Publié le 7 Feb 2017 - 20:41
DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS DE LA SAPCO

Savana, l’infranchissable obstacle

 

La Sapco est censée être une société commerciale. Pourtant non seulement, elle ne fait pas de résultats, mais elle multiplie les dettes qui se creusent d’année en année. La racine du mal, les nombreux litiges avec le groupe Savana qui bloque ses comptes, freine le recouvrement des créances et la contraint à des gymnastiques bancaires trop coûteuses.

 

Au vu de tous les avantages accordés à la Société d’aménagement de la petite côte (Sapco) et aux importantes subventions, on s’attendait logiquement à ce que l’actuel directeur Bocar Ly et son équipe fassent des résultats. Il n’en est rien pourtant. La société vit non seulement de subventions, mais elle accumule les pertes du fait qu’elle est incapable de produire des ressources pour s’assurer une autonomie. De 1 milliard 316 millions en 2012, le chiffre d’affaires s’est écroulé à 52 millions en 2015. En 2013, la Sapco a accusé une perte de 810 millions ; en 2014, c’était 881 millions.

Les capitaux propres ont connu un déficit de 39 millions en 2013, contre 921 millions en 2014. De 1 milliard 081 millions de dettes à long et moyen termes en 2013, puis 1 milliard 55 millions en 2014, on est passé à  6 milliards 883 millions en 2015. Avec une dette  financière diverse de  5 567 748 000 francs CFA uniquement pour l’année 2015 dont on dit que le Conseil d’administration  ignore l’origine. Le  découvert bancaire est aussi passé de 47 millions en 2013 à 65 millions en 2015 en passant par 18 millions en 2014, ‘’avec des intérêts bancaires exorbitants’’.

En fait, tout cela peut s’expliquer par le litige qui oppose la Sapco a Savana. Dans un conflit (un  autre) opposant les deux entités, la Sapco est condamnée à payer 1 milliard 400 millions à son adversaire. Ce qui fait que ses comptes font l’objet d’un Avis à tiers  détenteur(ATD). En d’autres termes, l’entreprise française Savana à la possibilité de puiser ce qu’il y a dans les comptes de la Sapco. Afin d’éviter une telle saignée, la Société opte pour une gymnastique bancaire, par le biais d’un découvert spécial à la Société générale de Banques du Sénégal (SGBS). La procédure est peut-être ingénieuse et permet d’échapper à Savana, mais elle coûte chère, trop chère pour une entreprise qui utilise des fonds publics. Le rapport financier  du 2ème trimestre 2016 de la Sapco  le relève d’ailleurs. Elle indique que ‘’4 937 393 francs (ont été) payés face à une prévision de 875 000 francs CFA, soit 564,27% de taux d’exécution. Les frais de forçage ont coûté 1 515 000 francs CFA et 3 000 000 francs CFA de frais de dossiers pour découvert bancaire SGBS’’. En résumé, les dettes totales de la Sapco s’élèvent à 8 milliards 658 millions. Elle représente 12 fois le Capital social de l’entreprise qui est de 780  millions.

Pendant ce temps, la Société d’aménagement de la petite côte qui a des créances a du mal à les recouvrer. De 1 milliard 186 millions, elles ont évolué à deux milliards ou presque en 2014 et 2015.  Si à ces deux milliards de 2015 on ajoute le redressement  du Golf de Saly  à 2 558 494 725 francs CFA et de l’Institut Diambar pour 456 457 019 francs CFA, on se retrouve avec un total de 4 97 204 244 francs CFA de créances non recouvrées. Mais en réalité, la somme est même supérieure au montant indiqué. Car depuis avril 2012, avec l’Avis à tiers détenteur délivré par le Tribunal hors classe de Thiès ‘’tous les opérateurs touristiques qui devaient des loyers à la Sapco ont vu leurs comptes bancaires bloqués, sous peine de payer le dû à Savana’’. Et jusqu’ici, ‘’aucune comptabilité n’est tenue par les acteurs touristiques avec la Sapco pour évaluer le montant réel des sommes encaissées par Savana’’, indique-t-on.

550 millions à prendre sur le budget d’investissement

Ce problème de recouvrement plombe l’entreprise. Et la direction, pour faire face, utilise le budget d’investissement pour des besoins de fonctionnement. Six mois après son arrivée à la tête de la Sapco, Bocar Ly a demandé au Conseil d’administration (Ca) de lui permettre d’utiliser 550 millions de la subvention d’investissement pour couvrir les dépenses entre août et décembre 2014. Le Ca refuse la requête, mais le DG passe en force.

