Publié le 3 Oct 2020 - 01:47
QUALITE DES MEDICAMENTS PROVENANT DE L’INDE

Les médecins et pharmaciens font un diagnostic positif

 

Depuis quelques mois, des rumeurs font état de l’infirmité de la qualité des produits pharmaceutiques venant de l’Inde et même de la sécurisation des médicaments importés. Des allégations rejetées par les praticiens qui rassurent les populations.

 

Faut-il douter de la qualité des produits pharmaceutiques importés par le Sénégal ? Comment est gérée leur sécurisation ? Ces questions occupent les débats, depuis que le pays traverse une crise sanitaire avec le coronavirus. Au point que beaucoup de citoyens commencent à douter de la fiabilité des médicaments. Les plus sceptiques soutiennent que les principes actifs des médicaments provenant de l’Inde sont insuffisants. Ce qui veut dire que les produits sont de qualité inférieure. Dans notre édition N°2668 : ‘’Dégâts collatéraux coronavirus : Cancéreux à l’agonie’’, le cancérologue Dr Abdoul Aziz Kassé laissait éclater sa frustration dans la lutte contre le cancer au Sénégal. Il déclarait : “Nous voyons des malades qui sont soignés avec ces génériques indiens, qui n’ont pas de chute de cheveux, pas de problème au niveau des ongles, pas de vomissement, aucune complication liée à une chimiothérapie normale. En définitive, on se rend compte qu’ils ne guérissent pas. Est-ce que réellement, dans ces médicaments indiens, il y a la molécule ? Est-ce que réellement, il y a la quantité de produits suffisants ? Je pense qu’il faut arrêter’’.

La sommité mondiale se désolait qu’en 1978, il y avait la Sipoa qui fabriquait des médicaments génériques. Cette industrie, disait-il, a été tuée par des Sénégalais, parce que, l’administration a fait peser tellement de charges que ce n’était plus rentable. “Actuellement, l’Inde et le Maroc achètent en Chine la poudre de ces médicaments, ils vont fabriquer des comprimés et injections et viennent les déverser au Sénégal. Sans contrôle de qualité, sans rien. Pourquoi on n’est pas capable de faire la même chose et d’avoir de la qualité pour nos malades et même pour desservir la sous-région ? Les îles du Cap-Vert le font. Pourquoi ce n’est pas possible au Sénégal qui le faisait en 1978 ?’’, s’indignait le cancérologue. Non sans rappeler qu’il y a quatre ans, il a été en Allemagne pour voir un groupe de Sénégalais en vue de faire la même chose. Mais le projet a été stoppé net par des fonctionnaires, à cause de querelles de leadership.

Mais, à en croire le président du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, les médicaments qui entrent sur le territoire sont bien de qualité. Selon le docteur Assane Diop, le Sénégal importe des médicaments de partout. Il y a l’Inde, les pays maghrébins, l’Europe et même le Mali, pour certains produits. S’il reconnait que beaucoup de médicaments viennent de l’Inde, il soutient que ce n’est pas la majorité. Il explique : ‘’En termes de production, il y a des normes. Chaque pays est tenu de produire ses médicaments sur la base de ces normes. Ce qu’on appelle les bonnes pratiques de fabrication BPF. Tout médicament qui arrive au Sénégal fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché. Pour obtenir cette autorisation, il faut produire tout un dossier qui justifie de la qualité du produit de tous les tests qui ont été faits et dire qui est le producteur, etc. En plus de cela, le pays dispose d’un laboratoire national du contrôle de médicament qui est chargé de vérifier ces médicaments et, au besoin, de faire des tests, après que le produit est mis sur le marché.’’

Ainsi, le pharmacien tient à rassurer : ‘’Tout médicament qu’une personne achète dans les pharmacies et dans les structures hospitalières autorisées (centre de santé, hôpital, poste de santé) est de bonne qualité. En termes de matière première, aujourd’hui, la Chine et l’Inde produisent 80 % des principes actifs. Donc, les médicaments ne sont pas en manque de principes actifs’’, assure-t-il. 

