L’état d’esprit des Lions en question

L’équipe du Sénégal s’est compliquée la tâche en concédant le nul (2-2) face au Japon, dimanche, après avoir mené au score deux fois. Une situation qui justifie l’interrogation sur la capacité mentale des Lions à gérer l’avantage jusqu’au bout du match.
Contre le Japon, dimanche dernier, le Sénégal a laissé filer entre les doigts une occasion de se rapprocher des huitièmes de finale du Mondial 2018. A deux reprises, les Lions, qui menaient au score, ont été rattrapés par les Blues Samouraïs qui ont égalisé (par Inui, 34e) d’abord après l’ouverture du score (Sadio Mané, 11e) puis, en seconde période, grâce à Honda, sept minutes (78e) après le but de Moussa Wagué (71e). Les hommes du coach Aliou Cissé n’ont pas confirmé toute l’assurance qu’a suscitée leur victoire retentissante contre la Pologne (2-1), lors de la première journée du groupe H. Les Lions ont failli vivre le même scénario que les autres représentants africains qui ont manqué de ‘’lucidité’’ face à l’adversaire.
L’Egypte avait cédé dans la dernière minute du temps réglementaire (0-1) face à l’Uruguay. Que dire du Maroc qui a perdu (1-0) à cause d’un but contre son camp pris dans les arrêts de jeu (90e +5). Cette attitude qui fait penser à l’état d’esprit des équipes africaines qui serait, selon l’ancien international sénégalais, Habib Bèye, un handicap à leur percée dans une phase finale de Coupe du monde. ‘‘En 2002, quand on était qualifiés en quart de finale, on avait cru que c’était fini et que l’équipe avait fait ce qu’il fallait. Et je pense que si on n’était pas dans cet état d’esprit-là, on pouvait passer en demi-finale’’, a rappelé l’ancien défenseur de l’Olympique de Marseille.
Mais le coach de l’Us Gorée, Cheikh Sidaty Sarr, relative : ‘’On a pu gérer notre temps fort pour avoir marqué deux buts’’. Plutôt qu’un problème d’état d’esprit, l’ancien entraîneur des portiers de l’équipe nationale évoque un ‘’replacement’’ des joueurs, notamment en défense, sur certaines situations de jeu. ‘’Ce n’est pas un problème mental. Le match contre le Japon était ouvert. On n’a pas su gérer notre temps faible. On a encaissé deux buts qu’on ne devait pas prendre’’, a-t-il soutenu. C’est à cet instant où les Sénégalais subissaient le match, dit-il, que les Nippons en ont profité pour faire la différence.
C’est le même raisonnement de la part de son homologue de la Sonacos de Diourbel qui a relevé la ‘’violation de certains principes tactiques défensifs’’. Pour Cheikh Guèye, le premier but japonais est le résultat d’une ‘’erreur collective’’. Car, explique-t-il, ‘’le joueur japonais qui a fait la longue passe de la gauche vers la droite n'a pas été cadré. En plus, il y a eu une mauvaise appréciation de la trajectoire du ballon (de la part d’Ismaïla Sarr et Moussa Wagué, Ndlr). Pour le second but concédé par les Lions, le coach des Huiliers parle d’un ‘’manque de communication entre le gardien (Khadim Ndiaye) et son défenseur (Salif Sané)’’.
Le Sénégal, qui occupe la première place de la poule H, à égalité avec le Japon (4 points), joue sa survie, ce jeudi (14h), contre la Colombie (3e, 3 pts), pour la 3e et dernière journée. A la même heure, l’équipe japonaise fera face à la Pologne (4e, 0 pt), déjà éliminée.
LOUIS GEORGES DIATT
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Ces choix bizarres de Cissé
Aliou Cissé est un coach chanceux. Seul Africain noir sur un banc dans cette Coupe du monde, premier à donner une victoire à l’Afrique et surtout premier entraîneur sénégalais à qualifier une équipe à ce rendez-vous mondial, chez les A il s’entend. Mais l’entraîneur du Sénégal pèche par une rectitude de mauvais aloi dans des moments où la souplesse, surtout tactique, est l’une des clés de la réussite. Voici en revue certains de ses choix bizarres que beaucoup ne comprennent pas.
La tactique contre le Japon
Il est facile de refaire le match, mais force est de s’interroger sur le choix tactique de coach Cissé de faire jouer le Sénégal avec un 4-3-3, changeant subitement un système gagnant qui lui a permis de museler la Pologne et de s’offrir les trois premiers points en phase de poules.
Faire jouer Mame Biram Diouf et Mbaye Niang en pointe face aux Polonais avait eu le don de contenir le bloc polonais dans ses bases sur les phases d’attaques. En plus de marquer un but, Mbaye Niang avait réussi, grâce à son pressing haut, suppléé parfois par Mame Biram Diouf, à retarder la remontée du bloc polonais, à le contenir.
Alors la surprise est encore très grande parmi les nombreux supporters et spectateurs du deuxième match de voir Aliou Cissé changer de dispositif pour ne maintenir que le seul Mbaye Niang en pointe. Certes, il a densifié le milieu pour permettre éventuellement à Pape Alioune Ndiaye de pourvoir en ballons Sadio Mané et Mbaye Niang, mais ce dispositif a offert la faiblesse de permettre au bloc médian et défensif japonais de vite se déployer en avant et d’amener le surnombre lors des phases d’attaques.
Le résultat ne s’est pas fait attendre puisqu’à défaut de jouer vite sur les ailes, les Japonais, très denses dans l’entrejeu, se trouvaient les yeux fermés et avaient réussi à épuiser le milieu de terrain sénégalais.
Les hommes
Ce choix tactique d’Aliou Cissé a posé problème, mais le choix des hommes en charge de l’animer également. Faire entrer successivement Cheikh Ndoye, Cheikhou Kouyaté et Mame Biram Diouf, pour maintenir le même système de jeu, n’a eu aucun effet. Certes, Alfred Ndiaye semblait cuit et le fait de le sortir pour mettre un milieu défensif a du sens. Mais maintenir Pape Alioune Ndiaye à ce moment et le faire changer de registre en le mettant dans une posture plus défensive en duo avec Idrissa Guèye et en profiter pour mettre un attaquant axial aurait également eu du sens.
Avec une telle option, changer Ismaïla Sarr par Keita Baldé Diao qui a, en plus de la palette de Sarr, un jeu fait de frappe au but, aurait ajouté à la tactique du coach une option offensive supplémentaire.
C’est un choix de jouer une Coupe du monde avec un groupe réduit. Certains coachs le font avec réussite. Mais c’est également un choix de faire partager la tâche au maximum de joueurs, pour gagner en fraîcheur, mais aussi en cohésion du groupe.
Boubacar Keita (envoyé spécial)