Publié le 15 Mar 2024 - 10:02
Les Comptes de Almamy Bocar LA CHRONIQUE DU VETERAN

Tel Zorro, Macky est arrivé

 

« Deux arbres ne font pas la forêt. » (Proverbe malinké)

Drôle de campagne

Jamais une élection n’aura été aussi inédite, inattendue et ambigüe que la Présidentielle du 25 février 2024. Point n’est besoin de revenir sur les péripéties qui ont secoué son chemin depuis la première étape de la collecte de parrainages. Il y aura tout eu, à la fois étrange et extraordinaire. Du burlesque, un soupçon de suspense et des retournements inattendus, tout comme des renversements extraordinaires de situations mystérieuses ou désopilantes et qui ont conduit à cette élection de toutes les inconnues.  Le tout a conduit à cette situation qu’aucun scénariste, même le plus imaginatif comme il y en a tant dans le pays, à l’image d’Ahmed Khalifa Niasse, Alioune Tine, Moustapha Sy, Ousmane Sonko et consorts, n’aurait pu imaginer.

Et voilà pourquoi, à moins de dix jours de la tenue du scrutin, après les multiples rumeurs, ragots et supputations sur des dissidences au sein de l’ex-Pastef et des prétendues divergences à l’intérieur de Benno Bokk Yaakaar, tout semble indiquer que nous nous acheminons vers un affrontement frontal entre le candidat officiel de la majorité et le porte-étendard inattendu et imprévu des tenants de la ligne radicale et populiste. Ce n’est pas faire preuve d’injures à l’endroit des autres candidats validés par le Conseil constitutionnel que de relever qu’à défaut de figuration, ils seront là plus comme des candidatures de témoignage ou comme ne servant que d’arbitres entre les deux camps précités.

Les nombreux ralliements qui s’observent auprès de Bassirou Diomaye Faye s’expliquent, pour beaucoup, comme des joueurs de poker politique qui ne veulent pas être ignorés ou zappés lors du partage du butin, en cas de triomphe du seul candidat de l’opposition bénéficiant d’un appareil assez bien représenté sur le terrain.  Nul ne pouvant nier cette réalité actuelle de la scène politique sénégalaise qui est que l’ex-parti Pastef et ses satellites sont les seuls à avoir dans leurs rangs des militants engagés et combattifs, et qui se battent comme des forcenés dans l’espace social et les réseaux sociaux pour faire triompher leurs idées et leur candidat. Sans compter les ‘’infiltrés’’ leur servant d’œil de Moscou dans tous les corps professionnels civils, militaires et paramilitaires de l’État.

Ce maillage du pays, de son Administration et l’embrigadement d’une partie significative d’une jeunesse désœuvrée et sans perspective pourrait, certainement, être un bon réceptacle pour un vote de la colère et du ventre. Avec Diomaye Faye comme étendard de lutte et non pas Ousmane Sonko comme tête d’affiche pour ce combat décisif, est-ce que cette alternative pourrait accoucher d’une nouvelle alternance ?

Si la question est, déjà, tranchée par tous les partisans d’un changement à tout prix, la posture que vient d’adopter le président Macky Sall va, à tous les coups, être d’un poids déterminant dans l’issue de cette mère des batailles politiques.

Le président Macky Sall, patron de la coalition majoritaire Benno Bokk Yaakaar, tel Zorro arrivant au grand galop, a sonné la fin de la récréation dans son camp. Il semble avoir jeté tout son poids dans la bataille afin de réveiller les ardeurs des hésitants, mais aussi de mettre un terme au guet-apens, au traquenard et à la ruse qu’un grand nombre de responsables de l’APR semait sur le parcours de campagne du candidat officiel investi par leur parti et leur coalition.

 La défaite d’Amadou Ba, leur a-t-il fait comprendre, aura comme conséquences l’ouverture du purgatoire pour eux avec une inexorable descente aux enfers, comme l’ont connue le PS après la chute de Diouf en 2000 et le PDS après l’échec de Wade en 2012. Au mieux, leur a-t-il dit, d’une manière subliminale,  que l’APR deviendrait, alors, un parti ‘’yoobaléma’’ avec un destin de dirigeants souteneurs d’un nouveau parti majoritaire au pouvoir afin d’obtenir des subsides, quelques sinécures et maroquins où, au pire, l’Ofnac et le Pool judiciaire financier (ex-Crei) se feraient un plaisir de les faire défiler devant eux sans oublier la Cour des comptes où s’entassent, déjà, de nombreux dossiers en provenance de l’IGE ou du Contrôle financier.

Ainsi, le réaménagement politique partisan que le président Macky Sall a décidé et mis en place depuis le 12 de ce mois de mars est bâti comme une sorte de grande muraille de Chine pour empêcher les populistes soupçonnés d’islamisme radical à réussir le coup de tonnerre qui avait frappé l’Algérie en 1986 avec la victoire du Fis aux élections locales.

Cela sera-t-il suffisant pour sauver les meubles ? Au-delà de l’APR et de Benno Bokk Yaakaar, ni le PDS ni Taxawu Sénégal n’ont à gagner d’une troisième alternance qui, alors, se ferait sans eux.

Abdoulaye Bamba DIALLO

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