Publié le 12 Dec 2018 - 16:32
TRAFIC DE FAUX MEDICAMENTS A TOUBA ET A KEUR SERIGNE BI

Les pharmaciens dénoncent le manque de volonté politique de l’Etat

 

Les pharmaciens du Sénégal exigent la fermeture sans délai de tous les dépôts illégaux de Touba. La condamnation de Bara Sylla et d’Amadou Woury Diallo, dans l’affaire des faux médicaments de Touba Belel, ne les satisfait pas. Ils accusent l’Etat.

 

Dans l’affaire des faux médicaments saisis à Touba Belel, les pharmaciens ont un sentiment mitigé. S’ils sont contents d’avoir gagné une bataille - celle du jugement et la condamnation de deux personnes dans le verdict rendu le 4 décembre dernier - ils n’en demeurent pas moins frustrés que les véritables commanditaires n’aient pas été traqués et arrêtés. C’est pourquoi ils considèrent que la guerre est loin d’être terminée. En conférence de presse, hier, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens et le Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal ont félicité la gendarmerie qui a opéré la saisie et les juges qui ont dit le droit dans toute sa rigueur et sans complaisance.

Mais ils ne sont pas totalement satisfaits de l’enquête préliminaire. De l’avis du secrétaire général du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, Docteur Assane Diop, pour une saisie de cette ampleur, il est inconcevable qu’une seule personne ait été interpellée. ‘’Il y avait d’autres noms sur les colis. Une bonne enquête serait de faire une descente sur les lieux, des perquisitions... Mais il n’y en a pas eu chez Bara Sylla. L’enquête a donc connu des limites. Nous sommes prêts à faire appliquer la loi avec nos conseils, même si les prévenus veulent interjeter appel’’. 

Dans cette affaire, deux camions ont été interceptés par la brigade de gendarmerie de Touba Belel, le 11 novembre 2017, avec une forte cargaison de médicaments falsifiés dont la valeur est estimée à 1 335 000 000 F Cfa. Quelques jours après, l’un des présumés destinataires, Bara Sylla, et le convoyeur Amadou Woury Diallo ont été arrêtés. Le 4 décembre dernier, le tribunal de Diourbel a condamné Bara Sylla à 7 ans de prison ferme et Amadou Woury Diallo à 5 ans. Les prévenus doivent également payer une amende de 2 millions chacun. A titre de réparation, ils doivent également payer chacun la somme de 200 millions. Le juge a ordonné l’exécution provisoire du jugement. C’est-à-dire sans attendre l’expiration des délais de recours.

‘’Sur Touba, vous trouverez plus de 300 structures illégales’’

De ce fait, le docteur Assane Diop reconnait qu’une ‘’telle décision est une première’’. Mais le phénomène est tellement important et grave qu’ils considèrent que ce procès n’est que le début d’un long combat. Car il ne suffit pas, c’est la suite qui lui sera donnée et la constance dans la lutte qui revêtent une importance, à leurs yeux.  ‘’Nous sommes tous d’accord qu’à Touba et à Keur Serigne Bi, des personnes s’adonnent à l’exercice illégal de la pharmacie. Sur Touba, vous trouverez plus de 300 structures illégales. Nous pharmaciens, on ne peut courir derrière chaque trafiquant ou chaque personne qui se livre à cela’’, explique-t-il.

Le pharmacien de dénoncer, alors, un manque de volonté politique de l’Etat. Qui, poursuit-il, a le devoir d’assurer la sécurité des populations. ‘’Quand quelqu’un, au vu et au su de tout le monde, ouvre sa boutique, met une plaque ‘Pharmacie’ et vend de faux médicaments, c’est l’Etat qui doit sévir ; pas les pharmaciens. Il faut que l’Etat se décide à régler ce problème, comme c’est le cas dans d’autres pays. C’est un phénomène qui a des conséquences graves sur la santé des populations. Maintenant, qu’est-ce qui fait que les pouvoirs publics hésitent encore ou reviennent sur leur décision ?’’, se demande-t-il.

Fermeture sans délai de tous les dépôts illégaux de Touba

Sur ce, les pharmaciens exigent la fermeture, sans délai, de tous les dépôts illégaux de Touba qui constitue la plaque tournante de ce trafic, du fait de l’impunité qui y règne. Ils demandent également la fermeture des points de vente illicite de médicaments sur toute l’étendue du territoire sénégalais. ‘’A Touba, il se développe beaucoup de maladies à un rythme extraordinaire : des insuffisances rénales, cancers… Et les enquêtes montrent que ces personnes utilisent de faux médicaments. Il a été confirmé que la consommation de ces médicaments est à l’origine de ces pathologies. Maintenant, si l’Etat est prêt à continuer à traquer et à sanctionner les trafiquants, cela va être un signal fort’’, estime le docteur Assane Diop. Avant d’ajouter qu’aucune considération envers quelque lobby ou groupe de pression que ce soit ne doit retenir l’attention des institutions de la République et des autorités qui doivent protection aux populations sénégalaises.

En plus de la fermeture des dépôts illégaux et points de vente, l’Ordre des pharmaciens et le syndicat exigent de l’Etat la ratification de la convention Médicrine qui oblige les Etats signataires à ériger en infraction pénale la fabrication et le trafic de médicaments contrefaits. ‘’Le Sénégal a signé la convention, mais tarde à la ratifier. C’est ce que nous déplorons et demandons aux autorités de le faire.  Cela sera un moyen et un document juridique extrêmement important pour venir à bout de ce trafic de faux médicaments. Il ne sera désormais plus toléré que des médicaments frauduleux soient vendus dans ce pays. C’est une fraude mortifère qui tue des milliers d’individus’’, renseigne le pharmacien.

 

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