès lors, n’avait plus le choix. Etant lié par le principe de la hiérarchie, il est obligé de se conformer aux orientations écrites de la tutelle.
Le nouveau ministre de la Justice marque ainsi une nouvelle phase dans l’affaire Khalifa Sall. Il s’agit, selon lui, ‘’de ne négliger aucun détail procédural susceptible de remettre en cause les droits de la défense. C’est dans ce sens que, même si la demande de levée de l’immunité n’était pas obligatoire, l’option a été faite de l’introduire devant l’Assemblée nationale’’.
Le professeur veut-il ainsi couper l’herbe sous le pied de la défense ? Pose-t-il les germes d’une future libération de Khalifa Sall ? Comment le parquet a-t-il accueilli cette évolution dans la position de la tutelle ? Ce sont des questions qui se posent chez les spécialistes du droit.
En tout état de cause, avec cette nouvelle tournure, l’argument de la détention provisoire basée principalement sur l’immunité de M. Sall devient sans objet. En plus, le parquet ne court plus le risque de se voir désavoué par les juges. Du moins pour cet argument.
Maintenant, semble dire le ministre, la balle est dans le camp des députés. ‘’Il leur appartient de donner l’autorisation ou de ne pas la donner’’, affirme-t-il. Ismaïla Madior Fall s’est toutefois gardé d’entrer dans les questions de fond au nom du respect de l’indépendance de la justice.
Mor Amar