Publié le 2 Jun 2016 - 13:10
AGITATION D’UNE GRACE POUR HABRE

Me Assane Dioma Ndiaye recadre le ministre de la Justice

 

La sortie d’avant-hier du ministre de la Justice sur une possible grâce accordée à l’ex-président tchadien Hissein Habré n’est pas du goût du Président de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme, Me Assane Dioma Ndiaye, et des victimes.

 

Selon Me Assane Dioma Ndiaye, avocat des victimes dans l’affaire Hissein Habré, l’Etat doit « s’abstenir de tout acte à l’endroit du procès qui est toujours en cours ». Selon le Président de la ligue des droits de l’Homme, « la demande de  grâce qui a été évoquée par le ministre de la justice, Garde des Sceaux, n’a aucune mainmise sur ce procès ».

‘’Hissein Habré a été jugé au Sénégal. L’exécution de la décision de justice appartient à l’Etat du Sénégal. Dans l’exécution, il y a des voies d’aménagement des peines qui sont prévues. Celles-ci vont de la réduction de la sanction par la grâce à d’autres modes qui peuvent aussi utilisés. Dans ce cadre-là, la grâce peut être envisagée. L’amnistie se passe au Parlement. Je ne pense pas qu’une telle procédure puisse prospérer. Ce qui est certain, c’est que la grâce est ouverte’’, a dit avant-hier le ministre de la justice, Me Sidiki Kaba. Ces propos, selon Me Dioma Ndiaye, risquent aussi de raviver la suspicion de certains  Tchadiens qui n’ont pas totalement confiance au Sénégal dans cette affaire. L’avocat met en garde le Sénégal et soutient que ‘’les victimes n’hésiteraient pas à l’attaquer, s’il se hasardait à gracier Hissein Habré’’

Ainsi, l’avocat de la partie civile considère qu’il est mal venu de parler de grâce. « Le procès Hissein Habré est celui de l’Union Africaine, de l’Afrique et de l’humanité. C’est un tribunal ad hoc international. Le Sénégal n’est que le siège de ce tribunal qui a été inséré au sein des juridictions sénégalaises. Mais cela ne donne aucun droit au Sénégal d’interférer au niveau de ce procès. » Me Ndiaye souligne que cette affaire n’est pas une matière interne où le président de la République a les prérogatives d’accorder des grâces ou des remises de peine. « Nous sommes, précise-t-il, au niveau international où c’est des crimes contre l’humanité (crimes de guerre, de torture, de génocide) qui sont extrêmement graves et qui ne peuvent pas s’accommoder d’indulgence ou d’aménagement de peine. »

Se faisant le porte-parole des victimes, Me Ndiaye ajoute que celles-ci ‘’implorent le Sénégal à ne plus agiter ce débat’’. Que ‘’cette sortie brise l’espoir de toutes les victimes dont l’attente a été tellement longue et l’espoir tellement grand qu’on ne peut pas amoindrir l’avenir radieux qui est en train de se dessiner’’. Au-delà des victimes, l’avocat sénégalais considère qu’on ne saurait tacher l’important travail des juges des CAE. ‘’L’enjeu, poursuit-il, c’est que les CAE puissent justifier la légitimation du combat pour les Africains de juger leurs fils, en dehors de toute émotion et toute autre considération qui relèveraient d’une certaine valeur aujourd’hui surannée comme la compassion et le « kersa » qui font que l’Afrique ne s’est jamais départie de ses démons.’’ 

IBRAHIMA DACOSTA (DIOURBEL)

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