Publié le 3 Jan 2013 - 20:23
PORTRAIT : SOKHNA MOUMY MBACKE, PETITE-FILLE DE BAMBA

La sainteté faite femme !

 

De son père Serigne Abdou Khadre Mbacké, Sokhna Moumy a presque tout pris. D’ailleurs, le 4e khalife de Bamba disait que sa fille était ‘’son portrait le plus accompli’’. EnQuête vous plonge dans l’univers d’une femme modèle tournant le dos, de façon déconcertante, à toutes les mondanités.

 

 

Si Sokhna Moumy a mis du temps à se décider de nous recevoir, c’est moins par snobisme que par souci d’en connaître davantage sur cette visite inopinée. C’est à une pluie d’interrogations que le facilitateur de cette rencontre a dû répondre avant qu’elle n’accepte l’entretien. Un facilitateur qui confiera plus tard que Sokhna Moumy lui a demandé, entre autres : ‘’Qui est-il ? Qu’est-ce qu’un journaliste ? Que veut-il?’’ C’est dans un grand salon mal éclairé qu’elle a tenu à nous recevoir. Assise sur un fauteuil marron le corps entièrement drapé dans un boubou aux couleurs multiples, elle fait face à un grand poster de son défunt père suspendu au mur. Sokhna Moumy ne nous lâche pas des yeux.

 

Après les salamalecs d’usage, elle nous invite à prendre place, à même la natte grise étalée sous ses pieds. La ressemblance avec son père est troublante. Et sa seule évocation a l’effet magique d’estomper toute suspicion. ‘’Il était mon ami et c’est lui-même qui a dit que j’étais son portrait le plus accompli’’, raconte-elle dans un sourire nostalgique. Seulement, Sokhna Moumy ne se considère pas comme la fille du 4e khalife de Bamba, elle, qui soutient avoir troqué sa place de fille avec celle d’un disciple. C’est à son jeune âge que son père l’a donnée en mariage à un de ses proches collaborateurs, sinon le plus proche selon certains, Serigne Ndiogou Mbacké. De cette union avec l’ancien gardien du Mausolée de Cheikh Ahmadou Bamba, décédé en 1986, naîtront trois filles. Idem pour son mariage actuel avec le gardien du Mausolée de Serigne Abdou Khadre.

 

La dynamique des petites-filles de Bamba sur le chemin du mouridisme

 

Même si le khalifat mouride est du domaine exclusif des hommes, il n’en demeure pas moins que les femmes membres de la famille Mbacké jouent leur partition avec dévouement et abnégation dans la voie toute tracée par Cheikh Ahmadou Bamba. Sokhna Moumy Mbacké ne déroge pas à la règle. Chez elle, les préparatifs du Magal prennent une tournure particulière. Elle réunit les talibés et organise des séances de récital du Coran. Sokhna Moumy dite ‘’Baax baay’’ ne s’en tient pas à ça, sa maison ne désemplit pas à l’approche de l'événement. Elle reçoit ses hôtes et prépare, en leur honneur, des victuailles en quantité largement suffisante.

 

‘’En tant que petites-filles de Serigne Touba, nous ne devons pas rester sans rien faire. Nous avons aussi notre rôle à jouer pour magnifier l’œuvre de notre grand-père et de nos pères’’, dit-elle sur un débit rapide. Tantôt cette dame est présente dans la discussion, tantôt elle est totalement absente, les yeux rivés sur le poster de Serigne Abdou Khadre placé en face d’elle. Mais, c’est toujours en sursaut qu’elle replonge dans le débat pour apporter des éclairages. ‘’C’est ce que j’en sais’’, sert-elle comme refrain au terme de chaque argumentaire. Le reste du débat, elle le confie à son ‘’bëkk néék’’ ou à sa fille Sokhna Khady Mbacké. Deux personnes qui ont grandement contribué à percer une partie du ‘’mystère’’ qui entoure cette dame au visage rond et tout rond. Un personnage difficile à saisir, parce que tournant le dos à toute mondanité. Sa seule attraction semble être ce livret aux écritures saintes qu’elle tient entre les mains.

 

Une rigoureuse éducation religieuse pour une fille pas comme les autres

 

C’est une éducation rigoureuse que Sokhna Moumy a reçue dans la localité de Darou Mouhty, auprès de son homonyme, fille de Cheikh Ahmadou Bamba, guide du mouridisme. C’est en trois mots qu’elle résume cette période de sa vie : ‘’Tééré ba, waañ wa, kër ga’’, (lecture du Coran, la cuisine, la maison). C’est ici que le surnom de ‘’Baax Baay’’ lui sera collé à jamais, faisant allusion à sa proximité avec son père. Loin d’être le fruit d’un pur hasard, le nom de Sokhna Moumy Mbacké a été inspiré par Serigne Fallou Mbacké, alors 2e khalife de Serigne Touba. Nous sommes en 1957 lorsque naît la fille de Serigne Abdou Khadre Mbacké.

 

Mis au courant, le khalife général des mourides et non moins frère du nouveau papa, appelle Serigne Souhaïbou Mbacké et lui fait l’injonction de donner le nom de Sokhna Moumy Mbacké au nouveau-né. Cette dame est la fille de sokhna Mbayta Ndiaye, une femme à qui Serigne Abdou Khadre vouait une confiance indéfectible, selon les témoignages. Ce qui surprend chez cette dame au teint clair, à la taille moyenne, c’est sa déconnexion du monde extérieur. Dakar, elle ne connaît presque pas. Sur plusieurs sujets d’actualité, elle se tait ou dit simplement : ‘’je ne peux répondre qu’aux questions dont je connais la réponse’’.

 

Elle s’exprime avec fermeté et spontanéité, ce qui fait souvent dire à ses proches qu’elle a le ‘’sang chaud’’. Mais, il n’en est rien, Sokhna Moumy consacre tellement de temps à lire le Coran et à revisiter les khassaïdes de Serigne Touba, qu’elle semble perdre la notion du temps. ‘’Je n’ai jamais vu une personne aussi discrète et aussi simple. Sokhna Moumy est contente lorsqu’elle passe inaperçue’’, témoigne son neveu et proche collaborateur Abdoul khadre Mbacké. La visite tire presque à sa fin et son collaborateur lui demande de formuler des prières pour l’assistance. Elle s’exécute à cœur joie, dans un élan spirituel presque inégalable. Des prières qui résonneront bien après cette rencontre pas comme les autres. La sainteté faite femme !

 

Amadou NDIAYE

 

 

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