Publié le 1 Oct 2013 - 12:00
GESTION DE L’EAU

 L'Etat, vache laitière pour les fermiers

 

 

Alors que les tarifs de l'eau en zone urbaine sont jugés encore trop élevés, le Trésor public participe à l'engraissement des opérateurs du secteur grâce à des prix unitaires au mètre cube artificiellement relevés à partir de 2006. Une sorte de subvention qui ne dit pas son nom ?

 

De manière plus ou moins scientifique, une certaine vérité avait fini de s'imposer dans le secteur de l'eau au Sénégal. Elle stipulait que dans ce domaine vital pour notre pays – les événements actuels qui durent depuis presque trois semaines en attestent – l'atteinte d'un équilibre financier était devenue indispensable. Ce qui explique que, entre 1999 et 2003, les prix du liquide dit précieux ont augmenté en moyenne de 3% par an. Cela veut dire que pendant quatre ans, ce sont les consommateurs qui ont renfloué le secteur pour arriver à la résorption du gap financier accumulé par le secteur.

Ces éléments d'informations, même s'ils sont disponibles ailleurs, ont été compilés dans le document intitulé «Gouvernance dans la fourniture des services d'eau potable au Sénégal : cartographie des déficits de transparence et d'intégrité», une production du Forum civil du Sénégal et de Transparency international.

Cependant, un fait se révèle à travers ledit document qui prend une dimension importante au regard des prestations attendues des «maîtres» du secteur de l'eau dans notre pays. C'est la «subvention» par laquelle l'Autorité affermante, c'est-à-dire l'Etat (SONES) concourt à satisfaire l'appétit du fermier, en l'occurrence la Sénégalaise des eaux (SDE).

Le procédé est simple, il repose sur une surfacturation de la consommation d'eau par l'administration d'Etat, et il est en vigueur (sauf changement intervenu) depuis sept ans. «Ainsi, à partir de 2006, le tarif de l'administration a connu d'abord une augmentation de près de 62% au 1er septembre 2008 (…) puis une autre de 56% (…) au début de l'année 2009, un an seulement», indique le document du Forum civil. Dans le premier cas, le prix du mètre cube d'eau est passé de 788 francs Cfa à 1277 francs Cfa ; ensuite, ce tarif a bondi à 1996 francs Cfa.

A la calculette, cette générosité jugée inexplicable de l'Etat en faveur d'un commerçant qui gagne par ailleurs beaucoup d'argent, est plus que salée pour le Trésor public. Elle a été chiffrée à la somme d'environ 5,7 milliards de francs Cfa pour l'année 2009, soit «près de 19% du chiffre d'affaires du secteur», lit-on dans le document cité plus haut.

«Cette situation constitue un des risques majeurs du secteur car l'Etat supporte à lui seul une charge financière trop importante estimée à près de 7 milliards de francs Cfa par an.» Si l'on considère que la facture de l'Etat avoisine 10% «de l'ensemble des volumes d'eau distribués par la SDE», on aboutit à la conclusion que «l'équilibre financier du secteur dépend en bonne partie de cette facture de l'administration», note l'étude en question. De manière officieuse, on explique cette situation : «une des hypothèses avancées pour expliquer cet état de fait est l'augmentation du prix de l'énergie qui contribue à faire croître le coût de production de l'eau». Et pour y remédier, «l'Etat a mis en place au niveau du ministère des Finances une cellule de rationalisation des consommations de l'administration chargée de proposer des solutions qui prennent en compte la vérité des prix».

Globalement, il semble donc que «l'équilibre financier du secteur» soit en jeu, et «il peut s'écrouler à tout moment» car «l'Etat supporte tout seul le coût de l'exploitation du système en acceptant de (payer) le déficit lié surtout à la flambée des prix des produits pétroliers», explique-t-on.

 

 

 

 

 

 

 

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