Il urge donc de résoudre les litiges avec Savana qui plombent l’activité de la Société. En effet, au-delà du milliard 400 millions prononcé par la Justice, l’entreprise française estime les dommages et intérêts à un total de 30 milliards qu’elle réclame à la Sapco. Sur ce point, le ministre du Tourisme a déjà rencontré M. Bredotti du groupe Savana pour lui indiquer clairement que cette réclamation ne saurait être satisfaite. S’agissant du milliard 400 millions, la Sapco s’est  tournée du côté de l’Etat pour une prise en charge. ‘’La dernière proposition en discussion qui reste en suspens consiste à procéder à une dation en paiement en octroyant du foncier à Savana’’, indique une source. Ce milliard 400 millions a pour point de départ une condamnation de la Sapco en 2007 par le Tribunal régional hors classe de Thiès à payer 750 millions à Savana, sous astreinte de 750 000 F par jour de retard.

4 560 000 francs CFA par trimestre à des avocats

Les avocats aussi profitent du bourbier judiciaire dans lequel se trouve l’entreprise. En effet, la Sapco paie à ses conseils en moyenne 4 560 000 francs CFA par trimestre, sous forme d’honoraires du fait de ses nombreux contentieux. En 2005 déjà la Sapco s’engageait auprès de l’avocat Me Zeytoun qui réclamait ses honoraires de lui payer 1 million par quinzaine jusqu’à apurement total. L’on se demande alors combien elle devait à la robe noire.

Avec toutes ces charges pour une entreprise largement déficitaire, le directeur est obligé d’admettre que ‘’la situation financière reste préoccupante’’ et adresse une requête aux administrateurs. ‘’Je viens respectueusement solliciter une révision budgétaire en imputant ces charges sur les crédits d’investissement disponibles pour un  montant de 250 000 000 francs Cfa qui représente 8% des crédits d’investissement alloués en 2016’’, écrit Bocar Ly qui précise au passage que sans cela, les salaires du mois d’octobre 2016 et autres charges de fonctionnement ne seront pas payés. La requête est validée lors de la séance du CA du 13 octobre 2016.

Outre la tenue de la comptabilité, il faut surtout s’interroger sur la vision de la direction. Dans la convention signée avec l’Etat, il est dit que la Sapco assure la viabilisation des terrains par tous les moyens à sa disposition avant de céder son titre de propriété à des privés sélectionnés. Une source s’étonne ainsi d’entre le Directeur général, lors d’un CA, déclarer ‘’que le meilleur schéma serait de confier l’aménagement à CSE et le développement à REMSA’’. ‘’L’option de confier l’aménagement aux privés est due à l’inexistence du financement public. Dans ce cas de figure, REMSA et CSE préfinanceraient l’aménagement’’, se justifie-t-il. Il ajoute avoir introduit une demande de restitution sur le bail de Saly. Ce qui est une remise en cause du schéma établi et du Plan d’action de la Sapco 2012-2017, après que l’Etat eut déboursé 16 milliards en 4 ans.

Le cas Koromack Faye

Il reste un autre point au moins à résoudre : les rapports avec la population locale. Celle-ci s’est montrée hostile aux projets de Pointe Sarène et de  Mbodiène. Et elle le fait savoir sur Internet. Ce qui, de l’avis de cette source, fait peur aux investisseurs, nationaux comme étrangers.  En fait, avant la constitution du TF n° 1316/MB, la Sapco-Sénégal avait promis de céder des lots sur une superficie cumulée de 93ha 36a 15ca, indique-t-on. Et à ce titre, elle avait déjà perçu la somme totale de 194 510 714 Cfa. C’est pourquoi recommandation lui est faite dans le Plan stratégique de Sapco-Sénégal 2017-2021 ‘’de les intégrer dans son plan de développement touristique du site ou de les indemniser’’.

Le cas spécifique du Saltigué Samba Faye, plus connu sous le nom Koromack Faye s’inscrit aussi dans ce conflit avec les habitants. D’après une source, le Saltigué, à l’image des autres, avait bénéficié d’une promesse de cession au bail d’une superficie 3ha 50a. Ce qui est à l’origine de son différend avec la Sapco. ‘’Aujourd’hui, monsieur Samba Faye construit en  plein cœur dans  la future station touristique de Pointe Sarène, sans titre de propriété ni autorisation de construire,  30 cases au vu et au su du Directeur général de la Sapco, du préfet de Mbour, du chef des domaines de Mbour et du Ministre du Tourisme et des Transports Aériens’’, regrette-t-on. 

MAME TALLA DIAW

 

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