Si le tribunal correctionnel de Dakar suit le parquet dans son réquisitoire, Luc Nicolaï sera absent de l’arène pendant les 10 prochaines années. Ses coïnculpés encourent eux aussi des peines de 5 et 10 ans de prison, ainsi que le paiement de dommages et intérêts d’un montant global de 750 millions de francs.

Après que son confrère, Me Khaled Ouda, a fait la genèse des faits ayant conduit les prévenus en prison, depuis 14 mois, Me Ciré Clédor Ly a présenté leur ampleur. A l’en croire, tout comme Bertrand Touly, l’hôtel a subi un lourd préjudice, à cause de cette affaire. Il reste persuadé que ‘’la vérité ne serait jamais découverte, sans les moyens de la technologie’'. Son confrère René Louis Lopy a pris le relais pour conforter une à une les accusations portées par son confrère.

A ses yeux, tous les prévenus ont joué un rôle actif dans l'acte ayant consisté à introduire de la drogue dans le bureau de leur client. Me Lopy considère que cet acte n'aurait pu se réaliser, si Amadou Lamine Mbaye n’avait pas ouvert la porte du bureau de Bertrand Touly. Quoi qu’il en soit, Me Moussa Félix Sow estime que les prévenus doivent payer pour leur acte. A ce titre, il a réclamé des dommages et intérêts estimés à 250 millions pour le compte de Bertrand Touly. Il aussi réclamé 500 millions pour le préjudice subi par l’hôtel. Me Sow a demandé au tribunal d’ordonner la confiscation de tous les biens des prévenus.

Alors que la défense n’avait pas fini de rire sous cape, face à cette demande, le représentant du parquet est entré dans la danse pour leur porter un coup de massue. Le substitut Saliou Dicko a qualifié de ‘’cruauté’’ et de ‘’cynisme’’ l’attitude des prévenus. Qui, selon lui, ‘’ont manipulé toute la chaîne judiciaire, pour des intérêts bassement matériels’’. Comme pour flatter l’ego de son collègue, le parquetier a lancé, à l’endroit du président Bâ : ‘’Vous connaissant, je sais que vous ne serez pas impressionné par cette déferlante de cars’’. Ce faisant, il a requis 10 ans ferme contre Luc Nicolaï et le douanier Abdou Khadir Kébé et 5 ans ferme contre les employés Djibrine Diop et Amadou Lamine Mbaye.

''Ouvrir une porte n’est pas un délit’’

Interloquée, la défense n’a pas manqué de qualificatifs pour fustiger le réquisitoire du parquet. Pour Mes Ndiaga Dabo et El Hadj Basse, conseils de Amadou Lamine Mbaye, le parquet devait situer la responsabilité de tout un chacun, dans cette affaire. Ce faisant, ils ont estimé que leur client doit être tout simplement relaxé. Ils ont argué que les relevés téléphoniques ne peuvent pas constituer de preuves, dans la mesure où leur contenu n’a pas été dévoilé. Pis, a appuyé Me Dabo, ''les accusations d’un caméléon comme Djibrine Diop’’ ne sauraient suffire. Surtout que Me Abdou Dialy Kane pense que ‘’le simple fait d’ouvrir une porte n’est pas un délit’’.

A la suite des conseils de Amadou Lamine Mbaye, Me cheikh Tidiane Faye, un des avocats de Djibrine Diop, a jugé ‘’excessif’’ le réquisitoire du parquet. ‘’J’ai l’impression d’être devant une Cour d’assise, alors qu’il s’agit d’un délit’’, s’est exclamé Me Ibrahima Mbengue qui reste persuadé que son client n’aurait pas encouru cette peine, s’il n’y avait pas Luc Nicolaï parmi les prévenus.

‘’On ne peut pas condamner Luc Nicolaï sur la base de mensonges''

Comme pour le conforter, Me Bamba Cissé dira : ‘’N’eût été la présence de Luc Nicolaï dans cette affaire, il n’y aurait pas cette peine exagérée et trop lourde.’’ Aussi Me Cissé a-t-il dénoncé l’absence de preuves, tout en tressant des lauriers au promoteur de la Petite Côte. Ce qui lui a valu une salve d’applaudissements du public composé en majorité de lutteurs et d’anciens lutteurs. Tous ont failli être expulsés de la salle, avant d’être rappelés à l’ordre par le président. Contrairement à ses confrères qui ont plaidé en premier, Me Abdourahmane So a trouvé la peine requise ‘’légale’’.

Toutefois, a-t-il ajouté, ‘’quand on requiert une peine aussi sévère, il faut l’articuler ; mais, a-t-il regretté, le parquet a balayé le dossier en 5 minutes’’. C’est pourquoi Seyni Ndione a estimé que le réquisitoire est ‘’implacable’’. ‘’10 ans, ce n’est pas un jour, ni 4 mois’’, a souligné Me Ndione, tout en déclarant que ‘’Bertrand Touly n’est pas aussi frileux’’ que le prétend le parquet. Pour le conforter, Me Emmanuel Padanou a asséné : ‘’Pour sauver le soldat Touly, on a dressé la justice contre l’un de ses plus grands collaborateurs qu’est la Douane.’’

Sur sa lancée, Me Padanou n’a pas fait dans la dentelle, en accusant clairement Djibrine Diop d'être un ’’orfèvre de la contrevérité’’, le ‘’conspirateur’’ de cette affaire, avec Eric Philibert, adjoint de Touly. ‘’Djibrine Diop est le faiseur de sale boulot. Il est de mèche avec la partie civile’’, a accusé le conseil. Ainsi, tout comme son confrère Me Basse, l'avocat s'est étonné que les conseils de Bertrand Touly aient demandé la clémence pour Djibrine Diop.

''Une machination orchestrée pour liquider Luc’’

C’est pourquoi, Me Pascal Gomis pense qu’il y a ‘’une mise en scène’’ dans cette affaire. Par conséquent, Me Abdou Dialy Kane considère que la justice ne peut pas condamner Luc Nicolaï, sur la base de ‘’mensonges’’. Surtout que la robe noire est dubitative quant à l’existence de la drogue. Parce que tout simplement dans cette affaire, Me Baboucar Cissé est convaincu qu’il y a ‘’une machination orchestrée pour liquider Luc’’.

Or dit-il, ‘’si Luc voulait faire chanter Bertrand Touly, il a plusieurs manières de le faire, car il a plusieurs dossiers brûlants contre lui’’. ‘’La justice, ce n’est pas une partie de billard, ni une pièce de théâtre’’, a conclu Me Cissé, convaincu que le promoteur est victime d’un complot. Au regard de tous ces éléments, Mes Alioune Sène et Mbaye Sène ont invité le tribunal à libérer Luc Nicolaï dont ‘’la lutte et l’économie ont besoin’’.

Les trois avocats du douanier Abdou Khadir Kébé ont aussi plaidé la relaxe de leur client. Mes Moustapha Mbaye et Moustapha Diop ont affirmé que le gabelou n’a fait que son travail en toute intégrité, sans réclamer un centime. Me Oumar Faty s’est étonné que leur client, un capitaine des douanes, soit poursuivi à la suite d’accusations d’Éric Philibert, une personne non assermentée.

Délibéré le 21 janvier 2014. À noter que la demande de liberté provisoire formulée pour le douanier a été refusée.

FATOU SY