Publié le 31 Jan 2014 - 07:21
WALY DIOUF BODIANG, SG SYNDICAT AUTONOME DES AGENTS DES IMPÔTS ET DOMAINES (SAID)

‘’Cette mesure n’apporte presque rien aux populations et fait perdre à l’Etat des recettes’’

 

Pensez-vous que la baisse de l’impôt sur le loyer peut être un argument pour baisser davantage le coût du loyer au Sénégal ?

En théorie, on peut logiquement penser qu’en baissant la charge fiscale pesant sur le propriétaire, on peut l’amener à baisser le loyer. C’est l’un des arguments sous-jacents que l’on peut développer en faveur de la baisse généralisée de l’Impôt sur le Revenu opérée par la Loi 2012-31 du 31 décembre 2012. 

En pratique, je n’ai personnellement pas senti une baisse du coût des loyers, du seul fait de la réduction de l’Impôt sur le Revenu. Peut-être que l’analyse aurait été plus fine, si on avait eu un temps d’observation plus long du comportement des bailleurs.

Selon vous, le fait de réduire le revenu des bailleurs pour améliorer le vécu quotidien des locataires est-il une bonne politique sociale ?

Franchement, avec un peu de recul, on constate que cette loi vaut plus par sa médiatisation, les effets d’annonce politiciens, que par un impact réel sur la situation des populations. A y regarder de près, il n’y a aucun impact en terme économique. L’amélioration du pouvoir d’achat, ce n’est pas, concurremment, une augmentation de revenus pour certains et, dans la même proportion,  une baisse de revenus pour les autres.

En effet, les propriétaires, qui sont aussi des citoyens qui ressentent la cherté de la vie, vont perdre exactement un montant correspondant au cumul de toutes les baisses qui profitent aux locataires. Le propriétaire verra son pouvoir d’achat diminuer du montant de l’augmentation de celui de chacun de ses locataires. Du point de vue strict des locataires, c’est une bonne chose.

Mais le Sénégal n’étant pas une république de locataires, on doit aller plus loin dans l’appréciation de la mesure. On retrouve également dans notre population des bailleurs et surtout des gens qui habitent simplement chez eux. Qu’est-ce que ces derniers gagnent sur cette affaire ? Rien. Si on analyse globalement, on se rend compte que tout ce tintamarre ne nous fait pas avancer.

Il n’y a pas une augmentation du pouvoir d’achat, mais plutôt un «transfert de pouvoir d’achat». Le pouvoir d’achat des Sénégalais généralement pris reste inchangé. Avec cette loi, l’Etat lui-même va connaître une baisse de recettes qui viendra s’ajouter à celle qui découle de la réforme du code appliquée à partir de l’année 2013.

En réduisant les coûts du loyer, la nouvelle loi diminue la base de calcul de l’Impôt sur le revenu assis sur les revenus fonciers. Pour rappel, la réforme du Code général avait procédé à une cascade de baisses d’impôts qui ont participé à empêcher les services fiscaux d’atteindre leurs objectifs en 2013. Le fisc va encore une fois devoir se «débrouiller». En gros, cette mesure n’apporte presque rien aux populations et fait perdre à l’Etat des recettes.

Quelle serait la solution, selon vous, pour minorer les dégâts aussi bien chez les bailleurs que chez les locataires ?

Le pouvoir d’achat est une réalité économique qui fonctionne à un double niveau : l’augmentation du revenu et la baisse du coût de la vie. Sur ce point,  je crois qu’il n’y a rien de nouveau, dans la mesure où, on a commencé à réfléchir sur cette question sous le régime du Président Wade. La solution est dans la baisse réelle du coût de la vie comme promis (en partant des produits de grande consommation) et une politique d’emploi.

C’est ce qui peut soulager les populations. On ne doit pas donner l’impression d’agir. Il faut poser des actes de véritable rupture qui dépassent les exercices de communication auxquels on assiste. Bien entendu, on peut dire que la mesure est politiquement réussie. Il y a plus de «gagnants» que de «perdants», donc plus de potentiels électeurs favorables au pouvoir.

 Amadou NDIAYE

 

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