Publié le 13 Mar 2012 - 14:21
EDITO

Il a perdu la main !

 

L'obsession présidentielle est d'autant plus étonnante que Wade était passé au travers des mailles des filets en 2000, alors que la plupart des chapelets l'avaient expédié à la retraite politique. Comme en 2000, Serigne Modou Kara avait évoqué un rêve pour prophétiser la victoire d'Abdou Diouf. C'est sans doute cette jurisprudence disons «onirique» qui justifie cette fois la prudence de celui que tout le monde voyait atterrir sans calcul dans les bras de Gorgui. Kara a sans doute dû lire entre-temps le formidable ouvrage du Pr Djibril Samb, «L'interprétation des rêves dans la région sénégambienne», qui évoque les mille et une facettes des rêves et leurs rapports aux réalités vécues.

 

Les ressemblances entre 2000 et 2012 sont trop frappantes à cet égard. Elles s'expriment dans la déconnexion totale de Diouf qui en avait oublié que «ceebu jën» était encore souverain au Sénégal et que l'aubergine brandie sur son affiche de campagne, d'une main molle par le candidat socialiste d'alors, ne renvoyait à rien du tout, sinon à la misère sociale. Diouf ne savait pas, comme il l'avouait lui-même vers la fin. Qui ne se souvient des aveux du candidat socialiste, dans le cadre du Métissacana devant nos confrères de Sud-Fm ? Le «sorcier blanc» Jacques Séguéla avait aussi tout faux en 2000. Lui qui ne connaissait rien aux règles «sacro-saintes» qui dictent le jeu sur ces territoires ô combien succulents du souverain plat national. Séguéla est passé ; c'est la même cécité qui semble frapper le Président Wade, 12 ans après. Gorgui qui semble bien oublier que les prix des denrées de première nécessité sont éminemment plus importants que toute la littérature sur ces marabouts qui nous promettent le paradis sans même être sûrs d'y aller eux-mêmes.

 

Il est clair que le Président sortant tient dans les infrastructures un roc au pied duquel bien des populations viennent s'incliner. Mais si ces infrastructures avaient un effet aussi déterminant, Dakar ne serait jamais tombé en 2009 dans l'escarcelle de Benno, encore moins dans celle de Macky Sall lors du premier tour de la présidentielle avant que Niasse ne vienne administrer la preuve qu'il reste bien présent dans la capitale. C'est quand même assez illustratif, Wade n'arrive que troisième dans la capitale où il y a les plus belles routes du pays. Malheureusement, elles sont si belles ces routes, qu'elles ne se mangent pas. Nos pauvres yeux auront pu les admirer s'il y avait assez de calories dans nos corps. C'est la belle métaphore du père de famille qui se réveille un jour pour décréter : «Désormais, il n'y aura qu'un repas, parce que je dois acheter du ciment (le béton de Karim Wade) pour construire un immeuble». Le malheureux n'a pas vu qu'avant même qu'il ne finisse ses chantiers, son fils allait devenir agresseur et ses filles...toutes de joie.

 

La «cécité» du Président Wade est bien réelle. C'est elle qui lui fait croire que le fait de dire, répéter et faire répéter que Macky Sall est un mécréant qui protège les homosexuels et insulte les marabouts a un quelconque effet sur les électeurs dont la majorité est jeune et donc d'une sensibilité bien différente. Serait-il un franc-maçon, maître de toutes les loges du monde que cela ne créerait qu'un effet marginal dans l'électorat qui veut du concret.

 

C'est encore et toujours cette même cécité qui fait croire au Président, depuis 2000 curieusement, que l'argent peut freiner l'élan populaire, alors que lorsqu'il prenait le pouvoir en 2000, il n'avait pas un rond dans la poche.

 

La cécité présidentielle explique toute sa surprise de se voir huer, dans son propre bureau de vote, alors qu'il se croyait au sommet de son monument de la Renaissance. Le traumatisme est grand, mais le pouvoir fonctionne ainsi qu'il rend aveugle et qu'on ne retrouve la lucidité que bien trop tard. C'est pourquoi il faudra encadrer le Président, aujourd'hui plus qu'hier. Car il est prouvé que son entourage, à quelques rares exceptions, n'a pas assez de cran, pour lui dire la vérité et toute la vérité. Ce même entourage, pour son intérêt exclusif et égoïste, pourrait même mener Me Wade à la catastrophe si l'on n'y prend pas garde.

 

MAMOUDOU WANE

Section: