Publié le 31 Dec 2012 - 02:25
SOIN DE RHUMATISME

 L’hôpital après les écorces, les feuilles et autres racines

 

Beaucoup de personnes font de l’automédication et ont recours aux écorces, racines et autres feuilles d’arbres pour soulager leur rhumatisme, avant d’aller voir le médecin. Sur les traces d’un patient...

 

 

C’est un fait constant, les patients s’attachent exclusivement les services d’un médecin après avoir fait, sans succès, le tour des tradi-praticiens ou des charlatans. C’est le cas de Ndèye – appelons-là ainsi - la soixantaine, qui échoue en désespoir de cause au service de rhumatologie de l’hôpital Aristide Le Dantec, pour voir le professeur Saïdou Diallo, agrégé de rhumatologie.

 

Pourtant, cette grand-mère au teint noir d’ébène présente les signes de la pathologie depuis 1986. Se disant atteinte de ''doxum citi'' (en Wolof, une affection qu'on on estime curable de façon traditionnelle), elle a ingurgité une quantité de décoctions d’écorces d’arbre, de feuilles et de racines, pour soulager sa douleur. Cela malgré l’automédication qu’elle pratique de temps à autre, car sa dernière consultation remonte à 2004. ''Je renouvelle un médicament qui s’appelle Airtel qu’on m’avait prescrit en 2004. Cela soulageait toujours mes douleurs articulaires. Mais cette fois-ci, j’ai mal partout dans mon corps et les médicaments n’ont plus d’effets'', se lamente la dame. Et sur les conseils d’une connaissance, elle débarque en rhumatologie pour faire une visite en bonne et due forme. Elle est accompagnée par sa fille qui l’aide à supporter son corps avec ses deux pieds boitillant, même si elle estime que c’est au pied gauche qu’elle a plus mal.

 

''En réalité, j’ai eu un coup de froid ces jours-ci et la douleur est tellement aiguë que je ne sais plus exactement la région affectée. C’est comme si c’est tout le corps qui est atteint'', explique Ndèye. ''Un coup de froid ajouté au vent peut provoquer une baisse brutale de la température corporelle sur les zones dénudées (tête, cou, gorge, voies respiratoires hautes ou sinus, poumons, ventre, entre autres) et déclencher une série de troubles. Ces troubles sont dus à la constriction des micro-vaisseaux capillaires qui diminuent l'apport sanguin aux muscles. Le muscle privé d'oxygène se contracture, s'enflamme et devient dur et douloureux'', établit une source médicale.

 

Devant la porte du professeur Saïdou Diallo, une autre dame, la quarantaine, accompagnée de sa fille de 19 ans, attendent leur tour pour exposer leur problème au médecin. Sage-femme de son état, elle s’y connaît en médecine, mais reste traumatisée par les douleurs internes qu’elle ressent aux pieds depuis quelques temps. ''J’ai les pieds qui enflent, je suis tout le temps couchée et au lit je suis obligée de les soulever pour me soulager, car au moindre geste, cela provoque des brûlures internes. Je suis revenue voir le professeur pour l’interprétation des résultats des examens. J’en ai profité pour emmener ma fille qui ne supporte pas du tout le froid'', relate la dame. Pendant ce temps, le Pr. Diallo est occupé à recevoir des étudiants de médecine, puisque ce n’était pas son jour de consultation externe.

 

Écoulement

 

Spécialiste de rhumatologie, Saïdou Diallo fournit une explication de cette pathologie aux manifestations complexes. Le terme « rhumatisme » renvoie aux maladies de l’appareil locomoteur ''qui contient les articulations (structures de jonction qui unissent le cartilage, les os, la capsule), mais aussi les tendons, les muscles. En pratique, les rhumatismes sont individualisés en deux catégories : les rhumatismes inflammatoires tels que le rhumatisme articulaire aigu qui affecte surtout les enfants âgés de 8 à 15 ans, la polyarthrite rhumatoïde qui s'attaque surtout à la femme âgée de 20 et 30 ans, la goutte qui se voit essentiellement chez l’homme de plus de 40 ans, la spondylarthrite ankylosante qui frappe particulièrement le jeune homme de 20 à 30 ans, les tumeurs osseuses plus fréquentes chez le sujet d'âge avancé, ainsi que les ostéo-arthrites infectieuses (bactériennes, parasitaires, virales et mycosiques) qui peuvent se voir à tout âge.

 

La liste n’est pas, bien sûr, exhaustive'', informe le professeur Diallo. Quant aux rhumatismes dégénératifs, ils s’opposent à ceux inflammatoires et résultent de la dégénérescence confondue habituellement avec le vieillissement. ''Les exemples sont : pour l’articulation, l’arthrose qui intéresse essentiellement le rachis (lombaire et cervical), le genou (gonarthrose), la hanche (coxarthrose), le doigts (l’arthrose d’Héberden, de Bouchard et la rhizarthrose) ; pour l’os (l’ostéoporose) ; pour le tendon (les tendinopathies) et pour le muscle (la sarcopénie)'', renseigne l'agrégé en rhumatologie. Outre l’appareil locomoteur, les rhumatismes, en fonction de leurs causes, peuvent intéresser les structures extra-articulaires telles que la peau et les muqueuses, les viscères (cœur, poumons, rein, le tube digestif, les systèmes hématologique, nerveux, endocrinien et métabolique)'', poursuit-il.

 

Quel que soit le rhumatisme, celui-ci se manifeste, au plan clinique, d’abord par la douleur qui représente le maître-symptôme. ''D’ailleurs, le terme de rhumatisme renvoie au caractère de la douleur. Rhume signifie écoulement. Quand on est enrhumé, on coule du nez. C’est parce que les malades souffrant de rhumatismes décrivent leurs douleurs comme un écoulement douloureux dans le corps que le terme de rhumatisme a été consacré à la description de ces pathologies'', fait savoir le spécialiste en rhumatologie.

 

La douleur est de type inflammatoire (dans les rhumatismes inflammatoires) ou mécanique (dans les rhumatismes dégénératifs). La douleur de type inflammatoire survient essentiellement la nuit, ''d’une manière spontanée, source alors d’insomnie, jusqu’au matin où elle est remplacée au niveau de l’articulation atteinte par un endolorissement qui s’estompe au fur et à mesure des activités quotidiennes. Le temps entre le réveil et la disparition de cette raideur est appelée dérouillage matinal'', note le Pr. Diallo. Parmi les mécanismes explicatifs du caractère nocturne de la douleur, figure la formation de cryoprécipités : ''Certaines substances inflammatoires se comportent comme des cristaux de glace, au fur et à mesure que la température de la terre se refroidit. Refroidissement qui atteint son sommet dans la deuxième moitié de la nuit. Au réveil, au fur et à mesure que la terre se réchauffe avec le lever du soleil, ces cryoprécipités disparaissent, avec cliniquement une disparition ou atténuation de la douleur et raideur des articulations atteintes'', dit Saïdou Diallo.

 

Voilà pourquoi, précise-t-il, ''l'expression de cette pathologie est plus aiguë pendant le froid''. En dehors de la douleur, les patients se plaignent souvent aussi de ''raideur des articulations atteintes, de troubles de la fonction des articulations atteintes (impotence fonctionnelle ou perte des capacités aux mouvements, relative ou absolue : cela explique la nature invalidante ou handicapante des rhumatismes)'', soutient-il. La pratique régulière d’une activité sportive permet de prévenir les rhumatismes.

 

Pierre Birahim DIOH

 

 

 

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