Publié le 28 Jan 2016 - 19:20
INDICE DE PERCEPTION DE LA CORRUPTION EN 2015

Le Sénégal toujours dans la zone rouge

 

Le rapport mondial de l’Indice de perception de la corruption pour l’année 2015 est disponible depuis hier. Selon le document, le Sénégal fait une légère progression, mais reste encore dans le tableau des pays mal classés.  

 

La corruption est toujours latente au Sénégal. Le pays n’est pas encore sorti de l’ornière. Dans le dernier classement de l’Indice de perception de la corruption (IPC) rendu public hier par le Forum civil, section sénégalaise de Transparency international, le pays pointe toujours dans la zone rouge. Il occupe la 61ème place mondiale sur un total de 168 pays, avec un score de 44 sur 100. Comparée au résultat de 2014, il a progressé d’un point. Mais ce score reste assez bas, puisqu’il n’atteint pas la moyenne qui est de 50/100. Au niveau africain, le Sénégal se classe à la 8ème position sur 46 pays, soit deux places grignotées par rapport à l’année dernière. A signaler que les pays maghrébins sont comptabilisés dans la zone Moyen-Orient.

Les raisons de ce léger mieux

Selon le Forum civil, ce résultat est obtenu, grâce au renforcement du dispositif de prévention et de lutte contre la corruption effectué par le régime de Macky Sall, depuis son accession à la magistrature suprême. Pour Birahime Seck, membre du Forum civil, la création du ministère de la Promotion de la Bonne gouvernance, l’adoption du Code de transparence, la loi portant déclaration de patrimoine, la création de l’Ofnac, le démarrage de la traque des biens mal acquis sont les facteurs décisifs qui ont permis cette évolution dans le classement. Aussi, pour lui, la mise œuvre des stratégies du Forum Civil, depuis 2004, a aidé le Sénégal à mieux lutter contre le phénomène. D’où, en partie, dit-il la progression notée cette année. ‘’Le forum civil a en effet fortement contribué au renforcement du dispositif prévention et de lutte contre la corruption mais aussi de sensibilisation des populations’’, a-t-il expliqué.

‘’L’affaire Lamine Diack peut avoir des incidences sur le prochain classement du Sénégal’’

Toutefois, il invite les autorités à redoubler d’efforts pour améliorer le classement du pays l’année prochaine. Selon M. Seck, le Sénégal risque de perdre des places en 2016, à cause de certains évènements récents non intégrés dans le rapport de cette année. Cette précaution vise, d’après lui, à éviter de fausser les résultats. ‘’Les résultats de l’IPC ne prennent pas en considération les conséquences de l’affaire Lamine Diack et les audits sur les marchés publics des années 2013-2014 qui correspondent aux années de gestion de l’actuel Président’’, a-t-il indiqué, en insistant sur le respect du principe de la présomption d’innocence. M. Seck d’avertir: ‘’Si des mesures énergiques ne sont pas prises pour redresser cette situation, ces éléments pourraient affecter le classement du Sénégal pour les prochaines éditions de l’IPC’’.

Dans le même ordre d’idées, le Forum civil réclame la révision du code électoral en attendant, d’après ses responsables, l’adoption d’une loi sur le financement des partis politiques. Ceci vise, selon eux, à permettre le contrôle des dépenses électorales, à cause de la gravité des révélations faites par l’ancien président de l’IAAF. D’ailleurs, ils pensent que la déclaration de patrimoine devait être exigée à tous les candidats, au moins six mois avant les élections.  

Pour sortir ainsi de la zone rouge, le Forum civil donne des recommandations. Il propose donc la mise en œuvre d’un plan concerté sur les cinq années à venir. ‘’Celui-ci doit être négocié entre le secteur privé, l’Exécutif, le Parlement, la Justice, l’Ofnac et la société civile et les médias’’, a-t-il fait savoir. Ce plan doit, selon lui, compléter le dispositif juridique de prévention et de lutte contre la corruption, la prévention des conflits d’intérêts, le financement des partis politiques, la protection des lanceurs d’alerte, etc. En plus, pour le Forum civil, ce plan doit travailler aussi à changer le comportement des acteurs de la corruption pour plus d’intégrité. Et ceci notamment en mettant en œuvre des programmes d’éducation à la citoyenneté active.

En attendant la définition d’un tel plan, Birahime Seck et ses camardes appellent l’Ofnac à concentrer ses efforts dans la lutte contre la corruption dans l’administration publique. Pour cause, soutiennent-ils, les moyens financiers de la structure sont limités. ‘’L’Ofnac doit travailler à plus de synergie et de partage des responsabilités avec des acteurs de la société civile, surtout pour prendre en charge le volet sensibilisation, mobilisation des citoyens et la recherche dans la lutte contre la corruption’’, a ajouté Birahim Seck.

‘’Il faut poursuivre la traque des biens mal acquis’’

Sur un autre registre, le Forum civil exige la poursuite de la procédure de répression de l’enrichissement illicite. ‘’La liste des 25 personnes, initialement citées par le procureur spécial doit être vidée’’, a-t-il réclamé. A ses yeux, il est temps de mettre fin à l’impunité. Par ailleurs, Birahime Seck plaide pour le renforcement des pouvoirs juridiques de l’Ofnac afin de lui permettre de mener des investigations et de déclencher les procédures nécessaires. L’organisation de la société civile recommande également à l’Etat de mener, à travers ses différents organes de contrôle, des audits sur les projets et ouvrages importants ayant un impact considérable sur les finances publiques du pays. Dans ce sens, le Forum civil cite, entre autres, les autoroutes Thiès-Touba et Dakar-Diamniadio, le pôle industriel de Diamniadio, le building administratif, la Cité de l’émergence, le Centre international de Diamniadio, l’attribution du Port de Bargny et les concessions de Necotrans.

L’indice de perception de la corruption est publié chaque année par Transparency international, depuis 1995. Il vise à aider les pays à combattre plus efficacement le phénomène de la corruption. Son calcul se fait sur la base de plusieurs sources de données collectées sur une période d’un an et provenant des institutions professionnelles. Dans ce classement, le chiffre zéro correspond au plus haut niveau de corruption perçu dans un pays donné ; et cent concorde au plus bas niveau. Le Danemark occupe la première place pour la deuxième année consécutive, la Corée du Nord et la Somalie ferment la marque, avec 8 points chacune.

BIRAHIME SECK SUR LA REMISE FISCALE

‘’Amadou Bâ doit répondre devant le juge’’

Le Forum civil n’est pas satisfait de la remise fiscale accordée par le ministre de l’Economie et des Finances à certaines sociétés implantées au Sénégal. Birahime Seck, un des responsables de la section sénégalaise de Transparency international, l’a fait savoir hier, lors de la publication du rapport de l’Indice de perception de la corruption (IPC) de 2015. ‘’Amadou Bâ doit répondre devant le juge pour se prononcer sur les dérogations octroyées.’’

Selon lui, la loi ne lui permet pas de prendre des tels actes. Pour lui, la somme importe peu, ‘’même si c’est une dérogation de 11 milliards de francs CFA’’, a insisté le spécialiste de droit public. A ses yeux, l’article 706 du code général des impôts est d’ailleurs anticonstitutionnel. Car, d’après lui, il entre en contradiction avec la disposition 107 de la Constitution. Celle-ci, soutient-il, confère au recruté administratif un pouvoir sur la modalité de recouvrement des impôts, la réglementation de l’assiette ou du taux. 

MAMADOU DIALLO

 

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