Publié le 19 Nov 2012 - 04:30
LA MICROFINANCE AU SÉNÉGAL

Une alternative crédible

 

 

Le secteur de la microfinance au Sénégal a connu une forte expansion ces 10 dernières années. Le nombre de clients a atteint au 31 décembre 2011, 1 624 3191 dont 44% de femmes soit un taux de pénétration de la population totale de 13% contre 6% pour les banques. Les dépôts sont passés entre 2010 et 2011 de 151,46 à 159,18 milliards FCFA dont 42 milliards FCFA mobilisés par la clientèle féminine soit près de 26,3%. Une forte augmentation de l’encours de crédit est notée (+15%) qui passe de 177 à 204 milliards FCFA, la part des femmes se chiffrant à 74,2 milliards FCFA, soit 36% du total. Un nombre de 375 619 emprunteurs actifs dont 52% de femmes se partagent cet encours soit un crédit moyen par emprunteur de 544 648 FCFA. Ces performances ainsi réalisées place le Sénégal au premier rang des pays de l’UEMOA avec 20%2 des clients, 27% des dépôts et 34% des crédits. Elles sont fort appréciables en terme de croissance et de portée et constituent à n’en pas douter, pour une industrie en phase de professionnalisation, des acquis indéniables qu’il faudra consolider et améliorer malgré les contraintes. Un pas important vers l’amélioration de l’accès aux services financiers est ainsi franchi mais il reste à aller résolument vers la construction d’un secteur financier inclusif qui nécessite l’apport des IMFs, de l’Etat, des autorités de tutelle et des PTF. En effet, La finance inclusive constitue le nouveau paradigme de la microfinance par rapport auquel les vrais spécialistes doivent orienter leurs réflexions afin de définir les axes stratégiques pertinents et les plans opérationnels qui pourront donner corps aux objectifs légitimes de l’accès du plus grand nombre aux services financiers( épargne, crédit, micro assurance, transfert). En effet, La lettre de politique sectorielle de la microfinance au Sénégal, les objectifs du millénaire pour le développement et les principes clés de la microfinance élaborés par le CGAP et adoptés par le G8 en 2004 à Sea Island élèvent la question de l’accès au rang de priorité. Par contre, ces principes mettent en garde contre le plafonnement des taux car il rend difficile l’accès des populations au crédit. Le rôle de la finance de proximité dans la promotion de l’inclusion financière est crucial car la microfinance grace à ses outils, ses produits et méthodologies spécifiques est mieux à même de servir le maximum de personnes possibles dans le long terme. En revanche, il faut accepter que l’atteinte de cet objectif a un coût certain. Dans cette perspective, les SFD au Sénégal participent résolument à la promotion de l’accès par :

 

La mise en place de réseaux de distribution de proximité sur toute l’étendue du territoire surtout dans les zones communément appelées les « déserts bancaires ». Un réseau dense à l’échelle du pays implique inévitablement des coûts de possession élevés. Il est plus couteux de produire et de suivre une multitude de prêts de faibles montants que quelques prêts importants.

 

L’aménagement de guichets et d’agences qui inspirent confiance, confortables et sécurisés (collecte de l’épargne, transfert d’argent)

La déconcentration des pouvoirs du siège au niveau des délégations régionales pour maintenir le contact avec les opérations

 

L’approvisionnement permanent des points de services en liquidités. Ce qui pose dans de tels réseaux de véritables problèmes de sécurité (CMS, ACEP et PAMECAS totalisent environ 350 points de services)

 

La mise en place d’un pool d’inspecteurs et de formateurs pour une surveillance permanente des opérations afin de maîtriser le risque opérationnel. Les SFD n’ayant pas accès aux moyens ni au système de paiement (sica, star) sont obligés de manipuler du cash de façon excessive. Ce qui accroit d’autant la fraude.

 

L’acquisition et la maintenance d’un SIG et d’une infrastructure réseau qui permettent une centralisation des données face à l’exigence de transmission périodique des informations aux autorités de supervision et de réglementation et une meilleure gestion des risques.

 

Le développement de nouveaux produits financiers adaptés aux besoins des populations et notamment des segments les plus pauvres (warrantage, crédit de campagne etc.). Par contre la diversification des produits et des revenus est limitée par l’article 4 de la loi qui restreint nos activités au prêt, à l’épargne et aux engagements par signature.

 

Le recrutement d’un personnel de qualité, formé, motivé et équipé (les grands réseaux ont récemment subi une vaste opération de débauchage de leur personnel par les banques). En effet, la mise en œuvre du nouveau dispositif légal, réglementaire et prudentiel (la loi 2008-47 et son décret, les nouvelles instructions de la BCEAO qui imposent un reporting plus détaillé et plus rapproché, le nouveau référentiel comptable des SFD) exige un niveau de compétence élevé du personnel.

 

La levée d’importantes ressources financières pour financer la croissance. En effet, Le coût des ressources est assez prohibitif face à une législation qui ne permet pas l’accès des SFD au marché interbancaire ni au refinancement de la BCEAO. Le seul recours demeure la levée de fonds auprès des banques commerciales et de certains bailleurs/investisseurs internationaux au taux moyen de 8 à 12%. Au 31 décembre 2011, les engagements des SFD auprès des banques et autres structures de refinancement s’élèvent à 33 milliards3 FCFA. De plus le nouveau CGI a prévu la taxation de ces refinancements et des DAT ce qui renchérit d’autant le coût des ressources.

 

La collecte de l’épargne qui généralement est à court terme avec des coûts de collecte très élevés (micro dépôts). De plus, sa transformation est restreinte par le ratio prudentiel sur la couverture des emplois à moyen et long terme par des ressources stables.

 

A la lumière de ce qui précède nous convenons que l’accès durable aux services financiers du plus grand nombre a un coût que seul des SFD dotés d’une autosuffisance financière hors subvention permettra de réaliser. Or, dans un contexte de limitation des activités des SFD, les revenus d’intérêt issus des prêts représentent en moyenne 80 à 95% des produits d’exploitation. Par conséquent, le niveau de rentabilité est fortement tributaire du rendement du portefeuille de prêts. Devant l’exigence d’une norme de capitalisation minimum de 15% fixée par la BCEAO, une IMCEC pour respecter ce ratio n’a d’autre moyen que de maintenir une rentabilité à long terme permettant d’atteindre le niveau de fonds propres requis afin de respecter l’essentiel des ratios prudentiels qui, pour la plupart sont assis sur les fonds propres. Ces obligations ne sauraient être atteintes avec des taux d’intérêt qui ne prennent pas en compte la structure réelle des coûts d’intermédiation évoqués plus haut. De plus, l’obligation faite aux SFD d’adhérer et de cotiser à un système de garantie des dépôts, la mise en place d’un fonds de sécurité ou de solidarité pour notamment venir en aide aux caisses affiliées dont les fonds propres sont en dessous de la norme de capitalisation justifient la nécessité pour les autorités monétaires de fixer un taux d’usure réaliste.

 

À suivre...

 

Souleymane SARR

Economiste- spécialiste en Microfinance

Formateur certifié CGAP

Sarrjules2002@yahoo.fr

 

 

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