Publié le 16 Feb 2021 - 22:56
MANIFS DU 8 FÉVRIER - CONDITIONS DE DÉTENTION

Le Frapp exige la fin des violences policières

 

Les jeunes interpellés lors des manifestations du 8 février dernier ont dénoncé, hier, des actes de torture dont ils ont été victimes. Le Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricain attire également l’attention du chef de l’Etat sur des propos ethnicistes des forces de l’ordre.

 

Des coups, de la torture et de l’humiliation... Tels sont les faits endurés par les 20 manifestants arrêtés le lundi 8 février et libérés vendredi dernier. En conférence de presse hier, certains parmi eux ont tenu à raconter leur calvaire. ‘’On a vécu l’enfer, ces derniers jours. Nous avons été torturés au point qu’on se demande si réellement nous étions au Sénégal. On ne pouvait pas imaginer que de tels actes existent dans ce pays. Nous avons reçu toutes sortes de coups étant dans le véhicule de police. On n’avait même pas le droit d’uriner. Si le besoin se fait pressant, on est obligé de chercher un sachet afin de nous soulager’’, témoigne El Hadj Ndour.

Il poursuit : ‘’Nous n’avions pas pour intention d’affronter la police. Nous étions chez Sonko pour le soutenir. Les agents de la police ne doivent pas oublier que ceux qu’ils arrêtent ont des droits et que ce sont des êtres humains. Nous sommes des jeunes ayant l’âge de leurs frères ou de leurs enfants.’’

 Les blessés, ce jour-là, se sont vu refuser l’accès à des soins. Certains policiers sont accusés de vol de portables, précisément au commissariat de Dieuppeul. ‘’ A la police centrale, c’était pire. Ils nous ont demandé de nous déshabiller et de nous coucher sur les carreaux. Aujourd’hui, beaucoup parmi nous sont couchés à l’hôpital du fait de ces coups, d’autres sont inactifs, alités chez eux. Nous ne sommes pas des criminels, encore moins des personnes qui ont créé une association de malfaiteurs’’, déclare pour sa part Adama Diassy.

Dans ce lot des 20 interpellés, on compte des maçons et des citoyens qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment. Face à ces actes condamnés par la loi, le Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricain (Frapp) alerte l’opinion publique nationale et internationale. ‘’Le jour des faits, explique Guy Marius Sagna, ces jeunes ont été pris en étau par les policiers. Pour échapper aux bombes lacrymogènes, certains ont dû escalader des clôtures. Ils ont été violemment bastonnés par les éléments de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) de la police lors de leur arrestation. Leurs éléments ont été cruels. Ces jeunes ont été frappés, d’autres ont reçu des coups de poing américains dans le véhicule blindé de la Bip. Nous dénonçons ces violences sur des présumés coupables’’. Aux actes de torture, s’ajoutent les conditions pénibles de détention. ‘’On les a entassés dans la cellule la plus exiguë du commissariat central. Dans une seule bouteille se trouvant sur la terrasse du bâtiment, tous les interpellés devaient y uriner. Pour d’autres besoins, il fallait attendre jusqu’au soir’’, ajoute l’activiste.

Par ailleurs, l’un de ces jeunes, Mohamed Ndoye, était isolé chaque jour entre 2 h et 3 h du matin. Emmené sur la terrasse, les agents de police se seraient attelés à lui assener des coups dans ses parties intimes. ‘’Le Sénégal a ratifié certains accords contre la torture. Et ce qui est grave, c’est que ces actes se déroulent dans le commissariat central de Dakar qui est censé piloter les autres commissariats. Ces violences policières ne nous font pas peur. Nous continuerons à défendre la République, car ce qui est en jeu c’est notre liberté’’, s’insurge Guy Marius Sagna. Il estime que la liste des victimes des violences policières est déjà longue : Elimane Touré, Pape Sarr, Seck Ndiaye, Abdoulaye Timera, Adja Ndiaye (Dakaractu).  D’ailleurs, des lettres de protestation seront déposées dans les prochains jours au commissariat central de Dakar et au commissariat de Dieuppeul.

Une manipulation des sentiments ethniques dénoncée

Toutefois, un autre aspect plutôt sensible inquiète le Frapp. En effet, le volet ethnique s’est mêlé au processus judiciaire. ‘’Nous disons non à la manipulation des sentiments religieux et ethniques, car c’est un aspect très sensible qui risque d’embraser le Sénégal, à l’image de la Côte d’Ivoire ou du Rwanda. Une fois au commissariat, les agents ont demandé aux interpellés : ‘Vous êtes de quelle ethnie ? Vous êtes diolas ?’ Si l’un d’eux répond oui, on lui sert : ‘Vous êtes cuit’ ou ‘Vous nous ramenez trente ans en arrière, lors des événements de Casamance.’ Par de tels actes, les institutions se discréditent elles-mêmes.’’

De l’avis de l’activiste, ces interrogations aux allures de stigmatisations n’ont aucune place au commissariat. Le Frapp attire, de ce fait, l’attention du président Macky Sall sur ce qu’il considère être une matière inflammable.

 En outre, le mouvement citoyen affirme que les véhicules blindés de la police ont détruit certaines voitures de particuliers, tandis que les bombes lacrymogènes en ont incendié d’autres. Le régime s’est lancé, selon Guy Marius Sagna, dans une chasse à l’homme qui devrait être dirigée contre ‘’les corrompus’’.

Pour l’heure, le Frapp exige la libération des 19 personnes emprisonnées au Cap Manuel et des huit autres à Ziguinchor.

EMMANUELLA MARAME FAYE

 

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