Publié le 20 Mar 2024 - 20:31
PARRICIDE – MEURTRE DE SERIGNE ABDOU AZIZ SY DJAMIL

Son fils encourt la perpétuité

 

Veuve, la dame Ndèye Ngoné Guèye n’espère qu’une chose : voir son fils libre. Ce dernier est accusé d’avoir tué son père. Il a été jugé hier, devant la barre de la Chambre criminelle du tribunal de Dakar. La victime, Serigne Abdou Aziz Sy Djamil, était un marabout.

 

Le 11 janvier 2021, les éléments de la Sûreté urbaine sont informés de la mort d’un homme à Dakar-Plateau. Lorsqu’ils arrivent sur les lieux, ils découvrent que la victime est un religieux qui répond au nom de Serigne Abdou Aziz Sy Djamil. Un couteau et une épée maculés de sang se trouvent à côté du corps.

Dès les premières heures de l’enquête, l’auteur de ce crime est connu. Il s’agit du fils du défunt, El Hadj Malick Sy. Celui-ci, renseigne sa mère Ndèye Ngoné Guèye, est sujet à des hallucinations. Les premiers symptômes sont apparus, quelques années plus tôt. D’ailleurs, dit-on, il a été interné au centre hospitalier de Fann pour un suivi médical en psychiatrie.

Selon la dame Ndèye Ngoné Guèye, son défunt époux devait remettre à son fils 30 mille francs CFA pour qu’il achète un filtre à eau pour son appartement. Le jour des faits, elle a confié aux enquêteurs avoir entendu son fils crier et tout casser, pour des raisons qu’elle ignore. Sortie pour s’enquérir de la situation, elle a découvert son mari gisant dans son sang.

Selon le certificat médical, la victime est morte à la suite d’une plaie thoracique antérieure et postérieure avec perforation pulmonaire gauche et hémorragie d'une grande abondance. Il a été poignardé à deux reprises par arme blanche.

Quand les enquêteurs se sont rendus chez le suspect, en l’occurrence El Hadj Malick Sy, ils ont découvert dans son appartement un casque couvert de sang. Interrogé, le mis en cause a révélé qu'il ne voulait pas le tuer, mais juste régler le problème d'eau dont il était confronté dans son appartement. Qu’il est allé chez son père pour lui dire qu'il était marginalisé dans la famille.

Mais d’après lui, son père a brandi une épée. Et lui, pour se défendre, a sorti un couteau. Il a ajouté à l’attention des enquêteurs qu'il était lucide, au moment des faits.

Devant le juge d’instruction, il n’a pas varié dans ses déclarations. Il a réitéré devant le magistrat instructeur que son père est décédé à la suite de leur bagarre. Il a avoué l’avoir poignardé. Toutefois, il a ajouté qu’il n’avait pas l’intention de lui donner la mort.

Inculpé de parricide, El Hadj Malick Sy a été placé sous mandat de dépôt, le 19 janvier 2021.

‘’Au moment des faits, ses facultés mentales étaient altérées’’

Après trois ans de détention préventive, il a été appelé, hier, devant la barre de la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar. D’emblée, le juge lui a demandé : ‘’Vous savez ce que c'est le parricide ?’’ El Hadj Malick Sy de lui répondre : ‘’C'est le fait de tuer son père.’’ ‘’C'est ce que vous avez fait ?’’, l’a interrogé le magistrat. ‘’Oui, c'est ce que j'ai fait’’, a déclaré l’accusé.

Après ses aveux, il a tenu à justifier son acte. Selon lui, il a été victime de harcèlement. À l’en croire, la vie l’a rendu nerveux. Même s’il reconnaît qu’il suit un traitement psychiatrique, il a précisé qu’au moment des faits, il était lucide. Mais il a précisé qu’il n’avait pas pris ses médicaments. Et si le certificat médical de son défunt père fait état de deux coups de couteau, le comparant a soutenu avoir asséné un seul coup à celui-ci.

Entendue, Ndèye Ngoné Guèye a confirmé la maladie de son fils. ‘’On peut retenir qu'il ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales’’, a-t-elle dit à l'un des avocats de son fils.

Devant le juge d’instruction, la dame avait raconté que, le jour des faits, son fils s'était présenté chez eux et était entré en force. Elle avait poursuivi qu’il avait cassé la télé avec son casque de moto. ‘’Il a demandé après son père, avant de foncer dans la chambre conjugale. Il a frappé son père qui n'a pas réagi. Ce, avant de me frapper’’, avait-elle dit.

Hier, elle a nié catégoriquement avoir tenu de tels propos à la barre.

En sa qualité de témoin, le docteur Abdou Sy, qui suit l’accusé, a soutenu que le rapport d’expertise de celui-ci qu’il a lui-même établi fait état d’une altération de son discernement. ‘’Il souffre d'une pathologie mentale chronique et qui nécessitait un suivi. Quand il prend ses médicaments, il est lucide, mais quand il ne le fait pas, il a une altération de ses facultés mentales. Au moment des faits, ses facultés mentales étaient altérées’’, a renseigné le Dr Sy.

Selon lui, son patient a été examiné le 15 avril, bien après les faits.

Le parquet requiert la réclusion criminelle à perpétuité ou à défaut l’internement de l’accusé

À la suite des débats, le maître des poursuites a requis la réclusion criminelle à perpétuité contre El Hadj Malick Sy. Selon le substitut du procureur de la République, même s’il n’y a pas eu d’autopsie, le certificat médical révèle que c’est une arme blanche tranchante qui a perforé son thorax et l'omoplate. ‘’Il se pourrait qu'il y ait un seul coup qui a transpercé l'omoplate. Mais il reconnaît lui avoir donné un seul coup de couteau. C'est le coup qu'il lui a asséné qui est l'origine de sa mort’’, a relevé le représentant du ministère public.

Sur l’état de démence de l’accusé, il a déclaré : ‘’Rien ne nous dit, dans le dossier, qu'il était en état de démence au moment des faits ou qu'il n'avait pas pris ses médicaments. Son état de démence, au moment des faits, n'est pas posé avec certitude. Et le médecin a semblé remettre en cause une partie de ce rapport médical qu'il a établi. L'accusé ne semble pas développer de remords. Dans cette affaire, on sent quelqu'un qui parle de manière intelligible. Il se réfugie derrière l'existence d'une pathologie mentale chronique pour se soustraire à sa responsabilité pénale.’’

Ainsi, il a demandé au tribunal, à défaut de condamner l’accusé à perpétuité, d’ordonner son internement à l'hôpital Fann ou Thiaroye. Ce qui serait une mesure salutaire pour éviter que ces faits se reproduisent, selon le représentant du parquet.

Les avocats de la défense, qui ont évoqué la démence de leur client, ont sollicité une application bienveillante de la loi pénale.

Selon eux, la place de leur client n’est pas à la prison. Ils estiment que le confier à une structure sanitaire est la meilleure solution pour lui.

La chambre, qui a mis l’affaire en délibéré, rendra sa décision le 16 avril.

MAGUETTE NDAO

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