Publié le 21 Dec 2015 - 00:04
RÉVÉLATION DU JOURNAL LE MONDE

Les contre-allégations des mis en cause

 

Suite à la révélation du journal Le Monde faisant état d’une déclaration de Lamine Diack affirmant avoir financé la campagne de Macky Sall, l’ancien président de l’IAAF a fait une sortie hier sur les ondes de la Rfm pour démentir de telles allégations. De leur côté, les responsables de l’Alliance pour la République (Apr) n’ont pas tardé à réagir. Aminata Touré, Seydou Guèye, El Hadji Kassé, etc. ont tous dégagé en touche, non sans préciser que le quotidien français n’a jamais cité Lamine Diack accusant le leader de l’Alliance pour la république.

 

Cela a fait l’effet d’un coup de tonnerre comme l’avait prédit le journal Le Monde qui en a fait la révélation. Selon le quotidien français, le Sénégalais Lamine Diack, ancien président de l’IAAF, a déclaré devant les enquêteurs qu’il a financé la campagne du candidat Macky Sall à l’élection présidentielle de 2012. Un financement qui viendrait de Moscou. La réaction ne s’est pas fait attendre du côté du concerné comme du pouvoir. Lamine Diack nie avoir contribué financièrement à la campagne de l’actuel président de la République. ‘’Je n’ai financé la campagne de personne, à plus forte raison le Président Macky Sall. Demandez à Macky Sall. Je ne l’ai vu qu’après sa victoire’’, a déclaré hier l’ex-président de l’IAAF sur les ondes de la RFM au micro de Alassane Samba Diop.

D’après l’ancien maire de Dakar, Macky Sall est venu lui proposer d’être candidat de transition pour la présidentielle de 2012. Mais il a posé une condition comme quoi l’opposition devait trouver un consensus sur ce point. Par contre, s’il s’agissait d’être un candidat de plus parmi 14 à 15 autres, il n’est pas preneur. Depuis cet entretien, ajoute-t-il, il n’a eu de contact avec Macky Sall qu’à l’issue de la présidentielle. Cependant, l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale ne nie pas avoir aidé l’opposition et des jeunes pour faire tomber le régime de Me Wade. ‘’Il fallait donc s’organiser pour que tous les citoyens puissent se mobiliser et faire en sorte qu’ils adhèrent à cela aux élections de 2009. Et se préparer ensuite aux élections de 2012. Il y avait 14 candidats aux élections présidentielles de 2012, il y avait la société civile et tous ces jeunes qui étaient mobilisés pour s’activer aux assises. J’ai fait du mieux que j’ai pu pour qu’ils puissent s’exprimer’’, relève-t-il.

Autre réaction, celle de l’ancienne Première ministre. Aminata Touré qui était la directrice de campagne ne s’est pas fait solliciter pour donner sa version. ‘’Comme ancienne directrice de cabinet du candidat Macky Sall, j'étais au cœur de l'organisation de la campagne électorale de l’élection présidentielle de 2012 et  je tiens à dire que le candidat Macky Sall n'a pas  reçu un seul kopeck de Monsieur Lamine Diack qui, il faut le rappeler, appartenait à une coalition concurrente au premier tour de l'élection présidentielle de 2012’’, fait-elle remarquer. L’envoyée spéciale du président de la République renchérit : ‘’Je suis formelle et catégorique : la Coalition Macky 2012 qui a porté la candidature du Président Macky Sall n'a reçu aucun soutien  financier ni matériel de Lamine Diack, ni en 2012 pour l’élection présidentielle, ni en 2014 pour les élections locales où il n'a pas non plus soutenu la coalition Benno Bokk Yaakaar dirigé par le Président  Macky Sall.’’

L’Alliance pour la République (Apr) a également sorti un communiqué pour soutenir la même thèse. ‘’Monsieur Lamine Diack n’a pas financé la campagne du candidat Macky Sall en 2012, ni directement ni indirectement. Il n’a jamais été question, dans l’article cité en référence, de propos de Monsieur Lamine Diack mettant en cause le Président Macky Sall’’, souligne-t-on.

