Publié le 16 Jan 2015 - 15:26
SOUVENIRS DE CAN - ROGER MENDY…..RACONTE SENEGAL 1992

‘’J’avais l’impression qu’on avait déshonoré le football sénégalais’’

 

Comme son idole l’allemand Franz Beckenbauer,  Roger en vrai ‘’Kaiser’’ de la défense des Lions pendant plus d’une décennie (1977-1993) aura marqué de son empreinte le poste de Libero. Après 16 ans de carrière (1979-1995), en Europe et en Arabie Saoudite, ce quinquagénaire dont le talent luit au bout de ses crampons revient sans détour sur la Can 1992 et l’élimination en quarts de finale contre le Cameroun. Cette compétition  qui devait être la ‘’der’’ de la génération dorée de 1986, pris fin à la 89ème minute sous un coup du poignard  prénommé ‘’Ebongué’’. Ainsi, pour l’ancien de la Jeanne d’Arc, cette édition sera marquée à jamais sous le sceau du déshonneur de ne pas avoir pu répondre aux espoirs de toute une nation qui espérait la coupe.

 

Par Mamadou Makhfouse Ngom

‘’Sur le plan humain, je dois avouer que cette Can était très sympathique. Je retrouvais les copains pour vivre une nouvelle aventure qui de surcroît se déroulait chez nous. Mais, sur le plan sportif, je n’en retiens pas grand-chose, seulement l’immense déception qui m’a habité pendant un long moment. La preuve, j’ai attendu 18 ans avant de remettre les pieds au Sénégal. Encore qu’aujourd’hui, j’éprouve de l’amertume et des  regrets au souvenir de cette campagne de 1992 parce que nous n’avions même pas atteint les demi-finales. Sincèrement, j’avais l’impression qu’on avait déshonoré le football sénégalais, en ratant notre tournoi. En outre, on n’a pas su répondre aux attentes du peuple qui voulait qu’on remporte la première coupe d’Afrique de son  histoire.

 ‘’Cet immense espoir de triomphe, d’une certaine manière, a nui à l’équipe’’

L’objectif fixé au  début du tournoi était  de remporter la coupe chez nous. Et le peuple qui nous a suivis, depuis notre exploit en 1986, espérait nous voir consacrer dans cette 18ème coupe d’Afrique. Les gens voulaient tellement que notre génération ramène la coupe. Je pense que cet immense espoir de triomphe, d’une certaine manière, a nui à l’équipe qui n’a pu la digérer.

 ‘’La réussite d’une sélection passe par le succès d’un savant dosage entre vieux grognards et jeunes loups’’

A première vue, tous les voyants étaient au vert. L’encadrement et l’équipe étaient arrivés à maturité. Le groupe était composé de vétérans de Caire 86  (Cheikh Seck, Omar Guèye Sène, Jules François Bocandé…) et on jouait à domicile, en plus de nos expériences acquises dans les clubs européens. À mon avis, on s’est trop appuyés sur notre génération qui certes avait de l’expérience, mais beaucoup avaient aussi dépassé la trentaine.

Et laissant de côté de  jeunes joueurs comme Moussa Ndao, Victor Diagne ou Moussa Badiane qui auraient sans doute apporté cette fraîcheur et cette vitalité qui  manquaient à notre jeu. La réussite d’une sélection passe par le succès d’un savant dosage entre vieux grognards et jeunes loups qui ont à cran de prouver leur valeur. Et je crois, ce fut l’erreur du staff technique dirigé par Claude le Roy. Durant cette Can, j’ai senti le poids de mes 32 hivernages; à un moment donné, je n’en pouvais plus à force de multiplier les actions défensives et les duels.

 ‘’Le but d’Ebongué à la 89ème minute’’

Je ne dirais pas qu’on était favoris pour remporter la Coupe. On avait une chance de jouer à domicile, espérant compter sur le public pour qu’il nous porte durant la compétition. Par malheur, notre campagne débute par un revers contre le Nigeria (1-2), en match d’ouverture  de la Can au stade de l’Amitié. On a dû sonner la révolte contre le Kenya avec une victoire probante (3-0), pour assurer notre ticket en quarts de finale. Mais je pense qu’il y avait  tellement de pression que l’on a fini par déjouer contre le Cameroun en quarts de finale.  Le but d’Ebongué à la 89ème minute (1-0) sonnait le glas de nos rêves de sacre.

 ‘’Et contrairement à ce que les gens pensent, jouer à domicile n’est pas toujours un avantage’’

Concernant le public sénégalais, je crois qu’il a joué son rôle. Par contre, nous n’avons pas su être à la hauteur de l’événement. Et, contrairement à ce que les gens pensent, jouer à domicile n’est pas toujours un avantage. Les joueurs peuvent être inhibés par cette pression, surtout devant un public aussi exigeant qu’est le nôtre et qui peut rapidement se retourner contre vous, si le spectacle n’est pas au rendez-vous. Conséquence : vous avez des acteurs qui entrent sur le terrain avec la peur au ventre. Ce qui n’est jamais bon pour un footballeur.

 ‘’On aimait bien  se préparer dans cette ambiance un peu festive’’ 

La préparation pour cette Can fut comme une bénédiction, parce que nous aimions bien la faire à domicile. Cela afin de mieux sentir la passion et la ferveur de nos supporteurs, qui étaient source de motivation pour nous. En outre,  On aimait bien se préparer dans cette ambiance un peu festive où on pouvait côtoyer les amis et la famille.

 ‘’Il ne faut être ni trop exigeant, ni trop chauvin avec l’équipe nationale puisque cela risque d’étouffer les joueurs’’

Cette expérience doit servir pour une prochaine compétition à domicile. Il ne faut être ni trop exigeant, ni trop chauvin avec l’équipe nationale puisque cela risque d’étouffer les joueurs. Il faut savoir le niveau de ton équipe et l’aider à rentrer dans la compétition. Mais surtout privilégier la performance, car au football ce ne sont pas les noms qui jouent mais des athlètes. Car sur le terrain, les stars et les simples joueurs sont logés à la même enseigne. Si tu n’es pas prêt pour le combat de 90 minutes, le jeu va se charger de vous le faire payer.

 ‘’On est passés complètement à côté de notre  Can’’

Personnellement, je ne peux pas dissocier mes prestations de la performance globale de l’équipe qui a été nulle, lors de cette épreuve. On est passés complètement à côté de notre  Can. Pour moi, le football est un sport collectif, où les performances individuelles n’ont de valeur que si elles s’expriment dans une représentation collective.

Par Mamadou Makhfouse Ngom

 

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