Publié le 7 Apr 2020 - 23:32
PRISE EN CHARGE DES FACTURES D’EAU ET D’ÉLECTRICITÉ

Les mises au point du gouvernement

 

Après le Président Macky Sall qui a donné le ton vendredi dernier, veille de la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance du Sénégal, Mouhamadou Makhtar Cissé, ministre du Pétrole et des Énergies, et Serigne Mbaye Thiam, ministre de l’Eau et de l’Assainissement, sont montés, hier, au front, pour dévoiler les détails du plan de sauvetage des ménages sénégalais, économiquement éprouvés par la pandémie de Covid-19.

 

C’était déjà un casse-tête, en temps normal. Ça l’est davantage, en ces temps de crise économique mondiale, causée par la pandémie de Covid-19. Depuis 2008, rarement les indicateurs économiques n’ont aussi été en berne. Malgré une baisse drastique des recettes projetée, l’Etat du Sénégal ne compte pas laisser les ménages à eux-mêmes. Comme annoncé par le chef de l’Etat, lors de son adresse à la nation, dans le cadre de la célébration de l’indépendance, le gouvernement va mettre 15,5 milliards de F CFA au titre de la prise en charge des factures d’électricité ; plus de 6 milliards de F CFA pour les factures d’eau. Soit un montant global de plus de 18 milliards détaillé, hier, par les ministres en charge desdits secteurs.

Il ressort de la conférence de presse conjointe du ministre du Pétrole et des Énergies et de son homologue en charge de l’Eau et de l’Assainissement que le gouvernement a tout fait pour soulager le maximum de consommateurs possible. Mais qui sont concernés par ces prises en charge ?

En ce qui concerne l’électricité, l’Etat, si l’on en croit le ministre de tutelle, a ratissé large, en allant au-delà des seuls clients de la tranche sociale (plus de 600 000). ‘’Tous les clients qui sont dans les 1re et 2e tranches (jusqu’à 250 kWh) sont concernés par cette mesure. En tout, c’est 975 522 clients au lieu des plus de 600 000 qui relèvent de la tranche sociale. La Senelec va revenir plus amplement sur les détails’’.

D’après le ministre Cissé, ces prises en charge vont profiter à ‘’506 203 clients post paiement’’ et ‘’469 319 pré paiement (Woyofal)’’. Ces derniers vont disposer d’un code qui leur permet de créditer leur compte. Et de préciser : ‘’La mesure est d’application immédiate. Ceux dont les factures arrivent à échéance ce mois d’avril ne paieront pas le montant pris en charge par l’Etat.’’

Une enveloppe de plus de 6 milliards pour l’eau

Pour ce qui est de l’eau, plus de 6 milliards de F CFA ont été prévus pour aller à la rescousse des populations. Selon les estimations de l’Etat, 3,300 milliards de F CFA vont revenir au monde rural et 3 milliards pour les urbains. Revenant sur les détails de cette prise en charge, le ministre Serigne Mbaye Thiam renseigne : ‘’Cette mesure concerne la tranche sociale de tous les clients. Pour les clients qui vont dépasser les 20 m3 de la tranche sociale, l’équivalent de 20 m3 sera déduit du montant à payer.’’ D’après lui, le montant, objet de la prise en charge, sera indiqué sur les factures, pour faciliter la lecture aux consommateurs.

Pour plus de clarté, le ministre explique que le système de paiement au niveau de Sen-Eau consiste à diviser les clients en deux secteurs. Les clients du premier secteur, dont les factures arrivent à échéance le 15 avril, verront sur leur facture le montant pris en charge par l’Etat. ‘’Pour le secteur 2, les compteurs vont être relevés à partir du mardi 7 avril 2020. Ils vont recevoir les factures à partir du mois de mai pour payer vers le 15 juin au plus tard. Pour ces clients, le montant de l’avoir correspondant à 20 m3, va figurer sur leurs factures de juin’’, précise Serigne Mbaye Thiam pour exclure toute idée de remboursement de facture déjà payée.

Mais à quel montant correspond une consommation de 20 m3 ? Le ministre n’a pas répondu à cette question. Mais il ressort de ses explications que le prix moyen du m3 coûte 500 F CFA. Si on fait le calcul, cela équivaudrait à 10 000 F CFA.

Pour ce qui est de la facture d’électricité, le ministre du Plan et de l’Économie avait déjà avancé un seuil de 15 000 F CFA pour la prise en charge. Cela veut dire que pour les clients qui se trouvent dans les 1re et 2e tranches, la prise en charge ne peut dépasser le montant sus-indiqué. Quant aux clients relevant de la 3e tranche, ils n’ont droit à aucune subvention.

Monde rural, une bonne formule à trouver

Par ailleurs, les ruraux qui ne relèvent pas du circuit de la Sen-Eau ont aussi été pris en compte. Si le montant est budgétisé, la mise en œuvre pose toujours problème aux services de Serigne Mbaye Thiam. Deux alternatives ont ainsi été envisagées. D’une part, l’Etat avait réfléchi sur une méthode consistant à prendre en charge le carburant des forages.

Mais, estime le ministre, cette méthode a été finalement abandonnée, parce que ne garantissant pas des conditions objectives et transparentes de la prise en charge. ‘’Finalement, nous nous sommes dit qu’en milieu rural, le plus important, pour la population, c’est surtout la disponibilité de l’eau. C’est pourquoi nous avons opté à investir cet argent dans les branchements sociaux ; pour étendre le réseau et réparer les forages en panne. Mais le président de la République nous a demandé de rester ouverts pour voir, avec les concernés, la meilleure formule’’.

