Publié le 8 May 2013 - 21:13
EDITO DE MAMOUDOU WANE

Ndéné, cheval de Troie ?

 

 

L’invité-surprise de la semaine, c’est l’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye. Depuis Londres où il s’est replié, en pleine fièvre de traque de biens mal acquis, comme le Général De Gaulle en juin 1940, lors de l’occupation allemande, voilà donc le maire de Guinguinéo qui lance l’appel du 7 mai. Décrypté ou broyé sur lame d’acier, ça donne : ‘’Rejoignez-moi avant le déluge !’’ La leçon à ses ‘’camarades’’ libéraux n’est pas une récitation des cours d’anglais qu’il serait allé apprendre au pays de Shakespeare.

 

La sortie de Souleymane Ndéné Ndiaye procède vraisemblablement d’une manœuvre visant à appâter les électrons libres du Pds, qui ne trouvent pas leur chemin dans le Parti démocratique sénégalais (Pds), tel qu’il se présente aujourd’hui, mais qui ne veulent pas se jeter directement, sans pudeur, dans les bras du nouveau locataire de l’Avenue Roume. En ce sens, il se positionne comme un bon réceptacle politique. 

 

Il faut, n’est-ce pas, de la finesse en toute chose. Même pour prendre ''Troie, la rebelle'', il a bien fallu un cheval en bois, pour cacher le vrai commando tombeur de la ville. Que Souleymane Ndéné Ndiaye se signale à trois jours d'une manifestation (interdite) du Pds, ne peut pas simplement être lu comme un jeu de hasard.  L'objectif politique visé est de remettre en cause la méthode utilisée par son parti. Et sans doute d'en proposer une...plus responsable, entre camarades de la même famille politique. La ligne est tracée.

 

Le grand oublié de la traque des biens mal acquis doit bien justifier les raisons qui font que la Section de recherches de la Gendarmerie nationale ne se soit même pas intéressée à la provenance de ses bretelles, toujours griffées. Et puis, qui peut une seule fois penser que Souleymane Ndéné Ndiaye puisse attaquer ainsi l’armée sans général du Pds, sans en aviser le Président Macky Sall, son ami assumé, même au zénith de la ‘’démackysation’’ ?     

 

La démarche est sans doute opportuniste, mais résolument politique. Car, le nouveau ‘’Léviathan’’, tel qu’il peint le Président Sall, a besoin de biceps encore plus fermes, pour faire face à la fronde organisée par Wade depuis Paris. Ce n’est sans doute pas le seul objectif. Il faut aussi contenir la tempête Idrissa Seck qui, un pied à Benno Bokk Yaakaar, un clin d’œil à ses anciens camarades du Pds, veut bien élargir son assiette électorale. Hormis le Pds, il est de fait le seul opposant déclaré au régime actuel. Sa parole porte, même s'il est difficile aujourd'hui de quantifier ce qu'il pèse réellement, après la chute de Wade.   

 

Toutes ces manœuvres révèlent bien les codes du jeu politique actuel. Cela se passe dans la grande famille libérale. Bien que dans le gouvernement, les anciens partis de Benno Siggil Senegaal (BSS) sont comme condamnés à jouer les arbitres. Ou les roues de secours pour renforcer le camp présidentiel. Cette résurrection prématurée du Pds est sans doute la conséquence de la traque des biens mal acquis (les personnalités ‘’bleues’’ poursuivies cherchant coûte que coûte à sauver leur peau), mais elle révèle aussi des faiblesses majeures au sein de la Coalition au pouvoir. La facilité avec laquelle le Pds se pavane est intrigante. Après la chute du Parti socialiste, après plus de 40 ans au pouvoir, le Président Wade a fait roue libre, presque pendant deux ans. Il a fallu le génie d’un Dansokho, élément unificateur des partis de l’opposition, pour que le Cadre permanent de concertation voie le jour. 

 

Seul devant tous, le Parti socialiste, traumatisé par sa défaite et les audits d'alors, ne pouvait pas engager seul un bras de fer avec un Maître Abdoulaye Wade au cœur de sa gloire. Et sans doute si Moustapha Niasse n'avait pas été viré, après Amath Dansokho, le processus d'organisation de la nouvelle opposition d'alors serait plus long. Et encore, il a fallu du temps pour marcher dans les rues de Dakar, au départ, avec un public clairsemé. Un vrai travail de Sisyphe.

 

Dix ans après, la cadence de la recomposition politique semble plus rapide. Et la forme d'organisation des forces politiques en scène totalement différente. La roue tourne vite. C'est comme si avec le départ de Me Wade, on assistait à une accélération du jeu politique sénégalais. Qui n'a surtout pas révélé tous ses secrets puisque des agendas cachés peuvent bien se révéler au jour, peut-être avec un Abdoul Mbaye, qui n'a pas du tout le tempérament d'un simple numéro deux.  

 

C’est sans doute toute l’ambiguïté de la situation que nous vivons. A l'image de beaucoup de pays pauvres, la  situation économique et sociale de notre pays est tellement difficile, que personne ne peut dire dans quel sens iront les choses. Même les hypothèses les plus improbables ne peuvent s'imposer à la réalité. Un terreau fertile pour...les illuminés de la politique. 

 

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