Même son de cloche chez le docteur Tahirou Ndir qui déclare : ‘’Il faut qu’on essaye de voir comment réduire les importations et faire une production locale. Parce que la majorité des produits viennent de l’Inde. Mais dire que le principe actif de ces médicaments est insuffisant, c’est des spéculations.’’

A l’en croire, ‘’tous les pays importent la majorité de leurs médicaments de l’Inde ou de la Chine. L’importation est bien assurée et bien sécurisée. Il faut arrêter vite cette spéculation’’, recadre le pharmacien. 

Dans le même ordre d’idées, le professeur Amadou Moctar Dièye renseigne que l’entrée au Sénégal des médicaments destinés aux officines, aux structures de santé publiques et privées fait l’objet de contrôle et est assujettie à une validation de la Direction de la pharmacie et du médicament (DPM) dirigée par le professeur Yérim Mbagnick Diop.

Selon lui, les importations se font essentiellement par le système Orbus 2000 qui est conçu pour faciliter les procédures du commerce extérieur par des échanges électroniques entre les différents intervenants.  ’’Au niveau de la douane sénégalaise, même pour les donations de médicaments ou tout autre médicament entrant au Sénégal, celle-ci s’en réfère à la DPM qui doit émettre une autorisation pour faire entrer les produits. C’est ce même processus qui est valable pour la Pharmacie nationale d’approvisionnement (PNA). Qui, si elle a des médicaments au port, la douane lui demande d’avoir une autorisation de la DPM, avant de les faire sortir’’, explique-t-il.

Le Pr. Dièye souligne que ‘’même les dons des médicaments sont validés par une demande. Si tout le monde joue le jeu, il n’y a aucune faille qui permet de déjouer les règles’’.

‘’Même les dons des médicaments sont soumis à une analyse’’

Embouchant la même trompette, le docteur Dié Thiam Diaïté soutient qu’au Sénégal, l’importation des médicaments et autres produits de santé est soumise à une réglementation qui est sous le contrôle strict.  C’est un arrêté ministériel portant organisation des dons datant du 23 juillet 2009, sous le n°07137, qui la régit.

Ainsi, pour obtenir l'autorisation d'importer des dons de médicaments, le bénéficiaire doit satisfaire certains critères. ‘’Les dons, bien qu’indispensables dans certains cas comme les situations d’urgence (épidémies ou autres), peuvent perturber le système d’approvisionnement en médicaments. C’est pourquoi ils doivent reposer sur une analyse approfondie des besoins. Leur choix et leur distribution doivent être adaptés aux politiques pharmaceutiques et au profil épidémiologique du pays bénéficiaire. Ce sont des produits de bonne qualité’’, rassure le Dr Dié Thiam Diaïté.

Pour le Dr Amsatou Cissé, le seul reproche à faire, c’est sur l’accessibilité et la disponibilité des médicaments. ‘’Le Sénégal n’importe pas du n’importe quoi.  Nous n’avons aucune crainte par rapport à la qualité des médicaments. C’est la sécurité de la population qui prime sur tout. L’Inde a une bonne matière première. En plus, tout est sous contrôle. Ce que je déplore, c’est l’énorme pourcentage des importations (90 %). Alors qu’on peut faire une production locale ou sous-régionale. L’industrie pharmaceutique n’est pas suffisamment dynamique’’, fustige-t-elle.

En écho à ces propos, la directrice de la Pharmacie nationale d’approvisionnement, Annette Seck Ndiaye, prône la fabrication locale.  ’’La pandémie a démontré les manquements dans ce secteur. Une entreprise comme Médis a aujourd’hui fermé ses portes. Avec l’achat des médicaments à l’étranger, le Sénégal perd beaucoup de devises. En 2019, l’Etat a acheté 13 milliards de médicaments’’. C’est pourquoi, pense Annette Seck Ndiaye, il faut investir dans de petites unités de fabrication de médicaments, comme cela se fait actuellement avec les masques. Il s’agira de prendre exemple sur le Maroc. Ce pays a de petites industries de fabrication de médicaments. Il faut au minimum 120 jours pour obtenir les médicaments après commande.

VIVIANE DIATTA

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