Cette position est également celle du ministre chargé de la communication de la présidence. El Hadji Kassé, interrogé par EnQuête, s’en remet à sa version publiée dans le même article. ‘’Notre réaction, c’est ce que vous avez lu dans l’article. Et si vous avez vu l’article du Monde, il n’a jamais cité le président Lamine Diack mettant en cause le Président Macky Sall. C’est pourquoi nous n’avons pas compris le tollé. Et Lamine Diack lui-même dit qu’il n’a financé qui que ce soit, a fortiori le Président Macky Sall’’. Dans l’article en question, l’ancien patron du journal Le Soleil disait ceci : ‘’Nous n’avons reçu aucun financement de M. Lamine Diack et a fortiori de la Russie. Notre campagne, nous l’avons financée à partir de nos propres ressources, de nos militants. Nous n’avons pas mené une campagne à l’Américaine, tous les Sénégalais peuvent en témoigner.’’

Seydou Guèye : ‘’Ce qui fait honte, c’est d’apprendre qu’une illustre personnalité du Sénégal…’’

Porte-parole du gouvernement, Seydou Guèye a aussi servi le même argument. ‘’Le Monde dit que c’est un coup de tonnerre. Moi je dis que ce sera une tempête dans un verre d’eau. M. Lamine Diack n’a jamais financé la campagne du Président Macky Sall, puisque nous n’avons pas mené une campagne d’argent.  Nous n’avons pas financé notre campagne sur ce mode et on n’a jamais accepté d’avoir de l’argent mal acquis’’. D’après le ministre délégué auprès du Premier ministre, ce qui fait honte par contre, c’est d’apprendre qu’une illustre personnalité du Sénégal, en l’occurrence le président Lamine Diack, avouer avoir été au cœur de scandale de corruption et de blanchiment d’argent. Il rappelle qu’à l’époque, Lamine Diack était d’abord candidat. Et sa présence dans les quartiers et sur les réseaux sociaux était manifeste. ‘’Il a financé ses propres jeunes peut-être, en tant que candidat potentiel. Et tout le monde connaît la famille politique de Lamine Diack’’, rappelle-t-il.

Membre de l’équipe de communication de la Présidence, Mamadou Thiam a aussi apporté sa pierre à l’édifice défense. ‘’Nulle part, dans l’article du Monde, il n’est écrit que le Président Diack aurait affirmé avoir financé en particulier, un candidat. (…) Je ne comprends donc pas la tentative consistant à verser dans l’amalgame et à faire dire au journal Le Monde ainsi qu’au Président Lamine Diack ce qu’ils n’ont pas dit’’, s’offusque-t-il. Il faut préciser cependant que le journal le Monde a bel et bien cité Macky Sall. Le quotidien a publié deux articles sur son site. Si dans l’un, il n’est mentionné le nom d’aucun candidat comme ayant bénéficié de financement, dans l’autre par contre, le quotidien mentionne explicitement le nom de Macky Sall.

Abdoulaye Willane  (Porte-parole du Ps)

‘’Il est loisible à un bénéficiaire de dire qu’il n’en jamais reçu’’

 ‘’Au-delà de l’émotion et de l’événementiel, il faut que la classe politique réfléchisse à l’assainissement des mœurs politiques. Bien avant 2000, mon parti a toujours souhaité qu’on organise le financement des partis, qu’on organise et qu’on plafonne les dépenses de campagne. Mais apparemment, nous sommes les seuls à y croire. Les relations entre les hommes d’affaires, les forces muettes et les hommes politiques ont toujours été délicates pour ne pas dire bizarres sous tous les cieux.

Au Sénégal, il semble qu’il y ait des hommes politiques différents, parfois de camps opposés et qui ont les mêmes amis dans le monde entrepreneurial des hommes d’affaires. Que n’a-t-on pas vu comme largesse d’hommes d’affaires en direction des chefs religieux, d’artistes, d’hommes politiques, d’ONG, d’associations de jeunes et même de ‘’navétanes’’. Si les présents, les yobbël, les jaxal, les ndawtal, les hadiyas et autres ziars (des présents qui portent différents nom en fonction des circonstances et destinataires) ont un sens, nous devons aborder cette question avec hauteur et grandeur.

Ce que je sais, c’est que depuis 2000 que je siège au bureau politique, jamais mon parti n’a sollicité de quelque homme d’affaires que ce soit, quelque pays que ce soit, pour financer ses campagnes. C’est ce qui fait que le Ps qui a gouverné le pays pendant 40 ans soit le parti le moins fortuné. Notre rapport à l’argent est un rapport empreint d’éthique. Mon point de vue est que c’est très délicat, bizarre et quelquefois gênant, parce qu’il est loisible à un bénéficiaire de dire qu’il n’en a jamais reçu. Mais c’est un problème que les gens peuvent avoir avec leur morale ou leur conscience. Je n’en sais rien. Je ne confirme, ni n’infirme.’’

BABACAR WILLANE

 

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