Interpellé sur les coupures d’eau dans certaines zones, le ministre de l’Énergie répond que cela est dû, d’une part, à un déficit structurel, d’autre part, à la position géographique de certains quartiers. En attendant la livraison de projets structurants comme KM3 et l’usine de dessalement, l’Etat, informe-t-il, pour faire face à l’urgence, avait instruit la Sones et Sen-Eau de se réunir et de proposer un plan d’urgence. ‘’Ce plan d’urgence a été défini et validé le 12 mars dernier ; il est en cours d’exécution. Ainsi, il y a des travaux en cours qui vont permettre d’injecter, à terme 47 000 m3 d’eau supplémentaires par jour. Ce qui permettra d’atténuer ces difficultés’’.

TRÉSORERIE DES ENTREPRISES

Les ministres rassurent

Saluées par les ménages, ces mesures prises par le gouvernement vont, à coup sûr, impacter la trésorerie des entreprises en charge de la distribution de l’eau et de l’électricité. Les ministres constatent et rassurent.

Tandis que le ministre Serigne Mbaye Thiam tente de rassurer que les mesures prises par l’Etat sont ‘’neutres’’, son homologue, Mouhamadou M. Cissé, constate : ‘’Cela aura forcément un impact budgétaire extrêmement lourd.’’ C’était pour répondre à tous ces Sénégalais qui réclament une baisse des prix de l’électricité. A l’en croire, ‘’il serait irresponsable de prendre des dispositions précipitées qui pourraient impacter négativement les projets et programmes de l’Etat dans le futur’’.

En effet, même si l’horloge économique mondiale est en ce moment déréglée par la Covid-19, les fondamentaux qui régissent le fonctionnement de l’Etat subsistent, tient-il à rappeler. ‘’Ce n’est pas parce que nous sommes en période de crise que tous les instruments de l’Etat sont mis entre parenthèses. Malgré la difficulté, nous sommes obligés de respecter un certain nombre de fondamentaux, dont la gestion budgétaire qui permet d’exécuter notre politique’’, explique le ministre qui promet des ajustements pour prendre en charge toutes ces dépenses qui sont en train d’être faites.

En outre, la situation de la Senelec préoccupe aussi certains observateurs qui craignent une dégradation de la situation financière de l’entreprise. Mais le ministre rassure en prétendant que le président de la République ne prendrait jamais de mesures qui pourraient remettre en cause la viabilité du secteur. La ‘’Senelec appartient à 100 % à l’Etat du Sénégal et à son démembrement la CDC. L’Etat a donc tout intérêt à la rendre performante. Il faut aussi savoir que la Senelec est aussi une contribuable comme les autres entreprises. On ne le dit pas assez, mais rien que pour 2018, la Senelec a payé 65 milliards de F CFA de droits et taxes. Parce que n’étant pas soumise à un régime particulier d’exonération’’.

Avec cette nouvelle mesure, l’Etat va devoir à la société nationale 15,5 milliards qui vont s’ajouter aux 140 milliards de dette déjà existante. Ce dernier montant est constitué des factures de certains démembrements de l’Etat dont les collectivités territoriales, certains établissements publics comme les universités et les hôpitaux. ‘’C’est ce qui rend parfois les choses difficiles pour la Senelec. S’y ajoute que l’entreprise est confrontée à des difficultés de trésorerie dues notamment au post paiement de la majeure partie de ses usagers’’.

Ainsi, les experts conviennent que des jours sombres se profilent pour l’économie mondiale, celle des pays en développement en particulier. Les autorités sénégalaises semblent en mesurer toutes les conséquences, si l’on en croit les ministres en charge de l’Eau et des Énergies. Raison pour laquelle, pour le moment, toute idée de prolongement de cette prise en charge des factures au-delà d’un bimestre n’est pas d’actualité. Ne maîtrisant ni l’ampleur de la crise ni son impact sur l’économie, encore moins sa durée, l’Etat se la joue prudent. Monsieur Cissé : ‘’Une prolongation n’est pas envisageable, pour le moment.

Déjà, il y a plein de défis, notamment avec tous ces secteurs en difficulté dont le pavillon national (Air Sénégal) à l’arrêt depuis un mois, les réceptifs hôteliers qui sont aussi désertés, les restaurants, la culture la presse… ‘’Nous ne pouvons donc, dans ces conditions, envisager l’avenir sans des indicateurs plus précis’’. L’objectif du gouvernement, estime-t-il, était surtout de mettre en place un garrot pour aider les ménages, soutenir les entreprises à survivre. ‘’On espère que la crise ne perdure pas. Il n’est pas envisageable que l’Etat continue à supporter les factures d’eau et d’électricité. Nous espérons que c’est provisoire, parce que la Senelec et Sen-Eau ont besoin de ces ressources pour continuer à être performantes et à satisfaire les populations’’, a-t-il insisté.


APPROVISIONNEMENT DU PAYS EN PRODUITS PÉTROLIERS

La Sar tourne, malgré des difficultés qui peuvent être passagères

Dans ce contexte de pandémie mondiale, certains s’inquiètent également sur le ravitaillement du pays en produits pétroliers. D’aucuns ont même eu à avancer que la Société africaine de raffinage (Sar) est déjà confrontée à des difficultés à ce niveau. Mais le ministre botte en touche et rassure.

‘’En tant que ministre en charge de l’Énergie, je n’ai pas eu connaissance de difficultés particulières d’approvisionnement de la Sar. Maintenant, il arrive que la société rencontre des difficultés passagères relatives notamment au retard dans le déchargement de certaines cargaisons. Mais cela n’impacte pas l’approvisionnement du pays. Au moment où je vous parle, il y a une cargaison qui est en train de décharger. Le stock, au niveau du pays, rend la situation confortable’’. Ainsi, même s’il n’écarte pas de difficultés futures dans ce contexte plein d’incertitudes, il estime que jusque-là, il n’y a pas péril.

MOR AMAR

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