La frange jeune de plus en plus touchée
La région de Saint-Louis, riche de son patrimoine culturel et naturel, fait face à une problématique de santé publique de plus en plus préoccupante. Il s’agit de la hausse des accidents cardiovasculaires chez les jeunes. Pourtant traditionnellement perçus comme des affections liées à l’âge, les AVC touchent désormais une population plus jeune, mettant en lumière des facteurs de risque alarmants. D’ailleurs, la montée des maladies cardiovasculaires chez les jeunes à Saint-Louis représente un défi majeur qui nécessite une réponse collective.
La situation est préoccupante dans la région Nord. Raison pour laquelle il faut agir vite en mobilisant toutes les parties prenantes pour renverser la tendance et assurer un avenir plus sain aux jeunes de Saint-Louis face aux accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Selon des professionnels de la santé de la région, un nombre croissant de jeunes adultes et adolescents de la région présentent des signes précurseurs de maladies cardiovasculaires. Il s’agit, entre autres de troubles de l'hypertension, de l'obésité et du diabète de type 2 devenus très courants. ‘’Ils sont souvent liés à un mode de vie sédentaire et à une alimentation déséquilibrée. Ces troubles sont également associés à la consommation accrue de produits transformés, de boissons sucrées combinés à peu d’activités physiques. Un cocktail qui contribue beaucoup à cette crise sanitaire’’, a révélé le docteur Mamadou Diagne. Avant d’ajouter que plusieurs facteurs de risque exacerbent cette situation.
Pour le Dr Diagne, l’urbanisation galopante a entraîné des changements dans les habitudes de vie des populations. ‘’Comme dans toutes les grandes villes du monde, les jeunes de Saint-Louis sont souvent confrontés à un stress accru, des défis économiques et un accès limité à des soins de santé préventifs. De plus, l'absence de programmes d'éducation à la santé dans les établissements scolaires laisse un vide en matière de sensibilisation aux risques cardiovasculaires’’, a-t-il expliqué.
Une pathologie aux conséquences socioéconomiques désastreuses
Pourtant, cette crise sanitaire qui terrasse de plus en plus de jeunes n’est pas sans conséquences socioéconomiques. Puisque les complications de cette tendance ne se limitent pas à la santé individuelle. ‘’L'augmentation du nombre de malades cardiovasculaires chez les jeunes a des répercussions très importantes dans la vie socioéconomique de la région. Car elle entraîne une charge accrue sur le système de santé, augmente l'absentéisme au travail et peut compromettre la productivité. Donc, la prévention devient essentielle pour éviter une crise de santé publique majeure’’, a alerté le docteur Mamadou Diagne.
Malgré la hausse des cas d’AVC, surtout dans la frange jeune, les défis de la prise en charge des malades connaissent toujours des manquements à Saint-Louis. Pour les familles des malades, la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC) demeure préoccupante. Même si des efforts sont déployés par les autorités étatiques pour améliorer le système de santé à Saint-Louis.
Pour eux, les manquements dans l’offre de soins, notamment le déficit de médecins neurologues et d’équipements adéquats limite l’efficacité des traitements et le suivi des patients. ‘’L'une des principales difficultés rencontrées dans la région est le nombre insuffisant de médecins spécialisés en neurologie. Alors que la demande pour des soins neurologiques augmente, il y a un nombre de neurologues limité pour répondre aux besoins croissants de la population saint-louisienne. Une situation qui entraîne des délais d’attente importants pour les consultations, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses pour les victimes d’AVC. Il y a aussi que les hôpitaux de la région souffrent de manquements sur le plan technique. Les plateaux techniques, essentiels pour le diagnostic rapide et le traitement des AVC, sont souvent obsolètes ou insuffisants. Les équipements de radiologie tels que les scanners et les IRM, ne sont pas toujours disponibles ou fonctionnels à Saint-Louis. Cela limite la capacité des médecins à poser des diagnostics précis et rapides, entravant ainsi la mise en place de traitements adaptés. Donc, il est crucial que des investissements ciblés soient réalisés pour renforcer l’offre de soins, former davantage de neurologues et moderniser les équipements médicaux’’, a insisté la dame Maïmouna Diop dont le fils est victime d’AVC.
Le défi de la prise en charge du malade toujours d’actualité
D’ailleurs, ces manquements dans les infrastructures sanitaires et la disponibilité des professionnels de santé en nombre suffisant dans la région se traduisent par des conséquences directes pour les patients. Beaucoup d’entre eux se rendent dans d’autres régions pour recevoir des soins adéquats, ce qui engendre des frais supplémentaires et une grande frustration. Tandis que les patients qui ne peuvent pas se déplacer se retrouvent sans prise en charge appropriée, aggravant leur état de santé.
