Publié le 11 Sep 2019 - 20:13
INTERDICTION DU VOILE A ISJA

Négociations ouvertes

 

L’interdiction du port du voile à l’institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar continue d’alimenter la polémique. Le ministère de l’Education nationale a ouvert le dialogue. La direction de l’établissement campe sur sa décision et reçoit le soutien de l’Unapecs.

 

Loin d’être à son épilogue, la situation qui prévaut à l’institution Sainte Jeanne d’Arc (Isja) suit son cours. Ce lundi, le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, l’Office diocésain de l’enseignement catholique et la direction de l’école ont échangé quant au sort des élèves voilées. Il ressort de cette séance une proposition de transfert de ces élèves au cours Sainte Marie de Hann, parce que les responsables de l’Isja maintiennent l’application de leur nouveau règlement intérieur.

Cependant, certains participants estiment que cette option ne résout pas le problème. Cela revient, selon eux, à esquiver la question, voire la transférer ailleurs.

Face à cette divergence d’opinions, le ministre a programmé une nouvelle rencontre la semaine prochaine, en vue de prendre la bonne décision. Selon des sources bien introduites, ‘’l’espoir est permis’’, même si le Comité du droit à l’école estime qu’’’à ce stade, il ne reste que le recours à la justice. Nous comptons aller jusqu’au bout’’.

Le personnel de l’établissement brise le silence

Ce même lundi, le personnel de l’établissement s’est exprimé pour la première fois, en invitant les autorités étatiques au calme et à la prudence. ‘’Nous invitons le président de la République, le ministre de l’Education, les inspecteurs de l’éducation, les enseignants et professionnels de l’éducation nationale à éviter le piège de l’intolérance religieuse et de la délibération hâtive. Des autorités reconnues ont freiné l’ardeur des délateurs qui s’érigent en directeurs de conscience et en connaisseurs de tout sujet, parce qu’ils sont les privilégiés des médias publics et privés. Non à la manipulation de la conscience collective’’, a-t-il déclaré dans un communiqué.

Professeurs et agents administratifs estiment que le règlement intérieur permet d’assurer à tout établissement une vie collective fondée sur l’équité et la justice. Ce qui explique la décision de la direction et des responsables de la congrégation des sœurs de Saint Joseph de Cluny d’harmoniser les tenues et comportements au sein de l’école. Une décision qui, selon eux, n’a rien à voir avec la France. Pour ces travailleurs, il est temps que l’Isja retrouve son calme d’antan et que ceux qui se prononcent évitent d’en faire un conflit inter-religieux. ‘’L’abondante inspiration ne rime très souvent pas avec la maîtrise du sujet qui nous est tous imposé et que nous jugeons complexe et délicat. Beaucoup de gens ont compris qu’il ne s’agit aucunement d’un conflit inter-religieux né certainement d’une interprétation crypto-personnelle, juridique, idéologique ou tout simplement émotionnelle’’, ajoute le personnel qui se désole de l’amalgame fait entre le rôle de l’école garanti en partie par le règlement intérieur et les croyances sacro-saintes des uns et des autres.

Professeurs et agents administratifs de l’Isja affirment, par ailleurs, que les filles voilées font partie des élèves les plus sérieux, studieux et intègres de l’établissement. De ce fait, découle plusieurs interrogations. ‘’Comment pourrait-on décider de les exclure de leur école ? Qui, dans le discours, s’intéresse sérieusement à l’école au point de s’investir personnellement pour connaitre les véritables raisons de la révision du règlement intérieur et identifier les victimes ? Qu’est-ce qui, dans le règlement, remet en cause la laïcité de l’établissement dans notre cher Sénégal et à l’Isja ?’’.

A en croire les différents délégués du personnel, l’institut catholique ne souffre d’aucun malaise entre musulmans et chrétiens. Bien au contraire, l’harmonie et ‘’la franche collaboration avec les parents d’élèves présents dans toutes les instances de décision’’ sont la preuve du dialogue islamo-chrétien qui y règne.

Pour l’heure, les parents des concernées menacent d’aller en justice pour maintenir leurs filles voilées dans l’établissement. Vendredi dernier, elles ont bénéficié du soutien de leurs camarades de classe montés au créneau pour demander leur réintégration.

L’Unapecs apporte son soutien à l’Isja

Dans ce flot de réactions, l’Union nationale des associations de parents d’élèves de l’enseignement privé catholique (Unapecs) a aussi tenu à se faire entendre et apporter son soutien à la direction de l’institution vieille de 80 ans. ‘’La stabilité et la qualité d’une structure sont garanties par le respect des procédures et des processus érigés en règlement et acceptés de facto par ceux qui adhèrent au projet. Pourtant, lorsqu’au sein du cadre éducatif sénégalais, des structures imposent leur règlement, l’on ne s’en offusque point. Pourquoi y aurait-il exception pour l’Institution Sainte Jeanne d’Arc ?’’, lit-on dans son communiqué. Les parents d’élèves jugent également opportun de se poser un certain nombre de questions.

‘’Quand les repères sont déplacés au goût de cas individuels au détriment de la communauté éducative, où va-t-on ? Que reproche-t-on à une communauté éducative qui, pour garantir les bonnes relations, régit un cadre de fonctionnement promouvant une éducation équitable, harmonieuse et stable à tous les enfants de la communauté sénégalaise ? Des cas d’exception vont-ils sacrifier cette harmonie et cette stabilité de nos enfants ? Peut-on accepter que des individus, dans une école, imposent une vision contraire à celle du projet éducatif dudit établissement scolaire au nom de leur liberté d’expression ? Quel chef de famille aurait accepté qu’une tierce personne vienne lui imposer des règles de fonctionnement dans son foyer au détriment du cadre familial ?».

En d’autres termes, pour eux, la liberté d’expression ne devrait empiéter sur les règles de l’école qui exigent un port vestimentaire spécifique et une tête découverte.

Selon le règlement intérieur, l’établissement est biculturel et enracine ses valeurs dans les statuts de l’enseignement privé catholique. Il est sous la tutelle de la congrégation de Saint Joseph de Cluny, du ministère de l’Education nationale sénégalaise et de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Le texte stipule, en outre, que l’inscription d’un élève vaut adhésion au règlement intérieur et engagement à le respecter. Ainsi, tout manquement à ce règlement justifie la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire.

EMMANUELLA MARAME FAYE

Section: