Publié le 29 Jul 2019 - 20:20

Ecole, une fabrique "d’aliénés’’

 

‘’L’élève doit être au centre du système’’. ‘’Les autorités n’ont réellement jamais placé l’enseignant au cœur de leurs préoccupations’’. Nous avons là deux points de vue d’enseignants qui illustrent assez bien le malaise du système éducatif. En effet, tous font l’impasse sur un fait : le savoir est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Autrement dit, il ne s’agit pas d’établir une hiérarchie, mais de fonder des réciprocités.

Elèves et enseignants, leur lien est dialectique et non subordonné. L’élève est en droit d’exiger un savoir, l’enseignant a le devoir de l’instruire. L’élève a pour vocation de travailler. L’enseignant de bien le lui faire comprendre.

Car, finalement, qu’est-ce qu’apprendre ? Sinon que revenir chez soi, le soir, plus riche qu’on n’en est parti. Cet impératif dévolu à l’enseignant est trahi, depuis longtemps, par les concernés. En classe, dans la cour de récréation et hors du périmètre de l’école, l’enseignant est devenu un copain. On l’appelle par son prénom, on le tutoie, on va en duo avec lui à la plage ou au resto.

Il nous faut rappeler ici un principe élémentaire : le savoir, c’est le système et sa transmission est de type vertical, de prof à élève. Si les affects entrent en ligne de compte, la logique est cassée, le système piraté et le bordel installé. Tel est le cas aujourd’hui. Tout le monde le sait, tout le monde joue à l’hypocrisie.

Les régimes successifs ont sacrifié l’éducation sur l’autel des visées politiciennes, faisant de l’élève (et de l’étudiant) une fiction utile, voire une sorte d’aliéné qui a tendance à plutôt jouir de son ignorance et à s’insurger même contre ceux qui voudraient qu’il guérisse de son mal-être d’apprenant.

Comment, dans ces conditions, s’attendre à autre chose que la catastrophe aux examens ?

Le système éducatif sénégalais est, de ce point de vue, dans la logique d’apprendre à nos enfants à désapprendre. L’une de ses plus grandes impostures est le renversement des ambitions. Le souci actuel est de former la personne et le citoyen. On devrait davantage s’attacher à former un intellect, en partant du principe que la personne est du domaine parental et le citoyen du domaine sociétal. Et que chaque entité doit nécessairement jouer son rôle. En trahissant sa fonction qui consiste à fabriquer des têtes bien faites et bien pleines, l’école s’est tirée une balle dans le cœur. Dans le coma, elle risque de crever, si une thérapie de choc appropriée ne lui est pas apportée.

Mame Talla DIAW