Face à cette situation alarmante, des actions concertées sont nécessaires. Pour les professionnels de santé, il est impératif de renforcer les campagnes de sensibilisation sur l'importance d'un mode de vie sain, d'encourager l'activité physique dès le plus jeune âge et d'améliorer l'accès à des aliments sains. Puisque la prévention et l'éducation sont les clés pour lutter contre cette pathologie silencieuse et garantir le bien-être des générations futures. C’est pourquoi ils invitent les autorités sanitaires, en collaboration avec des partenaires intervenant dans le domaine, à faire fréquemment sur le terrain des séances de dépistage précoce et des initiatives éducatives adaptées aux jeunes. Un accès amélioré à des soins de qualité est essentiel pour sauver des vies et améliorer le bien-être des patients et de leurs familles, même s’il reste encore beaucoup à faire pour garantir une prise en charge adéquate des AVC à Saint-Louis.
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SAINT-LOUIS : VICTIME D’UN AVC À 22 ANS : Le jeune Pape Laye Diouf refuse d’abdiquer
C’est un jeune homme de 25 ans, un visage emblématique des défis de la santé moderne à Saint-Louis. Passionné de football et grand supporter du Real Madrid, rêveur, Pape Abdoulaye Diouf, à l’état civil, et ‘’Carvajal’’ pour les fans, a toujours été un membre actif de sa communauté et de son quartier Pikine. Il y a trois ans, sa vie a basculé lorsqu'il a subi un accident vasculaire cérébral (AVC) qui a laissé des séquelles sur sa santé physique. Ainsi, la Journée mondiale de l’AVC a été saisie pour partager avec lui et sa famille les durs moments qu’ils traversent depuis quelques années.
Habillé d’un ensemble de tenue traditionnelle et assis sur une chaise en plastique de couleur bleue, les béquilles posées à côté de lui, Pape Laye se souvient encore du choc comme si c’était hier. ‘’Le jour de l'AVC, j’étais en train de jouer au football avec des amis sur le terrain du CEM de Pikine. Après quelques courses, j’ai ressenti une faiblesse soudaine dans mon bras gauche, suivie d'une difficulté à parler. J’ai été aussitôt transporté d'urgence à l'hôpital, où l’on m'a diagnostiqué un AVC ischémique. Les semaines qui ont suivi ont été marquées par une lutte acharnée pour ma réhabilitation, mais les conséquences ont été sévères. Maintenant, j’ai une perte partielle de ma mobilité et des troubles de la parole, même si je dois reconnaître que la situation s’est nettement améliorée depuis un an. Cependant, je ressens toujours une fatigue persistante. Dieu merci, je suis encore en vie et je refuse d’abdiquer’’, narre le jeune Pape Laye.
Mais pour arriver à ce résultat, sa famille a bataillé dur pour le soutenir. Pour sa mère M. D. Lèye, la prise en charge médicale de son fils et son suivi se sont avérés être un véritable parcours du combattant pour la famille. ‘’Bien que l’hôpital de Saint-Louis offre des soins, les ressources sont souvent insuffisantes. Les familles doivent faire face à des délais d'attente longs pour les consultations et les examens. Pape Laye a connu des interruptions dans sa réhabilitation, rendant son rétablissement plus complexe. Le coût des soins et des médicaments représente également un obstacle majeur’’, déplore Mme Diouf.
‘’Sa paralysie a raffermi davantage la solidarité dans la famille’’
Sa famille, qui est modeste, a du mal à couvrir les frais médicaux. Les aides financières étant limitées, la famille se retrouve souvent à jongler avec les dépenses quotidiennes tout en essayant d’assurer le traitement de Pape Laye. ‘’Les visites régulières chez le médecin, les séances de kinésithérapie et les médicaments nécessaires pour sa condition sont autant de charges qui pèsent sur nos faibles épaules de chef de famille’’, déclare M. D. Lèye. Avant de poursuivre qu’au-delà des difficultés financières, la paralysie de Pape Laye alias ‘’Carvajal’’ a engendré des impacts émotionnels importants sur la famille.
‘’Nous n’avons pas beaucoup de moyens, mais nous devons nous organiser pour nous occuper de lui. Depuis trois ans, son grand frère a dû réduire ses heures de travail pour se consacrer à lui, ce qui constitue une véritable pression pour toute la famille. D’ailleurs, la famille, souvent en proie à l’inquiétude, voit son quotidien bouleversé, jonglant entre les responsabilités familiales et le travail’’, renseigne la mère de famille.
Pape Laye Diouf, de son côté, fait face à des défis psychologiques. L’isolement et la frustration de ne plus pouvoir jouer au football avec ses amis pèsent sur son moral. Toutefois, il rappelle à ses visiteurs qu’il essaie de surmonter ces difficultés avec le soutien de ses proches. Malgré ces obstacles et le regard des autres, Pape Laye et sa famille continuent de se battre.
Pour son grand frère, A. Diouf, des programmes de sensibilisation sur les AVC et les maladies cardiovasculaires seront menés dans les stades et terrains de quartier pour mieux toucher la frange jeune. ‘’Nous sommes en train de nous organiser petit à petit dans la commune pour parler avec les populations de la nécessité d’une meilleure sensibilisation et d’un accès amélioré aux soins pour garantir un avenir plus sain et plus solidaire pour tous. Tout en espérant que l’expérience de Pape Laye pourra aider d’autres jeunes’’, lance A. Diouf.
IBRAHIMA BOCAR SENE SAINT-LOUIS