François Hollande parle d'"impossible réparation" de l'esclavage

François Hollande a souligné vendredi "l'impossible réparation" des ravages de l'esclavage, "outrage fait par la France à la France", à l'occasion de la journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions.
Cette question a été ravivée par le Conseil représentatif des associations noires (Cran), une association qui poursuit la Caisse des dépôts en justice pour avoir, selon elle, tiré profit de l'esclavage en recueillant notamment la "rançon" imposée à Haïti pour son indépendance.
Evoquant "l'impossible réparation" de la traite négrière, François Hollande a cité le poète antillais Aimé Césaire, dont on célèbre cette année le centième anniversaire de la naissance. "'Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini ? Non, ce ne sera jamais réglé'", a dit le président français, en écho à cette figure de la vie martiniquaise, célébrée au Panthéon, non loin des jardins du Luxembourg où se tenait la cérémonie.
"L'histoire ne s'efface pas. On ne la gomme pas", a-t-il ajouté. "Elle ne peut faire l'objet de transactions au terme d'une comptabilité qui serait en tous points impossible à établir. Le seul choix possible, le plus digne, le plus grand, le plus responsable, c'est celui de la mémoire, c'est la vigilance, c'est la transmission." Le chef de l'Etat s'exprimait en présence de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui est à l'origine de la loi de 2001 reconnaissant l'esclavage comme un crime contre l'humanité.
Le président du Cran a critiqué ces déclarations. "Tout crime appelle réparation, et quand on refuse la réparation, c'est qu'on refuse qu'il y ait eu véritablement crime. Il faut une réparation globale : morale, culturelle, financière, symbolique, matérielle", a dit Louis-Georges Tin à des journalistes.
"Ce chemin de justice doit être ouvert", a-t-il ajouté, reprochant au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, dont des conseillers avaient reçu des membres de son association en octobre, de ne "pas avoir tenu parole".
Les associations partagées
La position du Cran n'est pas partagée par Serge Romano, président du Comité marche du 23-Mai, qui a notamment aidé de nombreux Antillais à retrouver la trace de leurs ancêtres. Lui-même refuse la "posture de la réparation", qu'il juge "politiquement dangereuse".
"Une fois qu'on aura donné de l'argent, tout sera fini ? Vous serez réhabilité, réparé ? Non, ce n'est pas sérieux et c'est surtout dangereux parce que se baser sur le ressentiment, c'est encore une fois être dans le confit et ne pas être dans la solution", a-t-il dit à des journalistes.
Le sujet laisse "sceptique" la nouvelle présidente du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, Myriam Cottias. "Que la question des réparations soit posée, je le comprends", a-t-elle dit à Reuters. "Mais les enjeux sont beaucoup plus de travailler à lutter contre les représentations racialisées, racialisantes des personnes issues de l'esclavage. C'est un enjeu sociétal et politique beaucoup plus important."
Un projet de loi demandant la suppression du mot "race" de la Constitution, une promesse de campagne de François Hollande, a été déposé par des parlementaires communistes.
François Hollande a dénoncé l'esclavage, "outrage fait par la France à la France, à son propre honneur, à sa grandeur", et a rappelé la nécessaire lutte contre "toute discrimination, ce poison contre l'égalité".
"Si l'esclavage a disparu en France, la haine, le mépris qui l'ont rendu possible sont, eux, toujours là", a-t-il dit, appelant à combattre le racisme "sans répit, sans faiblesse et sans silence".
Le chef de l'Etat, qui a visité à son arrivée une exposition sur la traite des Noirs, a évoqué la construction, qui vient de commencer, d'un "Mémorial ACTe" en Guadeloupe.
Ce lieu de mémoire devrait voir le jour d'ici deux ans, pour un coût estimé à 70 millions d'euros. Le président a annoncé que l'Etat "apporterait sa contribution", dont il n'a pas précisé le montant, à la réalisation de ce projet jusqu'ici porté par la seule région Guadeloupe.
"La traite nous renvoie à la dette souscrite à l'égard de l'Afrique", a déclaré François Hollande, qui avait salué la mémoire des esclaves sur l'île de Gorée, au large de Dakar, en octobre dernier.
Il a fait un lien entre cette dette et l'intervention de l'armée française lancée en janvier contre les rebelles islamistes au Mali. "Aujourd'hui, c'est au nom de cette solidarité que la France est intervenue au Mali pour lutter contre l'intolérance, le fanatisme et la terreur", a-t-il dit.
REUTERS