Publié le 22 Jun 2015 - 16:37
DELOGES DES GARAGES POUR LE PROLONGEMENT DE LA VDN

Le calvaire des mécaniciens de ‘‘Kamb-gui’’

 

Après Tobago et Petersen, c’était au tour des occupants de l’axe Nord-foire-Diamalaye de subir un grand déménagement, hier. Les mécaniciens de ‘‘Kamb-gui’’ ont été les plus impactés par cette délocalisation, dans le cadre de l’exécution  de la 3ème section du prolongement de la Voie de dégagement nord (VDN).

 

Encore un déguerpissement ? serait-on tenté de se demander. Le branchement routier de 8,5 kilomètres qui va relier l’échangeur du Cices au Golf club de Guédiawaye attendu en début d’année 2017, fait son petit bonhomme de chemin. En perspective de sa réception dans les délais, le désencombrement longtemps annoncé de l’axe Foire-Cité Diamalaye a eu lieu hier, tôt dans la matinée. Si beaucoup d’occupants, installés sur le rond-point de l’Unité 26 à la cité Diamalaye ont plié bagages la veille (samedi), les plus impactés sont sans doute les artisans de Kamb-gui, le long alignement de garages et d’ateliers automobiles qui va du rond-point de Nord-foire au complexe ‘Yengoulène’. Sur la grande rocade située à la descente de l’échangeur du Cices, des sièges arrière de voitures arrachées sont installées, en guise de quartier général de l’équipe de tête qui impulse une dynamique d’opposition. Derrière eux une banderole  blanche est fouettée par la légère brise qui souffle, malgré une chaleur étouffante. ‘‘Non au voyage clandestin. Stop déguerpissement. Oui au recensement des artisans de Kamb-gui et du Sénégal’’, clame l’affiche.

Un porte-voix entre les mains et une pile de documents administratifs fourrés pêle-mêle dans son sac, le président du regroupement Adama Lo se désole de l’immédiateté de la mesure. ‘‘Il n’y a eu que des sommations verbales. Aujourd’hui, on vient nous déguerpir comme ça, sans rien en contrepartie’’, proteste-t-il. A sa suite, plusieurs de ses congénères déplorent les déménagements incessants dont ils sont l’objet. Pour le secrétaire du cadre de concertation libérale Mouhamed Samb, c’est l’Etat qui met ces gens dans l’illégalité. S’il n’est pas contre le principe du déménagement, c’est surtout l’opportunité du moment qui le dérange. ‘‘On aurait pu le faire bien avant le ramadan. Ou bien après la Korité. Mais deux jours après qu’on a commencé à jeûner, c’est incroyable’’, défend-il. Les récupérateurs profitent de l’aubaine pour s’accaparer de la ferraille des carcasses ou des kiosques. Si certains mécaniciens sont assez magnanimes pour leur laisser cette chance, d’autres n’hésitent pas à en venir aux mains pour préserver leurs biens.

Des escarmouches vite calmées par l’intervention des forces de l’ordre qui chassent propriétaires et récupérateurs des lieux. ‘‘Ils nous humilient. Ils auraient mieux fait de nous tuer en démolissant nos bagages. Au moins on aurait connu la paix’’, déclare le mécanicien Mamadou Ndiaye. Installé à Kamb-gui depuis janvier 2013, ce quinquagénaire originaire de Thiadiaye dit employer près d’une cinquantaine de personnes, tauliers, électriciens, peintres..., dans son atelier. En face de son désormais ex-garage, le choix n’est autre que le constat des dégâts. ‘‘Il nous empêche de prendre nos outils les plus légers. Même notre boîte à clefs a été emportée à la fourrière. Nous n’avons pas de quoi redémarrer ailleurs’’, s’indigne-t-il. En face de lui, des amas de ferraille, des bris de pare-brise, des carcasses de voitures embouties plantent le décor sous le regard curieux des passants et conducteurs de voitures.

Indemnisation

La veille, les tractopelles et autres gros engins  parqués sur le terrain de Diamalaye, à l’arrêt 39 des bus tata (où est célébrée la prière des Deux rakaas en septembre) annonçait l’imminence d’une action qui était reportée sine die. D’ailleurs les travailleurs disent n’avoir reçu que des avertissements verbaux. La sommation N°2920/P/D/DK notifiée par papier ne leur est parvenue que le 17 juin, soit trois jours avant le déménagement. Mais pour Ibrahima Sall, coordonnateur du projet de la VDN, des sacrifices ont été consentis par les autorités, malgré le statut irrégulier des occupants. ‘‘Depuis plus de deux ans, nous travaillons à la libération de l’emprise, car il se trouve que là où doit passer la Vdn, même si ce sont des occupations irrégulières, l’Etat a pris des dispositions pour payer. Procéder au paiement des impenses est identifiable à une aide au déplacement, pour ce cas’’, précise-t-il.

Ainsi, chaque occupant a reçu à peu près 150 mille F Cfa minimum, selon ses dires. Mais Khadim Mar nie formellement toute indemnisation des artisans de Kamb-gui. Certains garagistes et mécaniciens ont été recensés, mais pas ceux de son association. ‘‘Le préfet nous a reçus pour nous dire que nous n’étions pas concernés par ce recensement, car nous sommes venus après 2011. Il nous a demandé un rapport que nous lui avons remis, mais depuis lors, rien de concret’’, précise-t-il. Le coordonnateur de ce projet impute cela au fait que les nouvelles occupations étaient quasi quotidiennes, dans ce qu’il qualifie de no man’s land. ‘‘Il y a une date à partir de laquelle le recensement a été fait. Il a été clôturé depuis un an’’, déclare-t-il. Il promet toutefois que le cas des derniers venus sera étudié et qu’ils seront indemnisés.

‘‘On veut le terrain derrière la Station Elton’’

Par contre, le recasement de ces artisans ne constitue pas une mesure d’accompagnement par l’Ageroute, contrairement aux habitants expropriés de Cambérène qui vont connaître un traitement différent. Les mécaniciens qui esquissaient l’idée d’occuper la chaussée pour bloquer une circulation automobile déjà très dense à ce niveau se sont vite résolus à l’abandonner. Les démarches de Mouhamed Samb pour leur obtenir une entrevue avec le préfet, sur le départ, et la présence massive des gendarmes les en ont dissuadés. Adama Lo, Mbaye Lam, Mamadou Ndiaye et leurs centaines d’autres camarades demandent un recasement dans un endroit plus près. ‘‘Qu’on nous donne le terrain derrière la station Elton, ce n’est pas loin’’, clame Mbaye Lam. Un emplacement qui dépend de la mairie de Yoff que les mécaniciens comptent démarcher très prochainement pour se trouver un autre endroit où subvenir à leurs besoins.

Ousmane Laye Diop

 

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