Publié le 27 Sep 2012 - 19:44
PROCES CHEIKH YÉRIM SECK

Vous avez dit viol ?

 

 

La saison 1 de ce qu'on a appelé l'affaire Cheikh Yérim Seck est close. Le juge des Flagrants délits a rendu sa sentence en attendant bien sûr le verdict d'appel. Le chemin de croix va donc se poursuivre pour le propriétaire du site dakaractu.com qui va devoir souffrir en silence dans sa cellule. Comme dans les films à suspense, le méchant a été puni. Il n'a certes pas été criblé de balles, n'a pas sombré dans les flammes, avec des torrents de cris et de larmes. Mais c'est tout comme. Les spectateurs sont bien contents. Justice a été rendue !

 

Mais quelle justice ? D'abord celle populaire. Sur les forums des sites internet, sorte de ''grand-places'' des temps modernes, on y est allé à cœur joie. Avant même le procès, Cheikh Yérim Seck était condamné dans les commentaires postés par on ne sait qui. La saison est favorable, un seul et même internaute pouvait derrière son clavier raconter mille histoires sur les mille et une maîtresses de l'ancien journaliste de Jeune Afrique. Comme si Cheikh Yérim Seck n'a commencé à exister que depuis le fameux jour où il a attiré dans un hôtel aux Almadies ''une sainte nitouche'' de 19 ans, vierge comme au premier jour de sa naissance.

 

Entendons-nous bien, Cheikh Yérim Seck est loin d'être un ange. Sans doute a-t-il abusé par moments de sa position de pouvoir pour donner des coups. Aimait-il aussi les choses qui brillent un peu trop qu'il a pris, comme Icare, le soleil qui brûle pour une étoile. Il a aussi fait beaucoup d'erreurs dans sa carrière professionnelle, surtout hors du Sénégal. Mais il n'est pas ce ''serial killer'', toute bave suintante devant une victime toute innocente ; image qu'on a déjà fini de vendre à l'opinion. Sans verser dans le corporatisme primaire, l'affaire étant déjà ''pliée'', il faut bien dire que Cheikh Yérim Seck savait aussi être aimable et plaisant de compagnie. Plutôt séducteur, il était plein de charme et de vie. Et quoi qu'on puisse dire de l'homme, aujourd'hui qu'il est entre quatre murs, il faut aussi reconnaître qu'il avait aussi la capacité de dénicher les magouilles des puissants, à force de ténacité, même s'il en faisait après ce qu'il en voulait. Bref, il avait deux faces, mais on en a présenté qu'une : celle du méchant loup dans la bergerie.

 

Et puis quoi, ça arrange finalement une société terriblement complexe dans laquelle nous vivons, sans trop la connaître. L'introspection devrait d'ailleurs se situer à ce niveau. Le culte de l'horizontalité crée un schème lisse où tout ce qui émerge est coupé, découpé et jeté à la poubelle. L'horizon est un territoire interdit, il faut être comme tout le monde. Malheur à ceux ou celles qui ont le cou assez long et le regard assez lointain pour viser plus loin que leur ombre. Si ce n'est pas le sabre qui vient régler le problème, ce sont des torrents de crachats qui s'invitent dans le jeu. La question ne s'applique pas seulement à Cheikh Yérim Seck. Elle le transcende. Sans doute pourrait-on prendre d'autres exemples d'entrepreneurs, d'artistes talentueux, étouffés dans l’œuf avant même qu'ils n'aient pu éclore. Faut-il finalement voler au caméléon sa capacité à se fondre dans la nature.

 

Il faut se faire tout petit au Sénégal pour espérer survivre ? Comment donc apprécier une société qui éprouve le malin plaisir à avaler ses vedettes, qui piaille de bonheur lorsqu'un de ses fils se casse les dents ? Et comment comprendre l'impunité dont bénéficient ces ''pédophiles'' d'un autre genre, ceux-là qui prennent la société toute entière par derrière, la viole dans ses droits les plus élémentaires, la sucent jusqu'à sa dernière goutte, pour ensuite se pavaner, torses bombés, villas cossus, véhicules rutilantes et femmes bien rondes ? Et pourquoi ne s'émeut-on pas que des délinquants à col blanc, qui empêchent indirectement à travers le pillage de l'économie, aux enfants de se soigner, aux femmes d'accoucher dans des maternités décentes et aux enfants de s'instruire dans des salles de classe construites en dur, que ceux-là se promènent tranquillement entre les capitales des pays riches, sans aucunement être inquiétés ? N'est-ce pas là aussi un ''viol'' nocif pour la société ?

 

 

Mamoudou WANE

 

 

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