Publié le 1 Jan 2013 - 10:05
MAGAL TOUBA 118ème ÉDITION

Dans l’univers des Baye Fall

Baye Fall. Ce nom rime souvent avec banditisme. Mais la réalité semble être tout autre, une fois plongée dans leur univers comme à Niary Baye Fall (leur fief dans le département de Mbacké) ou encore à Palène dans la ville sainte de Touba. Reportage.

 

 

‘’Lahi laha illa la, lahi laha illa la, Mame Cheikh Ibra Fall lahi laha illa la’’, crie le disciple de Cheikh Ibra Fall. Le Baye Fall au teint noir et à la taille élancée, la quarantaine, dreadlocks pendants, amulettes autour du cou, ceinture bien serrée autour des reins, corps svelte emmitouflé dans un boubou Ndiakhass (multicolore), se donne à fond pour rendre grâce à Dieu ; mais également pour chanter les mérites et les louanges de Cheikh Ibrahima Fall, leur vénéré guide spirituel.

 

A Mbacké, précisément à Niarry Baye Fall, un des fiefs des disciples de celui que l’on surnomme Baboul mouridina (la porte du mouridisme). Il est 11h, le maître des céans, Serigne Fallou Fall, fils du défunt Khalife des baye fall, Serigne Modou Aminata Fall, lui-même petit-fils de Cheikh Ibra Fall, n’est pas encore sorti de ses appartements. Mais n’empêche, trône un fauteuil dans un coin de la maisonnée et des disciples, tout autour, attendent impatiemment son apparition. En attendant, une partie de zikr occupe les fidèles présents sur les lieux. Sous le regard admiratif et parfois complice de ses condisciples, Modou Ndiaye ridiaal (NDLR : l'homme en langue arabe) accroche son public qui manifeste de temps à autre ses sentiments par des claquements de doigt. ‘’Tiey, Cheikh Ibra Fall amoul morom’’, (NDLR : A dire vrai, Cheikh Ibra n'a pas d'égal), lancent d'autres, plus fanatiques. Les Baye Fall sont dans leur univers. Dans cette ambiance de préparatifs du Magal, les fidèles sont prêts à être accueillis. Bâches, chaises, sonorisation, tout est déjà en place, ou presque...

 

Souvent assimilés à des voyous, drogués ou encore agresseurs dans nos villes, les Baye Fall sont autrement appréciés à Touba. ‘’Le Baye Fall n’a pas de temps à consacrer à certaines délices de la vie ici-bas. Il met au-dessus de tout le culte du travail et passe tout son temps à rendre grâce à Allah’’, explique Serigne Assane Mboup, un des disciples du maître des lieux. ‘’Ceux-là qui sont à Dakar ou dans les autres villes du pays et qui se font appeler Baye fall tout en s’adonnant à des pratiques interdites par la religion musulmane n’en sont pas uns. Ce sont souvent des talibés de personnalités Mbacké-Mbacké’’, corrige-t-il. ‘’Ce sont tout sauf des baye fall’’, insiste-t-il. ‘’Yoon bi yatouna yambalang té dioub na kocc, kou agoul ya diadd (NDLR : la voie est toute tracée et est très claire, celui qui n’arrive pas à temps a déraillé), déclare Assane Mboup paraphrasant ainsi Cheikh Ibra Fall.

 

Autre lieu, autre décor, Palène, un autre fief des Baye Fall. Ici, les quelques fidèles déjà surplace s’attellent à monter les bâches devant abriter les milliers de talibés attendus. De l’autre côté de la vaste demeure, l’enclos où sont gardés volaille, moutons, chèvres, bœufs et même chameaux. ‘’Le Magal est un jour où toutes sortes de mets (que la religion musulmane n’interdit pas) sont distribués aux fidèles, car il n’y a pas plus charitable que le fait de nourrir des gens’’, souligne Assane Mboup.

 

‘’L’idéologie Baye Fall’’

 

Communauté incrustée dans la Tarikha mouride, les Baye Fall n’ont pas bonne réputation. Souvent assimilés dans nos villes à des hors-la-loi ou marginaux, les «vrais» d'entre eux assurent suivre à la lettre les enseignements du Saint Coran. Selon Cheikh Kounta Ndiaye, un vieux disciple de Cheikh Ibra Fall trouvé à Palène, n’est pas Baye Fall quiconque fait des dreadlocks et porte des haillons. C'est celui qui prend soin de son corps, qui respecte les préceptes de l’Islam, qui évite toutes les choses prohibées par la religion, qui consacre sa vie au culte du travail et donne le hadiya (l’aumône). Et même s'il ne prie pas, dit-il, il fait «mieux que la prière», c'est-à-dire rendre grâce à Allah à tout moment et à tout instant.

 

Zoom sur le khalifat de Cheikh Ibra Fall

 

Son guide Cheikh Ibra Fall, est issu d’une lignée royale, celle des Damels Fall du Cayor, d’après certains témoignages de l’historien Kounta Ndiaye. ‘’Cheikh Ibra Fall, dès sa tendre jeunesse, a tout abandonné pour se consacrer à la recherche de Dieu qui va d’ailleurs le mener chez Serigne Touba Mbacké», explique-t-il. ‘’Quand il est venu voir Cheikh Ahmadou Bamba pour la première fois, il lui a dit : j’ai suivi les traces de Dieu jusque dans votre demeure et je suis sûr qu’il est ici’’, raconte le vieux Ndiaye. Il poursuit : ‘’Serigne Touba lui a répondu que lui aussi cherchait Dieu’’. Alors, ‘’Cheikh Ibra Fall a insisté et lui a dit : celui que je cherche s’est fondu dans ton corps’’. Depuis, il est resté le disciple incontesté de Khadimoul Rassoul. Et tout comme ce dernier, il a eu 5 khalifes après sa disparition. Il s’agit de Serigne Modou Moustapha Fall, son fils aîné, suivi de ses frères Serigne Mortalla Fall, Serigne Abdoulaye Fall Ndar, Chérif Assane Fall et Serigne Abdou Sakor Fall.

 

ASSANE MBAYE (ENVOYÉ SPÉCIAL)

 

 

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