Publié le 5 May 2020 - 22:21
RECITAL DU ‘’FOULKOUL MASHOUNE’’ A DIOURBEL

La Covid-19 impose le huis clos 

 

Le récital quotidien du ‘’Foulkoul Mashoune’’ pendant le ramadan, marque de fabrique de la région de Diourbel, a connu des changements, cette année. Le khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, a invité les fidèles à rester chez eux, pour éviter la propagation de la maladie du coronavirus dans le Baol.

 

Les séances quotidiennes de récital du ‘’Foulkoul Mashoune’’ (recueil de ‘’khassaides’’ de Serigne Touba) de 2020 ne se déroulent pas comme à l'accoutumée. La progression de la pandémie de Covid-19 au Sénégal est passée par là. Ainsi, l’édition 2020 se déroule à huit clos. La décision a été prise par Serigne Fallou Mbacké Bassirou, sur instruction de son frère Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, Khalife général des mourides. Ce dernier a pris la mesure dans le souci de se conformer à l’interdiction des rassemblements par le président de la République.

Les fidèles, qui venaient de la ville de Diourbel et des villages environnants, sont invités à suivre le rituel chez eux. Ils se contentent donc de la retransmission en direct par les sites d’information et des radios communautaires de la région. Seuls les trois préposés à la lecture (Mountakha Guèye, Abdoulaye Diakhoumpa et Khadim Gadiaga) sont autorisés à accéder à la salle où se déroule le rituel. Une partie de la presse est aussi accréditée pour les besoins de la retransmission en direct.

Babacar Fall, membre du comité d’organisation, renseigne que la limitation n’épargne pas les médias. D’après lui, seuls deux organes de presse sont accrédités.  ‘’Il n’y a que la radio RTS de Diourbel et le site ‘itikhama.com’ qui sont autorisés à accéder à la salle. Les autres radios et sites d’information sont invités à prendre le signal des deux médias accrédités pour diffuser les sons et les images. Le mois de ramadan rime avec plusieurs actes de dévotion comme des séances d’exégèse du Saint Coran, conférences religieuses… dans les autres villes. Diourbel, elle, se particularise par son ‘’Foulkoul’’.

La lecture du ‘’Foulkoul Mashoune’’ se déroule à la résidence Keur Gou Mack (maison de Serigne Touba à Diourbel) située en face de la grande mosquée de Médinatoul. Ce rituel se tient quotidiennement entre 17 h 30 et 19 h, tout au long du mois de ramadan. La présence au récital du ‘’Foulkoul Mashoun’’ était une aubaine, pour les fidèles, de bénéficier des bienfaits et d’éviter de se livrer à des actes inutiles. Mais le huis clos ne freine pas l’ardeur de certains d’entre eux. C’est en tout cas l’avis de Mamadou Sow. ‘’Nous serons rétribués au même titre que les années précédentes, parce que nous avons un empêchement. Ce qui est important aussi, c’est l’intention et nous l’avons dans nos cœurs’’, insiste-t-il.

Une tradition conservée par Serigne Bassirou et ses héritiers

Cette pratique se perpétue, depuis plusieurs décennies, sous la houlette de la famille de Serigne Bassirou Mbacké (1895-1966). Ce dernier l’avait initiée en 1946, après la disparition du premier khalife général des mourides, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké (1945). Son objectif était de ressusciter une tradition que son père avait instaurée durant son séjour à Kër Gou Mack (1914-1927).  La lecture du ‘’Foulkoul Mashoune’’ n’a pas été poursuivie après la disparition de Serigne Touba en 1927. Serigne Bassirou, aidé par Serigne Mouhamadou Lamine Diop Dagana, a rassemblé des écrits de son père pour en faire un recueil. Il confia alors à Serigne Mouhamadou Lamine Diop Dagana la lecture quotidienne avec des extraits différents chaque jour. L’événement est dirigé depuis 2018 par Serigne Fallou Bassirou Mbacké. Cette tâche lui est dévolue par Serigne Mountakha Mbacké, empêché par ses nouvelles fonctions de khalife général des mourides.

Selon Mountakha Guèye, les bienfaits de cette œuvre écrite par Cheikh Ahmadou Bamba sont inestimables. ‘’Assister à la prière du ‘Foulkoul’, pendant le mois de ramadan, procure la longévité. Il a aussi d’autres bienfaits, parce qu’il efface les péchés et éloigne de l’enfer’’. D’après lui, Serigne Touba disait dans ses écrits : ‘’Lorsque le ‘Foulkoul’ est lu, les portes de l’enfer sont fermées à jamais à ceux qui ont effectué la déclamation et ceux qui ont écouté religieusement jusqu’à son terme. Le paradis sera leur demeure. De plus, ils seront élevés au rang des grands saints et auront la miséricorde et la même considération que les valeureux qui ont consacré leur vie à l’adoration et au Jihad.’’

Référence à la pirogue du Prophète Noé 

D’après l’historien Baye Mbaye Nguirane, Serigne Moustapha Bassirou, le fils aîné de Serigne Bassirou Mbacké, a perpétué cette tradition de 1966 à 2007, à la suite du rappel à Dieu de son père. Il avait confié la lecture à Tafsir Diop et à Makhtar Diop, deux fils de Serigne Mamadou Lamine Diop Dagana, Abdou Guèye Nguirane et Serigne Moussa Thioune. Mais Serigne Abdou Lahat Mbacké lui avait ordonné, en 1976, d’y ajouter un recueil de ‘’khassaides’’ qu’il avait rassemblés. L’innovation consistait à procéder à deux récitations durant les 29 jours du mois de ramadan : une première partie consacrée au ‘’Foulkoul Mashoune’’ et une seconde réservée à ‘’Khourania’’ (recueil de poèmes dans lequel Cheikh Ahmadou Bamba fait l’éloge de certains versets coraniques).  

Aujourd’hui, Abdoulaye Diakhoumpa et Khadim Gadiaga récitent le ‘’Foulkoul’’. Mountakha Guèye se charge de la lecture de la seconde partie. Le ‘’Foulkoul’’, jusqu’ici spécificité de la ville de Diourbel, a été élargi à Kaolack, à Porokhane et à Thiès par Serigne Moustapha Mbacké qui leur a donné le ‘’ndiguel’’ (autorisation). Serigne Mountakha Bassirou Mbacké a pris le relais en 2007. Il a présidé le ‘’Foulkoul’’ de 2008 à 2017, avant de confier la tâche à son frère Serigne Fallou Bassirou.  L’islamologue ajoute aussi que le ‘’Foulkoul Mashoune’’ relate l’histoire du Prophète Mouhamed (PSL) et de ses prédécesseurs, en s’inspirant de la pirogue fabriquée par le Prophète Noé pour sauver les croyants qui avaient répondu à son appel, après 950 ans.  

OUMAR BAYO BA

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