Publié le 4 Sep 2018 - 03:59
RETARDS ET AVENANTS

La rançon de la non-maitrise des projets

 

Si les retards sont parfois causés par un déficit de budget ou un empressement des maitres d’ouvrages, les avenants, eux, sont souvent les conséquences d’un défaut de maitrise des projets.

 

A n’en pas douter, la réalisation du nouvel aéroport international Blaise Diagne de Diass a battu tous les records en matière de signature d’avenants. C’est à se demander si l’Etat ne fait pas preuve, des fois, de laxisme dans la conception de ses projets. La question se pose avec acuité. Claude Moïse Dembélé, gérant du Bureau d’études Pro-Conseils Btp et responsable à Eiffage, estime que les avenants peuvent être dus à une méconnaissance des projets.

Il explique : ‘’Quand je parle de la gestion de projet dans le livre, je parle de la conception des projets en amont, c’est-à-dire que l’ingénieur responsable doit suffisamment analyser, avec pertinence, l’ouvrage qu’il veut réaliser. Où il veut le réaliser ? Quel est le type de sol, le type de matériaux qu’il veut utiliser ?’’ Cette tâche, selon le spécialiste, incombe au maitre d’ouvrage qui doit s’en acquitter avec minutie. Si, par mégarde, il brûle les étapes ou rate son évaluation, de deux choses l’une : soit il est face à un maitre d’œuvre qui réalise quelque chose de piètre qualité. Soit face à quelqu’un comme le ‘’rigoureux’’ Dembélé qui reprend le travail, sonde le sol, par exemple, et, en cas de complication, exiger des montants supplémentaires. Bonjour les avenants.

‘’Si le maitre d’ouvrage occulte certaines étapes et lance son appel d’offres, s’il se trouve devant un M. Dembélé, il va lui dire : j’ai sondé le sol. Il a telle qualité. Donc, tu me dois des travaux supplémentaires. Conséquence : les avenants. N’est-ce pas, M. Mbar Coly ?’’, taquine-il, s’adressant au responsable à l’Agence des travaux et de gestion des routes. ‘’C’est donc dès la conception qu’il faut maitriser l’ouvrage dans sa globalité, pour éviter ces principes d’avenants’’.

Toujours à cette cérémonie, Claude Moïse s’est aussi prononcé sur les raisons des retards dans la réalisation de chantiers. Tantôt, explique-t-il, c’est une insuffisance des ressources. Tantôt une mauvaise évaluation des délais de réalisation. Il arrive, selon ses dires, qu’Eiffage crache sur un marché, parce que les délais à lui fixés sont impossibles. ‘’Parfois, en soumissionnant, nous faisons comprendre au maitre d’ouvrage que ce délai est insuffisant. Le maitre d’ouvrage a parfois des impératifs de délai. Parce qu’il a tardé à lancer un appel d’offres, il compte parfois rattraper son retard en confinant l’entreprise dans un délai étriqué’’. L’ingénieur cite l’exemple d’un marché de la Saed. ‘’On me les donne aujourd’hui, mon délai finit dans 15 jours. Or, rien que le durcissement de mon béton, c’est 28 jours. Je dis que je ne prends pas. Je refuse de le faire, parce que j’étais dans des conditions étriquées de délai. Ils diront alors que je ne suis pas coopératif. Il faut savoir qu’on ne peut pas tout faire. Dans une bouteille d’1 litre, on ne peut en mettre deux’’. 

Le secrétaire général du gouvernement, Seydou Guèye, qui a présidé la rencontre, estime que l’ouvrage arrive à un moment très important. ‘’Nous sommes, dit-il, à un moment très important dans la construction de notre pays. Il faut donc des boites à outils pareilles pour se mettre au service de tout le monde. Et il est heureux de constater que Moïse, qui a toujours travaillé dans le dur, s’engage maintenant dans le durable, en lassant aux générations futures des ouvrages de cette nature’’.

GERARD SENAC

‘’Ce qui compte c’est la compétence des entreprises, non leur origine et la nationalité de leurs propriétaires’’

Après plus de 40 ans en Afrique, le président directeur général d’Eiffage Gérard Sénac est revenu sur son attachement pour le continent, pour le Sénégal. Il n’a pas manqué de lancer quelques pics à ceux-là qui ne cessent de traiter son entreprise d’étrangères. Il se défend : ‘’En dépit de tout ce qu’on en dit, Eiffage a quand même un personnel sénégalais.

Claude en est une parfaite illustration. Et dans les chantiers qu’il gère au nord, tout son personnel est sénégalais. Il n’y a qu’un seul Franco sénégalais qui y fait irruption de temps en temps. Et c’est moi’’, ironise-t-il. Mais qu’à cela ne tienne, Gérard Sénac estime que le débat sur la nationalité des uns et des autres est un ‘’faux débat’’. Ce qui importe, selon lui, c’est la compétence. D’où qu’elle vienne. ‘’L’Afrique, estime-t-il, a besoin de personnes comme Moise.

A Eiffage nous avons beaucoup appris avec lui. D’abord c’est lui a été à l’origine de la création du Bureau d’étude des prix. Avant son arrivée, c’était Alioune (Directeur général adjoint) et moi-même qui les faisions et cela nous prenait énormément de temps. Parfois on terminait très tardivement pour pouvoir déposer une offre’’, indique le PDG parlant de l’importance de l’étude de prix dans entreprises de travaux publics, objet de l’un des ouvrages. Avec beaucoup d’humour, Gérard met toutefois son personnel en garde. Car, estime-t-il, Moise les aurait mis dans une situation de concurrence qui pourrait être encore plus rude. Le sourire en coin, il déclare : ‘’Ces deux livres vont permettre au Sénégal d’aller de l’avant.

Mais les PME et autres entrepreneurs qui prendront le temps de les lire vont devenir pour Gorgui Niang (le responsable du d’étude à Eiffage) de sérieux concurrents. Alors Gorgui, c’est à vous de prendre les devants et de partir avant les autres’’, ironise le patron de l’entreprise de BTP. Selon lui, le Sénégal est un pays qui avance et les concurrents arrivent de tous les côtés. Il conseille à ses collaborateurs de ne pas regarder derrière, mais devant pour être chaque jour davantage compétitifs, en vue de demeurer dans le peloton de tête. Pour ça, confesse-t-il, il faut avoir les meilleurs ingénieurs, les meilleurs ouvriers.

M. AMAR

 

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