Publié le 16 Aug 2012 - 13:46
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Le Péril salafiste

 

 

Le périple africain de la Secrétaire d’État Hillary Clinton s’est accompagné de la propagande facile que le soufisme serait l’antidote de l’islamisme radical vecteur du terrorisme international. Elle avait enrôlé des conférenciers pour faire le tour des familles maraboutiques sénégalaises et conjurer le danger d’une contagion de la sous-région à partir du Mali septentrional. Mais ce danger reste certainement mineur face à la stratégie globale des États-Unis de maintenir la suprématie militaire d’Israël dans le Moyen Orient. Il n’en a pas moins changé la perception que le Sénégalais avait à ce jour de l’Islam, du monde arabe et même du problème palestinien.

 

Ainsi la diplomatie israélienne, très entreprenante depuis quelques années, a-t-elle engrangé quelque succès notable avec une cérémonie de coupure du jeûne avec l’Association des imams dont les membres affichaient jusqu’ici une hostilité remarquable non seulement à l’encontre du sionisme mais aussi du juif dont ils oubliaient même qu’ils fussent après tout des ''Gens du Livre''. Les discours à l’occasion n’ont pas manqué de mentionner le droit à l’existence d’Israël dans des frontières internationalement reconnues. Un certain discours préconise le retour à une sorte d’Islam noir qui serait une sérieuse entorse à l’universalisme de la religion musulmane.

 

Ainsi peut-on noter un repli sur sa confrérie de l’éminent chef du département d’arabe de l’Université Cheikh Anta Diop, le Professeur Abdoul Aziz Kébé : ''Le salafisme est une doctrine qui voit l’avenir de l’humanité dans le passé. Il dit que nous devons calquer notre vie sur celle des ancêtres vertueux. C’est un radicalisme théorique qui combat la modalité soufie des confréries.'' Le Professeur a raison dans la caractérisation allusive qu’il fait de la très rigoriste doctrine d’Ibn Hanbal (780-855), recommandant à ses disciples, dans son recueil ''Al Musnad'', une parfaite imitation de la communauté de Médine à l’époque de l’exil du prophète.

 

Il a sans doute plus raison encore s’il fait allusion au Syrien Ibn Taymiyyah (1263-1328), autre théoricien de l’islamisme radical qui fustige dans ses œuvres les soufis, dénonce comme des rites païens et idolâtres les pèlerinages sur les tombes des saints et préconise les châtiments corporels selon le droit coranique. Mais encore ne nous dit-il pas que, partisan de la guerre sainte, Ibn Taymiyyah impose une traduction très éloquente du dernier verset de la première sourate du Coran, Al Fatiha en identifiant ''ceux qui encourent la colère de Dieu'' comme étant les juifs et ''les égarés'' comme étant les chrétiens, la traduction à notre époque désignant l’impérialisme occidental et le sionisme israélien.

 

Mais l’oubli le plus significatif pour le Professeur Kébé, dont la lumière est la loi, est d’éclairer son public sur un détail important : les théoriciens du salafisme n’ont jamais eu meilleurs adeptes que Mohamed Ibn Abdelwahab et Abd el Aziz Ibn Séoud, lequel chassera la descendance du prophète du trône de La Mecque pour y installer la dynastie qui y règne à ce jour. L’implication du Royaume Saoudite dans les événements du Mali peut être discutée mais celle de son allié qatari a été révélée par des sources diverses et concordantes sur le terrain. La nature du conflit n’est donc pas déterminée avec exactitude.

 

Certaines indiscrétions révèlent que les convois de combattants de 87 véhicules militaires, qui avaient quitté la Libye quand le sort des armes avait été défavorable au guide de la révolution, ont traversé le territoire nigérien pour pénétrer au Mali, leur pays d’origine. Ayant été arraisonnés par les forces armées nigériennes, il semblerait que la France soit intervenue pour persuader les autorités de ce pays de leur ouvrir le passage. Ce que les Nigériens ont fait après avoir prélevé 30 véhicules et prévenu le président Amadou Toumani Touré. La suite est connue. La débâcle de l’armée malienne et la sécession de la zone septentrionale ont causé une crise régionale.*

 

La théorie du domino qui a servi pour d’autres sales guerres est remise au goût du jour. Après le Mali, c’est le tour du Sénégal, nous enseigne-t-on. Est-ce une raison pour anticiper ? Les Maliens se hâtent lentement. Les différentes associations islamiques maliennes veulent donner une chance à la paix par le dialogue. Les communautés religieuses sénégalaises observent un silence prudent. L’anti islamisme primaire s’agrippe sur la foi que le soufisme pourrait être une première ligne de défense. Mais ce qu’on oublie encore de nous dire, c’est que le soufisme dérive du chiisme ismaélien qui s’en revêtit comme un manteau de clandestinité après sa défaite par les Mongols en 1236.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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